Ne pas se limiter à réécrire les contrats
La première étape, lorsqu'une réglementation touche les contrats, est bien évidemment de faire évoluer ces derniers afin de les rendre conformes. "Il est urgent de mettre à jour les contrats types, mais aussi les conditions générales de vente et les conditions générales d'achat", insiste Grégory Leveau, président de l' École européenne de contract management (e²cm). Ne pas oublier non plus les templates sur lesquels se basent les acheteurs et commerciaux lors de leurs négociations. "La réforme du droit des contrats est souvent mal traduite dans la modification des contrats, car elle touche beaucoup de clauses. Dans la plupart des entreprises, cela n'est pas fait, ou bien mal fait ou de manière insuffisante. Alors que nous sommes déjà deux ans après l'implémentation de la réforme", observe Grégory Leveau.
Cette première étape, incontournable, doit donc être réalisée par les personnes qui ont en charge les contrats dans l'entreprise. Et ce au plus vite et sur l'ensemble des contrats, ceux en cours comme ceux déjà signés (en mettant au point des avenants). Adeline Fedrizzi (Green Conseil) rappelle de ne pas omettre de faire évoluer, de la même façon, les appels d'offres.
Mais, comme le fait remarquer Adeline Fedrizzi, "il ne faut pas se limiter à réécrire les contrats". Elle invite à mener une étude d'impact globale en réunissant toute la chaîne, depuis l'émergence d'un besoin jusqu'à la réalisation et le suivi du projet, pour déterminer qui est réellement affecté par les évolutions réglementaires des contrats.
Identifier l'ensemble des personnes concernées permet de leur proposer une formation afin qu'elles comprennent bien l'esprit des lois et quelles sont les nouveautés à prendre en compte. "Une réforme de l'ampleur de la celle du droit des contrats nécessite une transmission d'information en interne. Or, cela a été très mal fait dans les entreprises. Les directions juridiques ont eu du mal à transmettre cette connaissance, peut-être parce qu'elles-mêmes ont eu du mal à l'acquérir", constate Grégory Leveau (e²cm). Pour faciliter cette transmission, il conseille de se saisir des premiers cas de jurisprudence afin de les incorporer dans les sessions de formation. Adeline Fedrizzi approuve : "Faire parler des cas d'école dans son secteur aide à faire comprendre plus rapidement. Surtout si les entreprises ont été soumises à des amendes importantes ou à l'arrêt de projets", pointe-t-elle.
Engie anticipe les réglementations
Dès la parution du projet d'ordonnance du 1er février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations - soit 8 mois avant l'entrée en vigueur de la réglementation -, Engie, membre fondateur et membre du conseil d'administration de l'AFCM, a pris des mesures pour s'adapter. Au programme : formations des équipes du service juridique, discussions avec les conseils extérieurs pour s'assurer de la bonne lecture de l'ordonnance ...
"Avec l'entrée en vigueur de la réforme, nous nous sommes rapprochés, en tant que contract managers, de la direction juridique afin de comprendre l'impact de la réforme sur les négociations, la rédaction des contrats et leur exécution", ajoute Peggy Houdart, contract manager senior au sein d'Engie. Par exemple, il a fallu faire prendre conscience aux équipes de négociations du risque lié à l'abus d'état de dépendance, qui se renforce avec cette réforme. Et la mise en place de cette réforme n'est pas encore totalement terminée tant elle révolutionne la façon de penser et d'utiliser les contrats. Engie travaille en ce moment à la mise en place d'un système documentaire adapté, compilant les preuves de la négociation et de la vie du contrat tout au long de la durée de la prescription. "Il s'agit de prouver au juge que les contrats ont été négociés, rédigés et exécutés comme prévu par l'ordonnance. Cela nécessite une collaboration entre la direction du système d'information, la direction des achats, la direction juridique, etc.", détaille Peggy Houdart.
Surtout, cette réforme incite encore plus à positionner les contract managers et les juristes le plus en amont possible afin de s'assurer, dès le début des négociations, que tout est bien conforme. Parallèlement, le RGPD est aussi en train de modifier la façon de contractualiser chez Engie. À commencer par les fournisseurs les plus sensibles en termes de données personnelles. "Nous avons défini des clauses spécifiques au RGPD, qui intègrent les nouveaux contrats et qui se substituent peu à peu aux clauses existantes dans les anciens contrats. C'est un travail d'équipe, entre le directeur juridique, le directeur des achats et les fournisseurs. Et surtout un travail de longue haleine, étape par étape, des fournisseurs les plus sensibles aux moins sensibles", précise Valérie Gibert, directrice du Project Management Office d'Engie. Le Data Privacy Officer chapeaute ce projet, mais des représentants de la data privacy ont été formés dans chaque pays pour apporter des réponses de premier niveau.
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