Cloud.... vers des migrations tous azimuts
La lame de fond du basculement dans des environnements cloud se poursuit malgré le contexte. Une évolution qui fait même figure d'impératif pour certaines entreprises. Mais l'identification claire des besoins en termes d'usage et de sécurité doit être un préalable à toute autre décision.
Je m'abonnePour les responsables d'entreprise, la transformation digitale et les services gérés dans le cloud sont une priorité dans le monde post-Covid-19. Ils sont d'ailleurs 90% à le penser. C'est ce qu'indique une enquête réalisée par Infloblox, spécialiste des réseaux et services distants. En 2018, Gartner annonçait déjà que plus de 1,3 milliard de dollars seraient consacrés directement ou indirectement à la migration vers le cloud d'ici à 2022. La tendance allant dans ce sens est marquée, et les planètes semblent alignées pour que celle-ci se poursuive. Le cloud fait désormais figure de configuration majoritaire pour un certain nombre de tâches. "C'est aujourd'hui un schéma de fonctionnement très fréquent, notamment pour les activités liées aux RH, pour la gestion des CRM", remarque Éric Gatrio, Country Applications Leader chez Oracle France. La finance est l'un des secteurs les plus prompts à basculer vers des environnements extérieurs. La digitalisation du secteur est forte, et les acteurs disposent désormais d'une connaissance clairement identifiée et définie de leurs besoins techniques. Même le domaine manufacturier, qui concentre les entreprises souvent rétives à adopter une évolution de ce type, opère d'importantes migrations.
Pour Fabien Gautier, directeur du marketing et business développement France chez Equinix, fournisseur de data centers et de services d'hébergement, "le cloud est une promesse qui vise à n'utiliser que ce dont on a besoin. Cette approche optimisée séduit massivement à l'heure actuelle. Économiquement, le choix est d'autant plus rentable que le recours à certains services est occasionnel. Un des arguments majeurs qui oriente aujourd'hui les décisions informatiques dans ce sens est la possibilité de profiter de briques applicatives pertinentes et à la demande. Souvent directement gérées par les métiers, elles se caractérisent par une solution bien pensée, adaptée à une fonction précise, facile à utiliser".
Vers une digitalisation accélérée
À noter qu'aujourd'hui, près de 90% des applications existantes sont natives dans le cloud. Les projets de migration technique, de gestion et d'analyse intégrant des outils de machine learning, de modernisation des applications ou de déploiement de solutions de collaborations et de visioconférences figurent parmi les demandes fréquentes. Nombre de partenariats stratégiques sont désormais noués en vue d'une transformation digitale globale et d'un accompagnement de long terme, à l'image du fournisseur Google Cloud qui est inscrit dans une collaboration très large avec Sanofi, Carrefour ou Orange.
Le décloisonnement des services, dans le cadre d'une mutation digitale globale de l'organisation, est une priorité pour bon nombre d'entreprises. "La donnée "employé" ou la donnée "fournisseur" est unique. Elle doit être la même à tout instant pour les collaborateurs de la direction financière, des achats ou, encore, des ressources humaines. La réponse informatique de certains fournisseurs de solutions cloud, comme nous, constitue un avantage parfaitement en phase avec ce besoin. D'autres concurrents, qui ont grandi par rachats successifs d'entreprises et qui ne disposent pas de développements des solutions en propre pour l'ensemble de leur offre technologique, sont moins à même de fournir un service adapté aux environnements décloisonnés", indique Éric Gatrio. Les atouts du cloud conduisent des entreprises à entamer leur transformation digitale en adoptant directement des services distants. "Certaines organisations fonctionnant jusque-là avec Excel pour leur gestion du personnel se tournent directement vers une solution SIRH évoluée, disponible dans le cloud", illustre-t-il.
L'intégration des technologies de l'IA, de l'IOT et d'une façon plus générale, de la gestion et de l'analyse de données est aujourd'hui une vraie préoccupation des dirigeants. "Les questions qui peuvent ralentir les processus de décision pour les entreprises sont le "comment" et "avec qui" dans un contexte d'existant d'informatique. La crise du Covid-19 a peut-être bouleversé ces hésitations et accéléré la nécessité de mener leur transformation plus rapidement. Pour preuve, les annonces de grands acteurs bancaires européens, comme Deutsche Bank ou Lloyds, qui ont décidé d'accélérer leur mutation digitale", souligne Éric Haddad, directeur général France de Google Cloud.
Quelles attentes dans le cloud ?
En France et ailleurs, les entreprises semblent souhaiter investir sur une plateforme ouverte et flexible qui ne les lie pas sur un plan technologique et commercial. Pour cette raison, "nous avons fait le choix d'ouvrir systématiquement nos innovations à l'écosystème de l'open source. C'est le cas, par exemple, de Kubernetes, pour les services de containerisation, de Tensor Flow, spécialiste du Machine Learning et de l'IA ou, encore, de Hadoop, pour la gestion de données. De plus, nous investissons considérablement dans des partenariats technologiques avec les acteurs du marché informatique comme SAP et Cisco, de manière à faciliter l'intégration de l'innovation technologique chez nos clients", ajoute Éric Haddad.
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Certains usages ont encore du mal à convaincre
L'hybridation représente un autre modèle convoité : le schéma de l'informatique en propriétaire avec des liens qui vont vers le cloud est pertinent. Pour Fabien Gautier, "les services de messagerie, puis les outils en mode SaaS séduisent aujourd'hui d'innombrables acteurs de tous horizons. Désormais, les offres IaaS (Infrastructure as a Service) sont de plus en plus populaires. La question de fond pour les acheteurs est d'évaluer le volume nécessaire, la fréquence d'accès au cloud pour savoir si économiquement une solution est intéressante."
Néanmoins, si les atouts du cloud ont convaincu une partie des professionnels en entreprise, des réticences persistent. Parmi ses clients, Oracle compte de nombreuses références du secteur bancaire, de la finance. "De façon générale, dans les organisations, les DAF se montrent très enthousiastes. À l'inverse, dans le secteur industriel, et notamment chez les acteurs engagés dans une mutation vers l'industrie 4.0, le marché a encore besoin de s'approprier les réalités du cloud public pour prendre conscience du fait que l'efficacité est identique à un fonctionnement dans lequel les infrastructures et solutions sont déployées en interne", constate Éric Gatrio.
Si pour les usages SaaS, l'adhésion des entreprises est bonne, les offres de type IaaS semblent souvent mal comprises et sont regardées avec méfiance. "La question centrale que les décideurs se posent est : où place-t-on son curseur de risque ? Les entreprises comprennent ce qu'ils peuvent gagner en théorie avec le IaaS, mais elles doivent définir l'état réel de leurs besoins pour en évaluer la pertinence. Transférer sa puissance informatique à l'extérieur implique une dépendance forte à un tiers. Avec le contexte de crise actuel, les peurs sont fortes et il peut y avoir des freins malgré l'intérêt économique. Le fait de diversifier les services auprès de différents acteurs est une forme de réponse", décrit Fabien Gautier.
Un levier pour l'efficacité de demain
Le cloud est-il propice aux synergies ? Certains hébergeurs n'en doutent pas, constatant que l'hébergement d'entreprises différentes au sein des mêmes murs pouvait favoriser l'émergence de liens entre ces acteurs. La logique de partenariats mis sur pied autour d'un fournisseur global s'avère particulièrement intéressante pour l'industrie.
Renault développe depuis 2016 son programme Usine 4.0 qui repose sur plusieurs piliers : la connexion de tous les équipiers sur le terrain par le biais du wi-fi, la traçabilité et le tracking de l'information, la flexibilisation de la supply chain et des usines dans le but de bénéficier d'une meilleure souplesse et d'un meilleur fonctionnement, la maintenance prédictive et l'optimisation de l'énergie. "Il en découle un besoin de structuration différent. Nous avons décidé de passer à des solutions permettant la captation de données de façon transversale, non silotée", explique Éric Marchiol, directeur Projet Digital Fab. & Supply chain chez Renault.
"Nous avons, dès lors, élaboré un partenariat élargi avec Google Could. L'idée consiste d'abord à regrouper des acteurs tiers (start-up, universités, etc.) autour de nos deux entités, ce qui permet de valoriser mutuellement nos atouts dans une optique de développement gagnant-gagnant." Renault n'attend pas de Google la simple mise à disposition de fonctionnalités as a service. Son but est surtout de profiter du savoir-faire du géant américain pour accélérer et sécuriser tous les cas d'usage qui concourent au déroulement du programme de développement de l'Usine 4.0. "Nous avons construit une plateforme de collecte de la donnée. Celle-ci est, dans un deuxième temps, contextualisée et classifiée. Google nous apporte de la compétence technique pour industrialiser et optimiser les coûts dans ce domaine. Le but est, par exemple, de réduire la consommation énergétique dans nos usines de 10 à 20%", illustre François Lavernos, VP Manufacturing et Supply Chain chez Renault. Par ailleurs, on veut pousser la culture de l'utilisation de la donnée dans l'entreprise : comment l'utiliser pour être plus réactif ?
Éric Marchiol attire l'attention sur la nécessité d'harmoniser les données dans une perspective de développement de l'industrie 4.0 : "On dénombre chez Renault-Nissan plus de 10 000 robots qui sont presque tous différents (type de modèles, plusieurs générations, etc.). Pour des tâches analogues, certains s'expriment, par exemple, en degrés, et d'autres en radians. Sans un travail de standardisation des données élémentaires, la maîtrise de l'information n'est pas possible." Google a ensuite vocation à trier les données, les analyser, les mettre à disposition aux bonnes personnes aux bons moments, qu'il s'agisse de techniciens, de chefs d'atelier, d'experts en énergie ou, encore, d'ingénieurs.
Enjeux de sécurité : une vigilance insuffisante
Pour Philippe Rondel, senior security architect chez le spécialiste de la sécurité informatique CheckPoint, "la vitesse des migrations vers le cloud est inquiétante. On constate de très nombreuses attaques via les clouds, alors que les éléments que l'on fait migrer montent en flèche. Les plateformes distantes forment souvent des passerelles pour intégrer l'entreprise directement et activer des ransomwares. Il en résulte un impact sur la disponibilité des applications qui sont ainsi mises à mal par des cybercriminels." Philippe Rondel ajoute que bon nombre d'entreprises estiment que le fournisseur de cloud se charge intégralement des questions de sécurité. "C'est faux. Même s'ils intègrent presque systématiquement une offre de protection dans leur package, les garanties à apporter en la matière sur la partie applications et les infrastructures restent souvent la responsabilité du client final." Philippe Rondel cite également l'exemple des contrôles d'accès, "souvent proposés par les fournisseurs cloud et insuffisant pour bon nombre d'entreprises." Il importe d'avoir a minima un outil pour valider la conformité de l'ensemble des activités quant à leur exposition aux risques.