Transparence du process de facturation et lutte contre la fraude à la TVA
Entretien avec Me Sylvain Bonnaire, avocat fiscaliste, sur les changements que vont occasionner la réforme de la facturation électronique.
Je m'abonneQuel regard portez-vous sur la future réforme de la facturation électronique ?
C'est une bonne chose en termes de lisibilité et de transparence. Cette réforme va permettre d'augmenter le niveau de surveillance à tous les niveaux du process de facturation, de la production de la facture en passant par les flux financiers. L'intégration de la facturation électronique va fluidifier le traitement des factures entrantes dans les systèmes comptables des entreprises. Cela va permettre un contrôle accru de la conformité des factures sortantes et le rejet à la source des factures non conformes. Surtout, dans une relation d'achats entre entreprises, cette réforme va permettre de donner de la transparence dans l'avancement du traitement des factures chez le client. d'un point de vue des États, cela permet de s'aligner avec les meilleurs élèves sur le sujet et de rentrer dans une dynamique d'alignement entre les données de l'INSEE et de la douane pour un résultat optimal.
Dans la pratique, en quoi consiste la fraude à la TVA ?
La fraude à la TVA peut se concrétiser de plusieurs façons. Dans le principe, la fraude à la TVA est une pratique dans laquelle l'émetteur de la facture disparaît des radars et finalement ne reverse jamais la TVA. Le phénomène est particulièrement connu dans l'achat de véhicules d'occasion. Cela dit, les fraudes les plus massives concernent l'e-commerce et ce qu'on appelle la fraude de type carrousel. Cette pratique s'est développée avec la création du marché unique en Europe. Concrètement, cette fraude est organisée entre plusieurs entreprises pour obtenir le remboursement, par un État de l'Union, de la TVA qui n'a jamais été acquittée.
Quelles sont les sanctions prévues sur le sujet ?
Les sanctions prévues peuvent aller jusqu'à cinq d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende. Le comité des infractions fiscales intervient dans ces procédures pour arbitrer selon la gravité des cas, s'il faut poursuivre la procédure au pénal ou pas.
Quel est le manque aujourd'hui à gagner ?
Depuis que l'État a mis une place une estimation de cette fraude, elle ne cesse de prendre de l'ampleur. Elle atteint aujourd'hui, selon les dernières estimations de 2022, un montant fluctuant entre 20 et 26 milliards d'euros. À titre d'exemple, selon les chiffres de 2020, l'Italie a déclaré un manque à gagner de 26 milliards d'euros tandis que l'Allemagne a estimé la perte à 11 milliards d'euros (14 milliards à l'époque pour la France).
En quoi la facturation électronique permet-elle de lutter contre cette fraude ?
Cette réforme se déroule en trois temps. L'ordonnance du 15 septembre 2021a fixé le calendrier et vise à un déploiement progressif. À compter du 1er juillet 2024, la réforme visera l'ensemble des assujettis en termes de réception de facture et uniquement les grandes entreprises sur le sujet de la transmission des factures. En d'autres termes, l'ensemble des factures standardisées vont transiter via 2 types de plateformes : soit le portail public de facturation soit une PdP, une plateforme de dématérialisation partenaire.
Quelles sont aujourd'hui les interrogations des entreprises sur le sujet ?
Nos clients expriment de réelles inquiétudes. De notre point de vue, nous craignons que cette réforme ne ressemble à celle des tribunaux de commerce, qui, en théorie, consistait en une réforme de taille mais dont l'exécution et la logistique n'ont pas été de taille. La facturation électronique peut laisser des entreprises de côté car l'implémentation demeure assez lourde pour les plus petites entreprises.
Quelles sont vos recommandations ?
Il importe de poser un diagnostic et de réaliser une revue d'ensemble de ce qui est réalisé sur le sujet. Le régime de TVA appliqué est-il correct ? Les factures comportent-elles toutes les mentions attendues, etc. Cette première photographie permettra ensuite d'ajuster le tir face aux futures échéances.