DossierDe l'urgence des achats responsables
Si de nombreuses directions achats sont depuis longtemps engagées sur le chemin des achats responsables, la COP 21 semble avoir accéléré les actions déjà mises en place et la prise de conscience de l'urgence de la situation. Tour d'horizon de quelques bonnes pratiques achats.
Sommaire
- Des achats responsables pour faire grandir la profession
- Des achats responsables pour faire grandir la profession
- Impliquer les fournisseurs dans la stratégie responsable de l'entreprise
- [Témoignage] Accenture implique ses fournisseurs dans la réduction de ses émissions de carbone
- "Nous allons étendre, d'ici à 2020, à 75 % le pourcentage de nos fournisseurs qui agissent pour réduire leurs émissions carbone"
- Réduire l'empreinte environnementale
- Une politique voyages plus verte
- [Retours d'expériences] Le groupe Seb lutte contre l'obsolescence programmée, Marriott International s'engage pour une pêche responsable
- L'enjeu du bâtiment durable
- Hikari, premier îlot mixte à énergie positive
- Vers des parcs informatiques vertueux
- Intégrer le cycle de vie des équipements
- Le défi de la supply chain responsable
1 Des achats responsables pour faire grandir la profession
Pas moins de 73 % des directions achats estiment que la COP21 aura un impact sur leur stratégie achats et que cet événement aura pour conséquence une revue de leur stratégie et des programmes achats. C'est ce que révèle la dernière enquête Tendances Achats* réalisée par Ivalua. C'est avant tout la menace d'une réglementation plus rigoureuse en matière de changements climatique qui fait évoluer les stratégies des entreprises. Interrogés sur les conséquences précises de la COP21 sur leur stratégie achats, les participants citent en majorité l'anticipation et l'adaptation à de nouvelles contraintes réglementaires (75 %) suivies par la mise en place d'une évaluation plus rigoureuse de leurs fournisseurs sur des critères de lutte contre le changement climatique (62 %) et la réévaluation des risques climatiques pesant sur leur supply chain (58 %). Chiffre étonnant : la mise en place en interne de démarche d'écoresponsabilité, en sensibilisant les équipes achats sur la réduction des consommations d'énergies et les actions en faveur du développement de produits & services à faible émission de gaz à effet de serre, ne sont citées qu'à 15 %.
Si de nombreuses directions achats sont depuis longtemps engagées sur le chemin des achats responsables, la COP21 semble accélérer les actions déjà mises en place et de prise de conscience de l'urgence de la situation.
2 Des achats responsables pour faire grandir la profession
Les achats responsables sont pourtant une opportunité "pour faire grandir la fonction achats"
Selon la sixième édition du baromètre "achats responsables" d'OpinionWay pour l'ObsAR (Observatoire des achats responsables), les achats responsables sont une priorité pour un responsable achats sur trois, quand un sur dix n'en voit pas l'intérêt. En cause, selon l'ObsAR, des " injonctions contradictoires " reçues par les acheteurs de la part de leur direction générale. " On constate que les directions sont à la fois préoccupées par les résultats à court terme - d'abord financiers - et demandeuses de solutions préparant l'avenir en s'interrogeant sur leur impact sur l'écosystème territorial, notamment " , commente le think tank.
Les achats responsables sont pourtant une opportunité "pour faire grandir la fonction achats" comme le souligne Nathalie Paillon chargée de mission au sein de l'ObsAR. Ce que confirme Pierre-Louis Frouein, corporate social responsability in purchasing manager chez Alcatel-Lucent : "C'est presque un inconvénient d'avoir une fonction achats mature pour développer une politique achats responsables. Car c'est toujours plus compliqué d'ajouter de nouveaux process dans un schéma déjà bien ancré."
3 Impliquer les fournisseurs dans la stratégie responsable de l'entreprise
De nombreux grands groupes ont déjà mis en place une stratégie achats responsables. Cela passe notamment par des initiatives pour impliquer les fournisseurs dans cette stratégie achats. Ainsi, le groupe Crédit Agricole récompense chaque année ses fournisseurs engagés dans une démarche innovante dans le domaine de la RSE et du développement durable avec ses Trophées Horizon. Dans la même idée, à la veille de la COP21, Carrefour a lancé la première édition internationale du " grand défi des fournisseurs pour le climat " , les 19 et 20 novembre 2015. Ce défi a récompensé dix fournisseurs pour leur action en faveur du climat, la réduction des déchets ou des émissions de gaz à effet de serre, la protection de la biodiversité ou encore le développement de produits écoresponsables. Des fournisseurs qui s'inscrivent en cohérence avec l'objectif de réduction de 70 % des émissions de CO2 d'ici à 2050 pour Carrefour.
Lire aussi : L'acheteur du futur, un acheteur stratége ?
* Plus de 120 professionnels européens ont participé à l'enquête Ivalua tendances achats "directions achats & COP21 " diffusée via les réseaux sociaux.
Un accord français sur la norme ISO 20400 achats responsables
La consultation publique de la nouvelle norme ISO 20400 sur les achats responsables s'est achevée le 29 janvier dernier. Au total, 47 pays sont engagés dans cette démarche qui aboutira, mi-mai 2017, à la publication d'un référentiel. Pour la partie France, 31 contributions ont été apportées par autant d'organismes. Soit 30 validations et une opposition, ce qui conduit à une approbation de la norme pour l'Hexagone. Une réunion sera organisée pour débattre des contributions desdits organismes. Cette norme est un document de dialogue qui pourra être utilisé par tous les acteurs de la chaîne, directions générales comme directions achats. "Ce sujet a été perçu par certains pays en voie de développement comme un risque potentiel pouvant ralentir leurs échanges commerciaux. Il y a donc encore tout un travail de sensibilisation et de communication à faire" , explique Isabelle Lambert, chef de projet Afnor et secrétaire du comité ISO achats responsables.
Pas moins de 73 % des directions achats estiment que la COP21 aura un impact sur leur stratégie achats et que cet événement aura pour conséquence une revue de leur stratégie et des programmes achats.
4 [Témoignage] Accenture implique ses fournisseurs dans la réduction de ses émissions de carbone
TÉMOIGNAGE
Nathalie Allemon, directrice achats France et Benelux d'Accenture
5 "Nous allons étendre, d'ici à 2020, à 75 % le pourcentage de nos fournisseurs qui agissent pour réduire leurs émissions carbone"
Dans la lignée de la COP21, l'entreprise de conseil Accenture a pris des engagements pour étendre, d'ici à 2020, à 75 % le pourcentage de ses fournisseurs qui s'engagent et agissent pour réduire leurs émissions carbone. "Une promesse déjà engagée, souligne Nathalie Allemon, directrice achats France et Benelux. Au niveau mondial, nous demandons à nos principaux fournisseurs un rapport d'émission carbone le plus impactant et d'être transparents sur leurs actions : fabricants de matériel informatique, compagnies aériennes, etc." Accenture est également partenaire du Carbon Disclosure Project (CDP), organisation internationale représentant un groupe de 475 grands investisseurs : "Nous organisons des réunions virtuelles pour former et informer nos fournisseurs sur des meilleures pratiques", détaille la directrice achats. La performance énergétique des bâtiments n'est pas en reste. Accenture s'est fixé de nouveaux objectifs pour réduire son empreinte environnementale d'ici à 2020, notamment en améliorant son efficacité énergétique de 30 % par rapport à 2007. Aujourd'hui, un système intelligent de gestion électrique a été développé au siège du groupe, à Paris, avec la possibilité de couper l'électricité sur des étages non occupés sur le site.
6 Réduire l'empreinte environnementale
Accenture a également annoncé s'être fixé de nouveaux objectifs pour réduire son empreinte environnementale. À la fin de l'année fiscale 2020, Accenture s'est ainsi engagé à ramener ses émissions de carbone à une moyenne de deux tonnes par employé, soit une réduction de plus de 50 % par rapport à 2007. Enfin, depuis 2009, plus de 800 000 bénéficiaires ont été accompagnés vers l'emploi ou l'entrepreneuriat grâce au programme mondial de stratégie sociétale "skills to succeed" ("des compétences pour réussir") mené par l'entreprise. Dans les faits, les consultants d'Accenture accompagnent les entrepreneurs sociétaux dans le développement de leur business plan. Car, selon Nathalie Allemon , "les entrepreneurs sociaux ou de banlieue peuvent apparaître comme un vivier de fournisseurs potentiels". Ainsi, Accenture travaille avec des sociétés qui fournissent des emplois aux chômeurs de longue durée et a recours à des entreprises du secteur adapté pour des prestations de maintenance informatique, le recyclage de PC ou encore l'impression de mailings. Côté politique voyages, l'entreprise privilégie le train à l'avion pour les trajets inférieurs à 3h20.
7 Une politique voyages plus verte
De même, avant de programmer un voyage et pour limiter les déplacements, les salariés doivent confirmer avant qu'une visioconférence n'est pas possible. Accenture fera un benchmark de ses compagnies aériennes et intégrera d'ores et déjà des critères environnementaux dans ses appels d'offres et ses contrats et fera un suivi sur les engagements pris en termes de respect des réglementations de développement durable et RSE. Côté mobilité, l'autopartage est favorisé tant en usage professionnel que personnel. Quatre véhicules électriques sont disponibles avec des bornes. Depuis décembre 2015, une flotte de véhicules tout électrique, plug-in hybride ou hybride est mise à disposition ou avec des plug-in bornes de recharge pour les salariés disposant déjà d'un véhicule électrique.
Dans la lignée de la COP21, l'entreprise de conseil Accenture a pris des engagements pour étendre, d'ici à 2020, à 75 % le pourcentage de ses fournisseurs qui s'engagent et agissent pour réduire leurs émissions carbone. Explications de Nathalie Allemon, directrice achats France et Benelux
8 [Retours d'expériences] Le groupe Seb lutte contre l'obsolescence programmée, Marriott International s'engage pour une pêche responsable
Hervé Montaigu, directeur des achats du groupe Seb
"Les achats travaillent plus en amont avec les fournisseurs pour assurer la robustesse des produits"
Vers la fin de l'obsolescence programmée ? Les marques Seb et Rowenta (Groupe Seb) font un premier pas dans ce sens et s'engagent sur un programme "réparabilité des produits sur 10 ans" qui impacte forcément les achats dans leurs relations fournisseurs. Désormais, le groupe Seb conserve "toutes les pièces détachées techniques" des appareils commercialisés depuis 2012 et s'engage à les rendre accessibles même après la fin de la période de garantie. "Nous avons toujours demandé beaucoup de pièces de rechange et des garanties sur ces pièces à nos fournisseurs , commente Hervé Montaigu, directeur des achats du groupe Seb. Mais nous devons à présent renforcer les garanties sur les termes des contrats. Il nous faut également garantir le stock d'anticipation et nous travaillons avec la supply chain dans ce sens." Le groupe a promis, pour la marque Seb, de stocker 5 500 références de pièces de rechange, tandis que Rowenta en conserve 8 500. Sur simple demande du client, les pièces de remplacement des appareils Seb et Rowenta seront livrées sous 24 à 48 heures chez le réparateur. Pour cela, le groupe s'appuie sur un réseau de proximité de plus de 6 500 réparateurs professionnels agréés dans le monde, dont 250 en France. Ce programme induit aussi la nécessité de garantir des relations pérennes avec les fournisseurs pour assurer l'approvisionnement des pièces sur dix ans : "Nous devons avoir des fournisseurs plus fiables", souligne Hervé Montaigu. En termes de projet, les achats travaillent plus en amont avec les fournisseurs pour assurer la robustesse des produits. "Les cahiers des charges n'expriment plus les mêmes besoins : il nous faut des produits plus robustes. Nous travaillons donc ensemble sur ce point. Nous achetons à présent des sous-ensembles et des conceptions . L'objectif, explique Hervé Montaigu, est de développer petit à petit ce programme sur l'ensemble des produits du groupe."
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Marriott International et WWF France s'engagent pour une pêche responsable
La COP21 a permis de soulever les grands enjeux environnementaux liés à la préservation de la planète. Ainsi, Marriott France et WWF France ont signé, en décembre 2015 un accord de partenariat en France afin d'intégrer la pêche responsable au coeur de la politique d'approvisionnement des hôtels de la marque et guider les consommateurs vers une alimentation durable. Douze hôtels du groupe, (essentiellement en Île-de-France), se sont engagés à servir des poissons "responsables" dans leurs menus. Ces poissons sont garantis ASC (Aquaculture Stewardship Council), MSC (Marine Stewardship Council) ou bio. Pour garantir 100 % de la traçabilité sur sa pêche, Marriott a travaillé avec ses "quatre fournisseurs principaux qui représentent 99 % de notre poisson responsable", explique Solveig Herth, general manager Courtyard by Marriott Paris Arcueil, en charge du développement durable pour Marriott en France. Pour cela, la direction achats compile toutes les informations - où sont pêchés les poissons, avec quelles techniques de pêche, etc. -, s'assure que les engagements sont tenus et aide dans la négociation avec les fournisseurs. "L'objectif est d'atteindre 20 % de poissons de mer "responsables" servis dans notre chaîne d'ici deux ans - nous en sommes à 3 % - et 50 % de poisson issus d'une aquaculture responsable. Et, bien sûr, d'étendre ce programme aux 30 hôtels que nous avons en France", complète Solveig Herth. Un chantier d'importance, puisque chaque année, l'approvisionnement en poissons des hôtels Marriott en France représente un volume
de plus de 83 tonnes.
Des inittiatives fleurissent ça et là. Dans le groupe Seb, les achats s'engagent avec leurs fournisseurs pour lutter contre l'obsolescence programmée tandis que Marriott International signe un partenariat avec WWF pour une pêche responsable.
10 L'enjeu du bâtiment durable
En France, le parc immobilier de bureaux regroupe plus de 200 millions de mètres carrés et le secteur du bâtiment dans son ensemble consomme 43 % de l'énergie finale et contribue à 25 % aux émissions nationales de gaz à effet de serre. Depuis le Grenelle de l'environnement, les entreprises doivent s'engager à réduire leur empreinte carbone. C'est notamment le cas d'Allianz France qui vient de déménager dans la tour Allianz One à la Défense, un bâtiment durable.
La direction des achats d'Allianz France a collaboré à la rénovation de la tour pour le compte d'AREF (Allianz Real Estate France) qui gère le patrimoine immobilier de l'assureur. En amont, la direction achats a recherché les meilleurs cabinets conseils capables d'accompagner AREF dans sa démarche RSE, puis les entreprises générales et leurs sous-traitants, susceptibles de répondre aux exigences du cahier des charges sur le plan environnemental mais aussi sociétal. "Nous avons aidé à la sélection des matériaux et fournitures. Par exemple, ampoules led pour l'éclairage, énergie verte à 100 %, moquette claire pour la clarté, bureaux inclinables...", explique Jean-Luc Durand, responsable des achats RSE chez Allianz France. Parmi les objectifs affichés de ce nouvel immeuble de bureaux : une consommation réduite de moitié par rapport aux autres immeubles de la Défense, une alimentation en électricité d'origine 100 % renouvelable ou encore l'obtention de trois certifications HQE Exceptionnel (BREEAM Excellent, Leed Gold et BBC Effinergie Rénovation). Des matériaux recyclés ou "régionaux" récoltés à moins de 800 kilomètres du site ont été utilisés.
11 Hikari, premier îlot mixte à énergie positive
Lors de la première édition des Trophées Solutions Climat, Bouygues Immobilier a remporté le prix "coup de coeur grand groupe" dans la catégorie "adaptation" pour son projet Hikari ("lumière" en japonais), premier îlot mixte à énergie positive en France. Ce n'est pas la direction achats à proprement parler qui a géré le projet mais la direction immobilière. "Nous avons lancé des appels d'offres divisés en lots techniques par corps d'état séparé. Étant donné le projet, ces appels d'offres avaient des critères environnementaux comme la quantité d'énergie grise pour le choix des menuiseries extérieures ou de la distance parcourue pour la fourniture en huile de colza, et responsables comme la lutte contre le travail illégal et l'utilisation des filières locales. Au final, nous avons retenu une quinzaine d'entreprises", explique Ana Vidal Andujar, directeur immobilier d'entreprise France Sud Est chez Bouygues Immobilier.
Né d'un partenariat public-privé, cet îlot de 12 500 m² est composé de trois bâtiments à usage mixte - bureaux, commerces et logements. Hikari est l'oeuvre de l'architecte japonais Kengo Kuma. Il produira, sur une année, une quantité d'énergie supérieure à ses consommations grâce notamment à sa conception architecturale bioclimatique. Ainsi, l'enveloppe du bâtiment s'adapte à la course du soleil grâce à la géométrie de ses façades et la nature des matériaux absorbe les rayonnements lumineux. Les éléments en béton de la structure ont la capacité de stocker et restituer de manière contrôlée l'énergie gratuite de chaud ou de froid. Mais aussi, une centrale de cogénération à l'huile végétale et une centrale photovoltaïque permettront une production annuelle totale de 476 MWh électrique, soit l'équivalent de la consommation d'environ 160 foyers. Cette production couvrira 80 % des besoins électriques et plus de 90 % des besoins en chauffage de l'îlot. Des panneaux photovoltaïques pour la transformation de l'énergie solaire, géothermie et machine à absorption pour la production de froid des bureaux complètent le dispositif énergétique. Enfin, la gestion énergétique sera analysée et mutualisée dans le but de réguler la production de chaud ou de froid. Si le bâtiment durable est un grand chantier, les achats doivent également s'attaquer au verdissement de leur parc informatique, réputé très énergivore.
En France, le parc immobilier de bureaux regroupe plus de 200 millions de mètres carrés et le secteur du bâtiment dans son ensemble consomme 43 % de l'énergie finale et contribue à 25 % aux émissions nationales de gaz à effet de serre. Des nombreux projets immobiliers plus vertueux sortent de terre.
12 Vers des parcs informatiques vertueux
"Seuls les grands comptes ont une politique d'achats responsables mais ils travaillent à l'envers. Les écolabels sont la clé pour couvrir 80 % du volume d'achats. Or, les acheteurs se compliquent la vie inutilement en rajoutant des tartines d'exigences liées à l'environnement alors qu'elles sont déjà comprises dans les écolabels. Il suffit d'exiger un écolabel dans l'appel d'offres. Seul hic : les acheteurs ne maîtrisent pas les écolabels", explique Frédéric Bordage, conseil en numérique responsable depuis 2004 au sein de GreenIT.fr.
Quelle doit être la démarche des acheteurs concernant les développements ? "Il suffit de préciser, dans les annexes techniques de l'appel d'offres, les bonnes pratiques à mettre en oeuvre comme la compression des images pour générer moins d'octets, etc."
"Les acheteurs ne maîtrisent pas les écolabels" - Frédéric Bordage (Green IT)
Si l'achat d'IT devient vert, désormais les achats responsables dans l'IT s'attaquent " aux sujets des prestations intellectuelles et aux services " , contrairement à avant où ils concernaient essentiellement le matériel informatique. "Nous travaillons actuellement avec le groupe La Poste, la Caisse d'Épargne, Solocal, etc. sur l'écoconception de logiciels de services", souligne Frédéric Bordage. Sage a mis en place une politique d'achats responsables "orientée sur un travail avec le secteur adapté sur des achats d'emballage et de conditionnement", explique Vincent Leroux-Lefebvre, responsable achats & politique achats durables, chez Sage France. L'entreprise travaille depuis sept - huit ans avec l'Esat Marsoulan et l'Esat de Montreuil sur cette problématique.
13 Intégrer le cycle de vie des équipements
Quand on pense informatique, on a tendance à se focaliser sur la consommation des data centers et l'émission de GES. Or, comme le souligne le directeur de Green IT : "L'énergie n'est pas un problème, et particulièrement en France car les data centers sont performants. Ils émettent peu de gaz à effet de serre. La vraie problématique est celle de la consommation d'eau pour refroidir les circuits desdits data centers." Les acheteurs doivent davantage se pencher sur le problème de la durée de vie des équipements. "Il faut exiger le reconditionnement plutôt que le recyclage, et envisager la fin de vie du produit dès la signature du contrat. Ce n'est malheureusement pas encore une pratique courante chez les acheteurs."
La perpétuelle mise à jour des logiciels implique trop souvent de changer un matériel informatique encore fonctionnel. Pour y remédier, Frédéric Bordage conseille "lors de l'achat de logiciels, de demander que le matériel informatique fonctionne avec le même niveau de performance dans les cinq ans suivant l'achat malgré les patchs et les mises à jour. Et que cela ne nécessite pas de rajouter de la mémoire vive." Si l'achat d'IT se verdit, la supply chain offre encore un large champ de possibilités pour des achats plus vertueux... Surtout quand on sait que les émissions de gaz à effet de serre issues de la chaîne d'approvisionnement représentent jusqu'à quatre fois les émissions directes de l'entreprise.
Pour rendre son parc informatique plus vert, des solutions existent. Reconditionnement, choix des écolabels, intégration du cycle de vie des équipements sont les clés du succès.
14 Le défi de la supply chain responsable
Suite aux conclusions de la COP21, l'émission de gaz à effet de serre et la réduction de l'empreinte carbone sont une priorité. À ce titre, la mise en place d'une supply chain responsable est un enjeu majeur. C'est ce que révèle une grande étude sur "l'impact climatique de la supply chain" menée par le CDP (Carbon Disclosure project) et BSR, organisation à but non lucratif mondiale qui travaille avec plus de 250 entreprises. 72 % des sondés reconnaissent que les risques climatiques peuvent affecter de manière significative leur business, recettes et dépenses.
Parmi les risques climatiques majeurs identifiés figurent, pour 46 % d'entre eux, l'élévation du niveau de la mer, les changements de température et les cyclones tropicaux. Le rapport suggère que les émissions de carbone et la gestion du climat sont de plus en plus pris en compte dans les décisions d'achat et perturbent les modèles d'affaires basés fournisseurs établis. L'Oréal, par exemple, travaille avec CDP pour créer des tableaux de bord sur le climat des fournisseurs qui peuvent être facilement comprises par le département d'achat. Tandis que Coca-Cola Company et le Groupe LEGO mettent en place des formations pour les fournisseurs afin d'améliorer la performance climatique et créer de la valeur partagée. Autant de bonnes intentions dont on attend les résultats sur le papier...
Témoignage
Anne Le Rolland, p-dg d'ACTE International, prestataire en global supply chain management
"Une supply chain responsable doit se baser sur le "prix de revient international" (PRI) du produit"
Les choix de sourcing d'une supply chain responsable doivent être directement justifiés par le prix de revient international (PRI) du produit. Le seul prix de fabrication (matière + main-d'oeuvre) n'est pas un critère suffisant pour choisir la zone de production. Tous les coûts induits par l'achat international doivent être ajoutés dans le PRI afin d'être comparé au prix de revient d'une fabrication locale ou régionale : coûts de transport, droits de douane, mobilisation de la trésorerie du donneur d'ordre et aussi déplacements professionnels des acheteurs, coût des contrôles qualité et de la non-qualité, charges de tests de laboratoire, etc. La cartographie logistique d'approvisionnement et de distribution fait partie inhérente d'une supply chain responsable.
Il s'agit de réduire l'empreinte carbone, de raccourcir le routing de circulation des produits entre le lieu de production et de distribution finale. Vaut-il mieux vendre aux États-Unis des produits fabriqués en Chine qui transitent par un entrepôt européen, ou fabriquer un sous-ensemble en Europe, l'assembler au Mexique et livrer aux États-Unis ? Des choix qui peuvent contribuer à réduire significativement la facture douanière et fiscale des produits et permettre de laisser un peu plus de marge chez le fabricant.
Le mode de transport est finalement le maillon le plus simple à traiter d'une supply chain responsable. Limiter le fret aérien, consolider les produits en fret maritime a maxima, et quand c'est possible, utiliser des solutions de transport alternatives (routier électrique, ferroviaire, barge). Sélectionner des compagnies maritimes et aériennes engagées sur l'environnement, mettant à disposition des calculateurs d'empreinte carbone, ayant signé les conventions internationales, ou tout simplement investissant dans des flottes d'avion et de navires plus écofriendly. Les appels d'offres des donneurs d'ordre, particulièrement dans les secteurs du luxe et des biens de consommation intègrent de plus en plus souvent les critères RSE, allant parfois jusqu'à en faire un prérequis avant l'étape d'offre tarifaire.
72 % des supply chain managers reconnaissent que les risques climatiques peuvent affecter de manière significative leur business, recettes et dépenses. Quelles sont les bonne pratiques à mettre en oeuvre?
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