[IT] De la bonne préparation d'un projet SRM : prérequis et bonnes pratiques
Porté par la direction Achats, un projet d'implémentation d'une solution SRM (Supplier Relationship Management), de pilotage de la relation fournisseurs nécessite au préalable de nettoyer et structurer ses données fournisseurs pour mieux les classer, les évaluer et les connaître et d'en identifier les risques éthiques et environnementaux. Il est également indispensable d'impliquer dans le projet la quasi-totalité des départements de l'entreprise susceptibles d'utiliser cet outil logiciel pour leurs propres besoins et objectifs.
Je m'abonneAvec le durcissement des réglementations française et internationale sur le droit du travail, la sécurité des salariés, la qualité et la traçabilité des produits..., la relation des entreprises avec leurs fournisseurs a pris de l'ampleur et rend aujourd'hui de plus en plus nécessaire l'utilisation d'un outil SRM pour faciliter leur conformité avec les obligations légales éthiques et environnementales. « Ce type de logiciel devient désormais indispensable pour anticiper l'entrée en vigueur progressive à partir de janvier 2024 de la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui exige des entreprises, un reporting de leur politique RSE » indique Isabelle Carradine Pinto, associée au cabinet conseil PWC France et Maghreb et spécialiste des achats.
Dans un tel contexte, nombre d'entreprises, grands groupes et ETI notamment, projettent de s'équiper d'un outil SRM qui leur permet d'optimiser le pilotage des relations avec leurs fournisseurs, en en ayant une meilleure visibilité et connaissance. Et cela conformément à la réglementation qui impose aujourd'hui aux services Achats, un devoir de vigilance éthique et environnemental sur leurs fournisseurs. Mais encore faut-il bien préparer le projet pour que l'outil trouve toute sa pertinence sur la performance et l'éthique escomptés des fournisseurs !
Nettoyage de la data, encore et toujours
Cela demande d'abord de savoir ce qu'on souhaite en faire et de déterminer sa finalité. « Il est primordial de définir un cahier des charges et de savoir ce que l'on fait des données fournisseurs » explique Anne Kovacs, directrice adjointe Achats et Logistique dans le secteur de la construction. Une première démarche qui nécessite de nettoyer et de structurer les données dans sa base de données fournisseurs. « L'importance de la Data est capitale pour mieux connaître et hiérarchiser ses fournisseurs en fonction de leur niveau stratégique, de leur risque, de leur éthique et du taux de dépendance de l'entreprise envers certains d'entre eux majeurs ou stratégiques » estime Élisabeth Lezeau-Millot, gérante de la société EMI Conseil, spécialisée dans les systèmes d'information Achats. Améliorer la qualité des données et en avoir une bonne maîtrise passe aussi par leur mise à jour grâce au suivi des éléments financiers, éthiques et environnementaux de chaque fournisseur. « Il faut également définir les données que l'on veut contrôler et partager avec les autres directions de l'entreprise et celles sensibles qu'on ne souhaite pas dévoiler aux fournisseurs » précise Thomas Chotard, directeur et spécialiste des achats chez Wavestone, cabinet conseil en transformation des entreprises. Pour Isabelle Carradine Pinto, « le point de départ d'un projet est de définir la répartition de certaines données fournisseurs et leur processus d'administration entre les deux principaux services concernés, la direction financière et des achats. La première pour la contractualisation des fournisseurs et la comptabilité dédiée, la seconde pour leur connaissance précise ». Classer ainsi les fournisseurs en les regroupant par métiers similaires et par familles d'achats et hiérarchiser ces familles, fait partie des opérations indispensables à effectuer par la direction Achats avant de lancer un tel projet.
Et la compliance dans tout cela ?
L'entreprise doit aussi se préoccuper du risque éthique, notamment de la déclaration des fournisseurs sur l'emploi de travailleurs étrangers imposé par la réglementation française, et vérifier un certain nombre d'informations sur ses sous-traitants en phase avec la réglementation internationale sur le droit du travail. Cela demande de mettre ces données en propre. « Collecter et traiter toutes les données légales et qualifier en conséquence les fournisseurs est la base d'un projet SRM » résume-t-elle. L'entreprise doit également se prémunir des autres risques financiers, environnementaux, géopolitiques et de dépendance envers des fournisseurs stratégiques... « Il est nécessaire d'identifier et de cartographier l'ensemble des fournisseurs à risque pour les recenser, à partir des composants critiques du coeur de métier de l'entreprise » souligne Thomas Chotard. Grâce à la structuration des données et à l'évaluation des fournisseurs et de leurs risques inhérents, on peut ainsi produire des indicateurs de performance ou KPI's, monitorer les fournisseurs par une notation ou un code couleur, surveiller les risques propres à leur activité, avoir des alertes sur les risques de travail dissimulé...
Réfléchir la transmission de l'information et la relation digitale avec les fournisseurs
Un projet SRM nécessite également de réfléchir sur le standard de communication avec ses fournisseurs à travers l'outil. « L'entreprise doit parler le même langage et s'adresser à tous ses fournisseurs avec le même format de communication pour être comprise sur les mêmes termes métier et les mêmes codes de référencement » expose Élisabeth Lezeau-Millot. « On peut ajouter une couche supplémentaire dans l'outil en mettant en place des portails de communication pour des échanges automatisés avec les fournisseurs à base d'intelligence artificielle » révèle Isabelle Carradine Pinto.
Enfin, tout projet SRM en général porté et animé par la direction des Achats demande au préalable de construire une stratégie commune de la relation fournisseur au sein de l'entreprise avec toutes les parties prenantes, finance, production, supply chain, juridique, RSE, qualité, R & D, IT, services généraux... « Hormis le département commercial, tout le monde contribue au process des achats et participe à la qualité de la relation avec les fournisseurs et à son évaluation. Chaque direction de l'entreprise peut être utilisatrice de l'outil SRM pour ses propres besoins » relève Élisabeth Lezeau-Millot. Pour Anne Kovacs, « il est indispensable qu'un projet SRM soit transversal et implique l'ensemble des départements de l'entreprise autour d'ateliers de travail dédiés, avec comme pilote la direction des Achats, accompagnée dans sa démarche par le comité de direction ». D'autant que l'outil doit être accessible et simple à utiliser par tout collaborateur susceptible d'engager une dépense. « Il faut éviter que l'outil soit une usine à gaz et passer d'abord par une phase de test sur un petit portefeuille de fournisseurs avant de déployer la solution à plus grande échelle pour l'étendre à tous les fournisseurs », prévient-elle.
Une grossesse de 18 mois ?
Au regard de tous les prérequis nécessaires à l'implémentation d'un outil SRM, monter un projet de la sorte peut mettre du temps. « Un tel projet prend au moins six mois », glisse Thomas Chotard. « Il faut plutôt compter neuf mois pour définir le cahier des charges et environ un an pour le déploiement de l'outil, incluant les phases de test et la formation du personnel. Ce qui aboutit à une durée moyenne d'un an et demi pour accomplir le projet » estime Anne Kovacs. Quant à son coût, « il est lié à la complexité des systèmes d'information financiers et au nombre de fournisseurs de l'entreprise » selon Isabelle Carradine Pinto. Il peut osciller entre plusieurs centaines de milliers d'euros pour une ETI et plus d'un million d'euros pour un grand groupe.
Un projet à la croisée des achats et de la supply chain
S'il y a un département de l'entreprise qui s'intéresse de près aux relations fournisseurs, c'est bien celui de la supply chain. « Il porte une réflexion sur l'apport d'un outil SRM dans le pilotage de la relation fournisseurs et s'en empare depuis peu, mais pas pour les mêmes besoins et objectifs que la direction achats », indique Sébastien Marie, associé chez Wavestone. La supply chain voit dans un outil SRM, le moyen de maîtriser de nouvelles données (émissions de CO2, traçabilité des produits...) et de partager notamment avec ses fournisseurs les seuils de stock minimums et les délais de livraison. Mais le pilotage de la relation fournisseurs dépend de la taille de l'entreprise. « Dans les grands groupes, les directions achats ont la main sur les outils SRM. Dans les PME, c'est plutôt la direction supply chain qui en a la maîtrise » selon Élisabeth Lezeau-Millot. En général, la supply chain joue un rôle moteur auprès des Achats pour accélérer une stratégie commune de pilotage des fournisseurs.
Des modules SRM intégrés dans les SI Achats
En général, les outils SRM sont des modules intégrés dans les systèmes d'information Achats. Les éditeurs de SI Achats les propose souvent en mode SaaS et « à la carte ». Mais « ces types de logiciel achats ne sont pas toujours conçus pour s'attaquer à toute la base de données fournisseurs » selon Élisabeth Lezeau-Millot. Du coup, quelques solutions SRM à part entière apparaissent sur le marché depuis quelques années, comme Orgasourcing que propose l'éditeur de logiciel Orgasoftware avec des fonctionnalités d'évaluation des fournisseurs et de leur performance, de gestion des risques et de la conformité des données, et d'analyse et de structuration du référentiel fournisseurs. « Les outils SRM s'adressent aussi bien aux achats directs qu'indirects. Mais ils sont surtout pertinents sur les achats directs de l'entreprise qui impactent sa chaîne de valeur industrielle » assure Isabelle Carradine Pinto.