Achats de conseil : le boom des marketplaces
A terme, 10% du marché mondial du conseil passera par des plateformes en ligne. Aujourd'hui, les achats font appel de manière ponctuelle à ces nouveaux entrants du digital dans une approche complémentaire des cabinets de conseil. Comment? Et pour quels besoins?
Je m'abonneExpertaly, Winbids, Comatch, ... "Comment expliquer l'explosion des plateformes depuis 2-3 ans dans le secteur du conseil? " s'interroge Benoit Heitz, Partner groupe onepoint, entreprise française spécialisée dans la transformation numérique des entreprises et organisations à l'occasion de la rencontre achats de conseil du 6 novembre organisée par Syntec Conseil.
A l'image d'autres secteurs d'activité, le digital et la montée en puissance des entreprises des services du numérique révolutionne le marché du conseil. Ainsi, selon l'édition 2019 du baromètre achats de conseil du Syntec, 40 % des acheteurs observent occasionnellement des nouvelles pratiques achats de conseil. Des nouvelles formes d'achats de conseil qui ne se résument pas aux plateformes en ligne, mais peuvent également prendre la forme du conseil sur abonnement ou du management intérimaire.
10% du marché mondial passera par des plateformes
"Il y a de la place pour tous les nouveaux entrants sur le marché du conseil. La nature a horreur du vide", souligne Patrice Tiolet de l'association des responsables et directeurs achats (ADRA). Selon Isabelle Carradine associée chez PwC, "le marché du conseil au niveau mondial devrait passer de 280 milliards de dollars à 380 milliards de dollars en 5 ans. C'est un marché en très forte croissance et environ 10% de ce marché mondial devrait passer par des plateformes".
La société évolue et le freelancing explose dans tous les secteurs d'activité. Et les nouvelles générations veulent plus de flexibilité. Une prise de conscience déjà effectuée au sein du cabinet d'audit PwC qui a déployé une plateforme de freelances en interne à destination de ces nouveaux profils de collaborateurs. "Nous estimons qu'à terme, 60% des missions de conseil et d'audit seront effectuées en interne par nos collaborateurs, 20% seront sous-traitées au niveau international pour faire baisser les coûts et les 20% restants seront réalisés via des plates-formes", explique Isabelle Carradine de PwC.
Une approche complémentaire
Les plates-formes automatisent et simplifient la relation dans le B2B. Pour Bernhard Ney, directeur général France de Comatch, marketplace mettant en relation les entreprises et un réseau de plus de 10 000 experts indépendants fondée en 2015 en Allemagne, opposer plateformes et cabinets de conseil n'a pas de sens. "On ne parle pas de concurrence. Nous apportons une approche complémentaire à celle proposée par les cabinets de conseil classiques".
Comatch mise"sur une approche de sourcing plutôt que sur un référencement fermé", explique son directeur général France. Une tendance en hausse du sourcing qui se confirme avec l'édition 2019 du baromètre où seulement 2 % des acheteurs interrogés jugent le sourcing très fermé, contre 9% des consultants. Toujours selon ce baromètre, le secteur du conseil s'oriente peu à peu vers la fin du référencement fermé.
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Responsabilité et prise de risques
Si le sourcing est à mettre au profit des plateformes, la question de la responsabilité joue en faveur des cabinets de conseil dits classiques. "Les cabinets peuvent s'offrir une prise de risques plus grande sur les livrables", estime Isabelle Carradine de PwC. Un avis partagé par Patrice Tiolet de l'Adra, "Si on enlève la responsabilité, le prix est moins cher. Ce qui est le cas des plateformes. Les acheteurs doivent donc se poser la question du besoin et de leurs critères de choix." Au final, les services achats font donc en général appel à des plateformes pour des profils spécifiques, rares et pointus et de manière occasionnelle.
Pour Isabelle Carradine de PwC, faire appel à un cabinet de conseils c'est "une recherche de sens, le lien social, l'aspect collaboratif ou l'assurance d'une formation continue des consultants". Mais également "la garantie pour les entreprises d'une continuité dans la relation de services ". Côté plateforme, pour le dirigeant de Comatch France, "il faut oublier les clichés sur les freelances. Un indépendant n'a que son nom pour faire valoir son travail. Par conséquent, il a tendance à surpasser les attentes des clients".
Pour Benoit Heitz, Partner groupe onepoint. "La valorisation des compétences des consultants est un point de vigilance pour les cabinets car la fuite des talents vers les plateformes tient souvent à ce manque de valorisation des compétences".
Vers de la co-traitance
Au final, "Les plateformes sont un atout pour permettre aux cabinets de conseil de se réinventer et de repenser leur modèle" estime Benoit Heitz, Partner groupe onepoint. Ainsi, selon le baromètre de Syntec, les attentes des consultants et des acheteurs ont évoluées. Aujourd'hui, 34% des acheteurs perçoivent le conseil comme un apport de bonnes pratiques, de compétences et de savoir-faire aussi bien que comme une capacité de transformation et d'innovation.
"Dans ce contexte, on peut imaginer aller vers de la co-traitance ou du co-investissement avec les cabinets de conseil sur des sujets porteurs comme la blockchain ou les ERP", explique Benoit Heitz, Partner groupe onepoint. C'est d'ailleurs ce que réalise le groupe Thalès avec des cabinets de conseil. "Notre département conseil Thalès Consulting n'a pas vocation à augmenter ses effectifs mais le groupe doit évoluer en terme d'expertise. Nous misons donc sur la co-traitance avec des cabinets de conseil pour enrichir nos compétences, partager les connaissances du groupe .... ", conclut Gilles Charlut, Category Manager Consulting & Training Thales.