La digitalisation des achats - enjeux, bonnes pratiques et référentiel des solutions
La digitalisation permet, selon Bertrand Gabriel, directeur d'Acxias - qui vient de publier un livre, "des gains de performance importants des équipes achats, une réduction drastique des achats sauvages, et une meilleure maîtrise des risques en lien avec une amélioration de la qualité".
Je m'abonneAcxias, cabinet de conseil spécialisé dans les achats, a récemment publié un ouvrage sur l'évolution de la fonction et son informatisation, intitulé "La digitalisation des achats - enjeux, bonnes pratiques et référentiel des solutions". Il est préfacé par Marc Sauvage, président du Cdaf, qui estime que "Cet ouvrage est incontestablement une référence en la matière. Rappel des enjeux, analyse du marché, présentation des acteurs et des solutions... : tout y est. Il deviendra très vite un outil indispensable pour réaliser les analyses pertinentes et prendre les bonnes décisions pour investir dans nos systèmes d'information achats 4.0 !"
Réalisé "dans l'objectif de valoriser le métier et de contribuer à sa montée en maturité", explique Bertrand Gabriel, directeur d'Acxias, cet ouvrage de 180 pages s'articule autour de quatre chapitres principaux que sont "Les enjeux des achats"; "La contribution des outils" ; "Le marché des solutions e-achats" et un "Baromètre Acxias des solutions e-achats". En plus d'une analyse des enjeux et des pratiques, des tableaux fonctionnels proposent un comparatif détaillé d'une trentaine d'offres, permettant d'identifier les outils les plus à même de répondre aux besoins spécifiques des directions achats et financières. L'ouvrage s'achève sur un annuaire des principaux éditeurs et solutions du marché, en France, incluant des fiches signalétiques détaillées (chiffres clés, positionnement, spécialités et points forts, contacts, etc.) pour les 21 éditeurs partenaires.
Rencontre avec Bertrand Gabriel:
Ce livre contient notamment un chapitre sur les enjeux des achats... Quel regard portez-vous aujourd'hui sur cette fonction et quels enjeux, sont, selon vous, le plus prégnants?
La fonction achats a beaucoup évolué ces 10 dernières années, et de façon diverse et variée suivant les secteurs, les pays et les cultures et directions des entreprises. Néanmoins il nous semble possible de dégager certaines tendances de fond.
L'acheteur, communiquant et facilitateur de la collaboration interentreprises. En premier lieu, de par leur rôle, les achats sont au coeur d'un riche écosystème dans lequel interviennent toutes les fonctions de l'entreprise, et ses partenaires, les fournisseurs. Bien que la maîtrise des dépenses reste un axe fondamental de leurs actions au quotidien, les achats sont en position déterminante pour optimiser cet écosystème, faciliter les interactions et améliorer la collaboration entre les différentes parties prenantes afin de tendre vers un optimum global constitutif de l'entreprise étendue.
Les différentes études et analyses (et pas seulement dans le domaine des achats) démontrent que cette approche exploitant de façon optimale les forces conjointes des différents partenaires dans une approche collaborative intelligente et adaptative en continu permet de maximiser la création de valeur durable pour l'entreprise, et dans le respect de ses partenaires fournisseurs, sans le concours desquels toute entreprise ne peut exister.
La recherche persistante de la réduction des coûts s'inscrit plutôt dans une recherche d'optimum local interne à l'entreprise mais à court terme et instable car tendant vers la paupérisation des organisations et l'abaissement progressif de la qualité des produits et services des entreprises, qui perdent ainsi leurs forces de différenciation face à leurs concurrents, et se mettent, dans la durée, en danger.
L'acheteur, catalyseur de la transformation. En deuxième lieu, l'environnement dans lequel la plupart des entreprises évoluent est en mutation profonde et accélérée. La capacité d'adaptation des entreprises à ces mutations , voire l'anticipation de ces transformations, peut permettre un avantage concurrentiel décisif, ou à l'inverse conduire à une inadaptation progressive de l'entreprise à ses marchés. La transformation est l'affaire de toutes les directions, sous le moteur de la direction générale et commerciale-marketing ; mais la direction des achats, de par son ouverture naturelle vers ses fournisseurs et les marchés, est en position privilégiée pour identifier les nouvelles tendances, les innovations de produits, services ou d'approche dont son entreprise pourrait bénéficier pour appuyer voire réussir sa propre transformation.
Bénéficier de façon privilégiée (prime au premier entrant, co-développement ou exclusivité) des produits/services de ces fournisseurs dans un esprit entrepreneurial et de partenariat peut permettre une vraie différence dans la course à l'adaptation et à la confrontation avec de nouveaux entrants disrupteurs.
L'acheteur fer de lance de la digitalisation de l'entreprise. Enfin, parmi les mutations en cours, le digital joue un rôle de plus en plus important. Les acheteurs peuvent et doivent jouer un rôle essentiel dans la transformation digitale de leur organisation, en anticipant les évolutions du marché et en identifiant et introduisant les innovations les plus pertinentes au service de leurs clients internes, et, in fine, des clients de leur entreprise.
Afin de pouvoir jouer leur rôle efficacement, les acheteurs doivent eux-mêmes pouvoir s'appuyer sur un système d'information achats performant. Alors même que l'information constitue la matière première d'un acheteur, le système d'information achats est son outil stratégique pour identifier et qualifier de nouveaux fournisseurs à même d'accroître la valeur pour l'entreprise, mesurer et piloter la performance des fournisseurs en partenariat avec les clients internes, piloter les risques, déployer les contrats cadres et mettre les engagements de dépense sous contrôle... et surtout, amplifier le rôle stratégique des acheteurs en évitant de perdre inutilement un temps précieux passé sur des activités peu créatrices de valeur (intervenir dans les transactions, aller à la "chasse" à l'information, rapports, etc.).
Comment une entreprise peut-elle, selon vous, optimiser son système d'information achat, avec un coût raisonnable et dans les meilleurs délais ?
Une approche rationnelle consiste à définir une feuille de route (schéma directeur) de la digitalisation des achats. Pour être pertinente, cette feuille de route devrait prendre en compte au moins les éléments suivants
- les priorités métiers de la direction des achats et financière, en ligne avec les missions et objectifs confiés par la direction générale;
- les évolutions contextuelles (notamment la réglementation, par exemple en termes de facture électronique);
- un audit de l'existant (cartographie des systèmes d'information et processus) et problématiques induites;
- le business case ou étude de rentabilité qui permet de qualifier le potentiel de création de valeur induit par la digitalisation des processus ou fonctions de pilotage (par exemple, gestion des risques) en regard des coûts prévisionnels.
Cette feuille de route permet d'aligner les différentes parties prenantes sur un diagnostic, un objectif et le chemin à parcourir pour l'atteindre. Ce sont quelques semaines de réflexion qui permettent par suite de gagner des mois, voire des années. L'essentiel consiste à positionner les enjeux métiers et la création de valeur au coeur du projet de digitalisation ; l'aspect informatique et technique doit se faire oublier et les solutions du marché sont désormais suffisamment matures pour cela.
Suivant la culture interne, on privilégie également de plus en plus fréquemment des approches de mise en oeuvre itératives rapides des projets (de type SCRUM) afin d'engager et conserver une dynamique projet, d'amplifier l'engagement des utilisateurs et surtout de donner à voir rapidement une solution concrète et ses multiples capacités afin que celles-ci soient exploitées de façon optimale, en synergie avec l'utilisation réelle qui va être faite de l'outil.
On parle aujourd'hui beaucoup de digitalisation des achats... mais elle se réduit souvent à la seule dématérialisation. Qu'entendez-vous exactement par digitalisation des achats?
C'est un beau sujet de débat. De mon point de vue, la digitalisation est associée à la transformation... mais avant de transformer, il faut déjà maîtriser les fondamentaux sur lesquels cette transformation va s'appuyer, notamment la dématérialisation et la gestion numérique des processus. Par exemple, vous pouvez dématérialiser le contenu d'une facture reçue en format papier de vos fournisseurs, mais la création de valeur sera plus importante si le fournisseur émet dès l'origine une facture électronique pour intégration directe dans votre système.
Une nouvelle rupture digitale consiste désormais à utiliser une plateforme électronique d'intermédiation qui vérifie directement à son niveau et en temps réel la validité de la facture électronique émise par le fournisseur, et sollicite des changements du fournisseur si celle-ci n'est pas conforme. Evitant ainsi de solliciter inutilement les équipes comptables internes et permettant d'éviter de comptabiliser et financer des écarts indus, et réduisant drastiquement les retards de paiement.
Mais la digitalisation-transformation sur ce sujet va bien au-delà, car elle doit s'accompagner d'une pleine collaboration des fournisseurs et clients sur ces nouveaux processus, de changements de comportement et d'amélioration de la qualité en amont du processus de commande / confirmation de commande. De nouvelles pratiques peuvent être associées à cette transformation : il est désormais possible pour les fournisseurs dont la facture a été validée en live de négocier en temps réel une avance de règlement par un factor utilisant la même plateforme, ou pour le client de négocier un escompte pour règlement anticipé.
De la même façon, les solutions pour les acheteurs doivent leur permettre de renforcer leur collaboration avec les fournisseurs en complémentant les échanges asynchrones et hors contextes (email) avec des échanges en "live" et prenant en compte automatiquement le contexte duquel ils sont issus (par exemple, un appel d'offres, une commande). Mais également identifier et qualifier aisément et rapidement de nouveaux fournisseurs où qu'ils soient en s'appuyant sur une plateforme fédératrice d'informations multi-sources (financières, RSE, documents légaux etc.). De nombreux autres exemples peuvent être évoqués, par exemple la digitalisation des contrats et de leur signature électronique, ou la consultation dynamique des fournisseurs.
Quelle est alors la véritable valeur ajoutée des solutions digitales de gestion des achats?
La digitalisation permet de s'affranchir des contraintes d'espace et de temps et d'interconnecter tous les acteurs d'un sujet ou processus à une période donnée. Le champ des possibles s'ouvre alors à de nouvelles pratiques dont le potentiel de création de valeur reste difficile à appréhender aujourd'hui. Mais concrètement, les projets que nous menons actuellement pour les clients montrent des gains de performance importants des équipes achats (déploiement plus large et davantage en profondeur des axes de performance achats), une réduction drastique des achats sauvages, et une meilleure maîtrise des risques en lien avec une amélioration de la qualité.
Dans ce livre, vous proposez un panorama des tendances du marché des solutions e-achats. Quelles sont selon vous, celles qui répondent le mieux aux besoins des acheteurs? Et quelles évolutions seraient nécessaires?
Il n'y a pas une bonne solution dans l'absolu qui serait valable pour toutes les organisations. Pour être pertinent, le choix d'une solution doit s'appuyer sur de multiples critères notamment la couverture fonctionnelle ciblée, l'organisation et la culture de l'entreprise, les enjeux (exemple structuration de processus VS adaptation) ainsi que sur la trajectoire prévisible de la solution et la capacité de l'éditeur à répondre aux exigences de projet et d'évolutivité dans la durée.
Le livre Acxias répond à la plupart de ces questions, notamment avec des grilles de comparatifs fonctionnels des solutions et les résultats du baromètre des solutions (benchmark auprès des directions achats). La mise à disposition en mode Cloud, mutualisant les infrastructures et réduisant drastiquement les frais de déploiement, a également permis à certaines solutions de devenir accessibles à de plus petites entreprises ETI et PME.
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De même les interconnexions natives des solutions avec les ERP permet de réduire drastiquement les durées de projet et frais de mise en oeuvre. Les évolutions des solutions sont principalement issues des besoins du marché et d'importants éditeurs ont renforcé les liens avec leurs clients dans des logiques de co-développement. Cependant la plupart des solutions gagneraient à proposer davantage de flexibilité à leurs clients, par exemple avec des périodes d'essais de quelques mois avant engagement, ou des modèles freemium permettant d'accompagner la montée en maturité des achats dans les plus petites structures.
Vous proposez un comparatif détaillé d'une trentaine d'offres et une évaluation des principaux éditeurs. Comment avez-vous travaillé ?
Nous avons procédé en deux temps : d'abord, en réalisant un baromètre pour mesurer la satisfaction des entreprises utilisatrices vis-à-vis des outils et de leur éditeur, ensuite, en positionnant les principales offres dans des tableaux fonctionnels sur la base des informations disponibles début 2016.
En ce qui concerne le baromètre, il a été réalisé en ligne, via un questionnaire proposé aux entreprises de toutes tailles et tous secteurs. L'évaluation de chaque éditeur, à travers 17 critères, porte sur trois axes : le cadrage et le choix de la solution (avant-projet), le projet de mise en oeuvre, le maintien en conditions opérationnelles (post projet). L'évaluation des solutions couvre pour sa part 9 critères. En plus des notes, sur une échelle de 1 à 5, plusieurs thématiques "ouvertes" permettaient aux répondant de préciser leurs réponses ou d'apporter des informations complémentaires.
A sa clôture, le questionnaire a été renseigné par plus de 70 directeurs et responsables achat, acheteurs, chefs de projets ou responsables de systèmes d'information achats, pour 68 réponses validées. Quinze éditeurs et leur solution ont été évalués, avec de bonnes surprises et quelques résultats surprenants !
Pour les tableaux comparatifs des fonctionnalités des solutions, l'analyse a été volontairement restreinte aux acteurs présents sur le marché français, c'est-à-dire ceux ayant un ou plusieurs collaborateurs en France. Parmi les 100 acteurs que nous avons contactés, seuls ceux ayant renseigné le questionnaire qui leur a été proposé ont été répertoriés, soit une trentaine. Si les informations publiées sont largement déclaratives, les équipes d'Acxias ont procédé à de nombreuses vérifications et procédé à quelques ajustements.
Au final, les quatre tableaux fonctionnels des solutions digitales achats, procure to pay, facture électronique et business networks constituent une source d'information inégalée pour comparer les différentes offres et identifier les outils les plus à même de répondre aux besoins spécifiques des directions achats et financières.