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Les achats face à une difficile mutation

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Les achats face à une difficile mutation

Pour imposer sa vision, définir sa stratégie et convaincre ses clients internes que le cap fixé est le bon, l'acheteur doit avoir le soutien plein et entier de sa direction générale. Comment relève-t-il ce nouveau défi?

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D'une fonction support, l'acheteur serait en train de muter et de passer peu à peu à l'état de business partner. Il n'en reste pas moins vrai que, dans la réalité, les organisations en silos perdurent, entravant par un effet de ricochet la collaboration entre les différents services qui gravitent autour des achats. Les acheteurs le doivent peut-être à l'image quelque peu négative, ou pas assez valorisée, du métier qu'ils exercent. Ils sont en effet confrontés à une posture qui peut relever, dans certains cas de la schizophrénie, puisqu'ils doivent, d'un côté, servir au mieux leurs clients internes (les collaborateurs) et, de l'autre, procéder à toute sorte d'arbitrages budgétaires, au risque de les froisser. Il arrive encore que les achats soient cantonnés à l'exécution des contrats passés par des tiers. Dans ce cas, c'est ­l'opérationnel qui tranche, et l'acheteur n'impose pas sa vision. Néanmoins, des évolutions sont en cours.

En mode collaboratif

Il semblerait, malgré tout, que la collaboration entre les directions des achats et les autres services ­commence à devenir tangible. En effet, d'après la 4e édition de l'étude annuelle menée par Deloitte, auprès des professionnels concernés, 97% des directeurs des achats interrogés déclarent travailler activement avec le directeur financier, 92% avec le directeur général et 73% avec les directeurs de ­l'information et d'exploitation. Même s'ils se fondent sur du déclaratif, ces résultats tendraient à démontrer que les entreprises prennent conscience de la capacité des achats à créer de la valeur.

Dans un Livre Blanc intitulé "Les nouvelles compétences de l'acheteur créateur de valeur", l'Agence régionale de développement et d'innovation (ARDI) Rhône-Alpes milite pour "le développement d'achats high value, à l'heure où l'on parle beaucoup d'achats low cost". Radical, le changement de paradigme semble s'imposer comme une évidence, puisqu'au lieu de déployer des stratégies favorisant l'augmentation des marges par le bas, c'est-à-dire en réduisant les coûts, l'heure est aux solutions alternatives, en proposant davantage de valeur au client, qui acceptera dès lors de payer plus cher un produit ou un service dont il ­percevra les bénéfices.

La sécurisation des relations avec les fournisseurs constitue l'un des moyens pour y parvenir. Pour cela, l'acheteur devra au préalable installer une collaboration apaisée avec ses clients internes et sa direction. Ses compétences traditionnelles (maîtrise technique, organisation) se doublent désormais de nouveaux savoir-faire - créativité, qualités relationnelles, capacité à collaborer -, ces fameuses "soft skills" répertoriées par l'ARDI Rhône-Alpes dans son Livre Blanc.

Si, selon les auteurs de cette publication, les directions prennent conscience du resserrement des liens entre les acheteurs et leurs différents partenaires, que ce soient les fournisseurs ou les clients internes, une incohérence demeure entre le discours et les outils de pilotage des performances des intéressés, qui devraient accompagner leur montée en compétence. La mise en place effective de nouveaux indicateurs, tels la mesure du niveau de coopération avec les ­parties prenantes, la contribution à l'innovation ou au ­développement durable, servirait ainsi les intentions affichées et les stratégies en vigueur.

>> Lire la suite de l'article en page 2.


La segmentation, une variable d'ajustement

Mais avant de mesurer les performances des directions des achats, celles-ci doivent mener un autodiagnostic, afin d'identifier leurs marges de manoeuvre. Sur son "Blog des Achats", le cabinet BME consulting décortique la matrice de Kraljic, qui permet d'établir une représentation du portefeuille achat de l'entreprise. Son initiateur, Peter Kraljic, avait publié un article fondateur sur le sujet dans Harvard Business Review en 1983, dans lequel il dénonçait la faiblesse des achats, considérés comme trop routiniers dans l'exécution de leur tâche et suggérait au top management de leur fournir des outils spécifiques.

L'auteur justifiait alors sa démarche par un contexte économique soumis à des aléas pouvant remettre en cause la linéarité des achats: menace sur la disponibilité des ressources et rareté des matières premières, turbulence politique, intensification de la compétition, accélération des changements techniques. Des hypothèses, remarque BME, "qui n'ont pas pris une ride [...] à l'exception des acheteurs qui ne sont plus, bien sûr, les chantres du non-changement, mais au contraire ses promoteurs".

La matrice met en parallèle deux dimensions : d'une part, le poids stratégique de la famille d'achat en termes de valeur et, d'autre part, la complexité du marché fournisseur.

L'idée consiste à construire des matrices par filiales ou par fournisseurs, afin de pouvoir comparer les ­différentes catégories d'achats. La matrice de Kraljic est un outil aussi enfantin à comprendre que complexe à concevoir, comme l'indique BME sur son blog. Voici, sommairement, quels en sont les composantes.

- L'axe des ordonnées reflète l'impact sur le profit. "Dans la pratique, nous vous conseillons d'utiliser les montants dépensés et l'importance de l'article dans le produit final. Vous déciderez en fonction de votre portefeuille à quel niveau positionner le curseur".

- L'axe des abscisses détermine les facteurs de ­complexification et de risques du portefeuille (disponibilité, structures, technologie). Il s'agit de critères qualitatifs plus difficiles à analyser. Il est donc recommandé de dresser l'inventaire de ces facteurs puis, pour chacun d'entre eux, de s'interroger pour déterminer le risque d'approvisionnement. Par exemple, pour un produit donné, il s'agit de répondre à des questions comme "quel est le nombre de ­fournisseurs capables de se substituer aux fournisseurs actuels?" ou encore "quel est le coût de possession des produits d'une famille d'achat?".

"Établir une échelle de valeurs pour chacun des critères retenus revient à proposer des réponses possibles pour chacune des questions, en leur affectant un certain nombre de points. Cette étape est, de loin, la plus ­difficile dans l'élaboration de la matrice de Kraljic", mentionne encore BME.

Enfin les articles sont notés en fonction de l'échelle de valeurs. Au final, "chacune des cases de la matrice de Kraljic nécessite un développement particulier". Car ni les stratégies achats, ni les bonnes pratiques à déployer, ni même la nature des négociations ne sont les mêmes selon les résultats. Parfois, le profil des acheteurs diffère également. En somme, "pour le ­directeur des achats, cela répond à la préoccupation d'affecter les justes ressources aux activités les plus rentables".

>> Pour aller plus loin, consultez l'article "Les nouveaux habits de la fonction achats".

 
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