Article 173 de la Loi de Transition Energétique : quels impacts pour les entreprises?
Les entreprises devront rapidement être en mesure de cartographier et maîtriser les sources d'émissions sur l'ensemble de leur chaîne de valeur : leurs activités, leurs fournisseurs, leurs clients et les usages qu'ils font des produits.
Je m'abonneFin août, la publication du décret d'application de l'article 173 de la Loi de Transition Energétique a poussé les entreprises à mettre en oeuvre une réflexion stratégique face au changement climatique. Auparavant contraintes de réaliser tous les quatre ans un bilan des émissions de gaz à effet de serre (GES), elles vont désormais devoir publier des informations sur "les postes significatifs d'émissions de gaz à effet de serre générées du fait de l'activité de la société", pouvant inclure les émissions indirectes liées à l'ensemble de la chaîne de valeur amont et aval de l'entreprise.
En effet, le décret précise que "le reporting du rapport de gestion est élargi aux conséquences sur le changement climatique de l'activité de l'entreprise et de l'usage des biens et services qu'elle produit". A la veille de la COP 22 à Marrakech et à quelques mois de la publication des recommandations de la Task Force on Climate Related Financial Disclosures (TCFD) du Financial Stability Board, des questions émergent.
Le point avec
Julien Perez et
Thomas Gault, Senior Managers EY Sustainable Performance & Transformation.
Quels sont les risques et les opportunités sur l'ensemble de la chaîne de valeur ?
L'Accord de Paris vise à limiter le réchauffement climatique à +2°C par rapport à l'ère préindustrielle. Pour ce faire, les Etats signataires vont ainsi mettre en place les cadres réglementaires visant à la limitation des émissions de gaz à effet de serre, par exemple en taxant le carbone ou en soutenant les technologies bas carbone telles que les énergies renouvelables. Cela appelle un changement profond de nos économies fortement dépendantes aux énergies fossile. Les produits vont être directement impactés par ces évolutions : un produit à forte empreinte carbone deviendra de moins en moins compétitif du fait de l'impact d'une tarification du carbone, au profit de produits plus sobres qui bénéficieront de ce genre de réglementation.
Les entreprises devront rapidement donc être en mesure de cartographier et maîtriser les sources d'émissions sur l'ensemble de leur chaîne de valeur : leurs activités, leurs fournisseurs, leurs clients et les usages qu'ils font des produits. En France, l'Article 173 de la loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte, qui incite les entreprises à plus de transparence sur l'empreinte carbone de leur chaîne de valeur, s'inscrit dans cette logique.
Comment les entreprises peuvent-elles mettre en oeuvre une stratégie bas-carbone et capter les opportunités de croissance ?
Il convient tout d'abord de connaître et hiérarchiser les sources d'émissions de sa chaîne de valeur en fonction de leur importance et des leviers d'actions possibles. Sur les postes les plus émetteurs ou avec le plus de leviers, il faut analyser leur exposition aux risques de réglementations futures (par exemple, les engagements pris par les Etats lors de la COP21), comprendre le positionnement des autres acteurs du secteur et les attentes des clients et investisseurs.
Une fois ce diagnostic établi, il convient de tracer les évolutions futures des émissions de la chaîne de valeur en tenant compte des contraintes à venir, et de comparer cette trajectoire avec une trajectoire compatible avec un scenario 2°C (par exemple les trajectoires sectorielles de l'Agence Internationale de l'Energie). Cette comparaison doit permettre d'identifier l'effort à fournir, et les opportunités à capturer, par maillon de la chaîne de valeur, et zone géographique. En découle l'identification des leviers sur chacun de ces maillons, et les moyens d'y parvenir (à titre d'exemple, bon nombre d'entreprises ont mis en place des prix internes du carbone afin de piloter leurs investissements et leurs couts opérationnels vers les alternatives les plus sobres en carbone).
Lire la suite en page 2 : Quels seront les impacts sur le business model des entreprises ?
Quels seront les impacts sur le business model des entreprises ?
La contrainte carbone doit être considérée comme un nouveau paramètre dans l'équation économique des entreprises. Par exemple, pour un énergéticien, cela peut se traduire par une ré-allocation progressive de ses efforts vers des sources de moins en moins carbonées, telles que le gaz ou les renouvelables, et une réduction de son exposition sur les énergies qui pourraient ne jamais être exploitées en raison de la contrainte climat, tels que le charbon ou les sables bitumineux. Pour un acteur agroalimentaire, cela peut se traduire par l'identification de chaînes d'approvisionnement plus sobres ou un travail sur le packaging ou les recettes. Plusieurs grands acteurs prennent déjà ce chemin.
Il ne fait aucun doute que les entreprises qui prendront le pas en démontrant la résistance, et les opportunités de croissance, de leur business model dans un monde compatible avec un scenario 2°C auront un rôle de leader, ce qui aura notamment pour conséquence d'attirer plus facilement les investisseurs, eux-mêmes soumis à cette contrainte sur leur portefeuille d'investissements.