Les utilitaires légers préparent leur rebond avec les « ZFE »
Comme tous les véhicules d'entreprise, les utilitaires légers ont connu une année 2022 morose. 2023 pourrait changer la donne pour les électriques avec une offre plus aboutie et surtout l'échéance des zones à faibles émissions mobilité qui oriente les entreprises vers des VUL à faibles émissions.
Je m'abonneGare aux chiffres lorsqu'on analyse le marché actuel des véhicules utilitaires légers. Dans son bilan pour l'année 2020, Arval Mobility Observatory (AMO) évoque un recul des ventes aux entreprises de 256 733 unités soit moins 20,36 %. Quant au palmarès des dix modèles les plus vendus, il est trusté par les motorisations diesel. Pourtant, les trois premiers du classement (Renault Master et trafic, Peugeot Expert) ont tous été déclinés en version 100 % électrique. Cette morosité pourrait bien se dissiper car l'accès aux centres-villes se fermera, à compter de 2024, aux véhicules les plus polluants. Bref, pour continuer à livrer en zone urbaine ou à y envoyer des véhicules d'intervention, l'intégration d'utilitaires électriques dans les flottes paraît incontournable. « Les entreprises ont attendu car elles n'étaient pas convaincues par l'autonomie et par la recharge. Elles ont souvent des véhicules de chantier chargés avec du matériel et elles ont des inquiétudes sur l'autonomie annoncée et sur la possibilité de recharger sur un chantier mais aujourd'hui, elles n'ont plus le temps si elles veulent être prêtes en 2024 » , alerte Jackie Hodapp, directrice de clientèle au sein du fleeter Fatec Group. Après une série de reports successifs, 2024 sera l'année d'entrée en application des ZFE-m, les zones à faibles émissions mobilité. Ces zones, actuellement circonscrites à 11 métropoles, devraient concerner toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants, à compter du 31 décembre 2024.
Un calendrier à anticiper
Certes, les pouvoirs publics ont plusieurs fois repoussé les échéances des ZFE-m et des possibilités d'aménagement des restrictions existent déjà dans certaines villes lorsqu'elles ne dépassent pas les seuils de pollution ou qu'elles ont pris des mesures de compensation. Quant aux caméras censées vérifier les vignettes Critair, elles se font attendre elles aussi. Pourtant, ces aléas ne doivent pas servir de prétexte pour différer la conversion, même partielle, des parcs d'utilitaires à l'électrique. Dans les flottes d'au moins 100 véhicules, l'obligation de commander des modèles à faibles émissions lors des renouvellements de parc augmentera de 10 % à 20 % en 2024. « Cette évolution est linéaire donc elle permet de mettre le pied dans le changement de comportement, évoque Katia Lehnert, chef de projet mobilité responsable de Fatec Group. Les flottes peuvent évoluer en parallèle des territoires qui offrent davantage de solutions de recharge et de mobilité. » À l'inverse, repousser au dernier moment l'échéance des premières commandes de véhicules électriques fait courir un risque pour la continuité de l'activité. « Il ne faut pas jouer la montre car les délais de livraison sont assez longs. C'est maintenant qu'il faut commander les nouveaux véhicules », recommande l'experte de Fatec Group. « Nous ne sommes pas sûrs non plus de la logistique pour livrer les clients », ajoute pour sa part Jackie Hodapp qui observe des retards dans le circuit de livraison des constructeurs aux clients, une fois les véhicules produits.
Une offre de VUL plus mature
L'autre nouveauté à prendre en compte est l'évolution de l'offre avec un dernier trimestre 2022 marqué par une avalanche de nouveautés ou d'évolutions. D'autres sont annoncées cette année. « L'offre commence à se densifier et à devenir pertinente. Auparavant, l'autonomie n'était pas énorme et les charges utiles pas cohérentes avec certains métiers », évoque François Gatineau, président de Mobileese, expert en mobilité électrique. Illustration avec le Renault Trafic Van e-Tech Electric qui offre désormais jusqu'à 1,1 tonne de charge utile et une batterie de 52 kW pour une autonomie WLTP de 240 km. « Une nouvelle génération de véhicules construite sur de nouvelles plateformes affiche plus d'autonomie et des batteries plus denses. Il y a également eu un travail sur la charge utile qui atteint jusqu'à 1 t à 1,2 t », observe le spécialiste. Un effort nécessaire pour convaincre les entreprises parfois échaudées par des premiers VUL électriques qui peinaient à offrir les performances annoncées. « Nos clients sont prêts à franchir le pas à condition de ne rien perdre de la capacité de leur véhicule. Ce point est à la base de notre stratégie d'électrification », affirme Richard Meyer, directeur de la stratégie VUL de Stellantis. Le groupe, leader en Europe avec 42,7 % des parts du marché des VUL électriques, a décliné l'ensemble de sa gamme dans une version à batterie avec un même leitmotiv, quelles que soient les marques. « Notre cahier des charges sur les prestations utiles prévoit un espace de chargement identique aux versions thermiques. Nous offrons par exemple une tonne de chargement sur nos medium vans », précise ce responsable.
Des niches de marché pour des besoins spécifiques
Tous les constructeurs d'utilitaires ont aujourd'hui une offre qui répond au besoin de mobilité à faible émission mais elle ne couvre pas certains métiers avec des contraintes particulières. C'est ce qui a poussé Stellantis à se risquer sur le créneau du véhicule électrique à hydrogène. « Nous proposons cette technologie dans une logique de complémentarité, explique Richard Meyer. Il faut trois minutes pour le ravitaillement, comme pour un diesel, et l'autonomie de nos Peugeot e-Expert et Citroën e-Jumpy atteint 400 km. » À plus de 110 000 € l'unité, la facture est sans comparaison avec celle d'un utilitaire thermique équivalent mais cette offre vise des entreprises qui travaillent dans le périmètre des ZFE avec des déplacements intensifs. À l'autre extrémité de l'offre, pour des usages plus légers et des entreprises aux budgets serrés, la tendance est au rétrofit. Il s'agit de convertir des VUL thermiques en électriques en remplaçant leur chaîne de traction. Stellantis vient d'annoncer un partenariat avec l'opérateur spécialisé Quinomic. « Cette troisième brique de notre stratégie permet d'aller chercher d'autres clients à des conditions économiques intéressantes avec des subventions et dans un timing court pour s'adapter », explique le directeur de la stratégie VUL de Stellantis. Du côté de Renault, l'offre existe déjà par le truchement de TOLV, une entreprise spécialisée qui a reçu l'homologation de l'État pour convertir des Trafic. « Nous sommes deux à trois fois moins chers que le neuf et nous donnons accès aux mêmes économies en énergie et en maintenance », argumente Antoine Desferet, cofondateur de l'entreprise.
Des usages limités par les longues distances
Cependant, le VUL électrique n'est pas encore une machine à tout faire, notamment lorsqu'il s'agit d'accumuler les kilomètres sans pouvoir recharger ou de parcourir de longues distances. « Le basculement vers des utilitaires électriques ne peut pas être « business as usual », avertit Katia Lehnert. Il faut changer de manière de se déplacer un intégrant une recharge plus fréquente que le plein de carburant. » Ce qui implique de revoir les tournées ou des solutions de recharge notamment pour des véhicules sur chantiers. Un changement d'organisation pour lequel les gestionnaires de flottes pourront s'appuyer sur la télématique. Il faudra aussi remettre à plat l'ensemble des déplacements avec les utilisateurs de VUL pour détecter d'éventuels points de blocage de l'activité. Certains opérateurs tels que Watèa (filiale de Michelin) le proposent avec une offre qui inclut des véhicules, des bornes mais aussi une analyse de la mobilité pour l'optimiser. La clé d'une conversion réussie est bien là, comme le rappelle François Gatineau : « Passer à l'électrique, ce n'est pas que de l'asset management. La mobilité devient plus inclusive. »
Le VUL électrique peut-il devenir une bonne affaire ?
Comme le thermique, le VUL électrique profite d'une récupération de la TVA, d'un amortissement à 100 % et d'une exonération de l'ex-TVS. Il s'y ajoute un bonus, même s'il est dorénavant réduit à 4 000 €. La compétitivité financière de ces véhicules dépend de leur roulage : au-delà de 15 000 km par an, leur TCO devient de plus en plus favorable par rapport à celui des thermiques. À condition de bien négocier son véhicule au départ or, dans le cas de la location longue durée, les loyers des différents loueurs montrent des écarts. Ils s'expliquent notamment par une estimation plus ou moins timide de la valeur de la valeur de revente sur le marché de l'occasion. « Je suis convaincu qu'on se trompe de modèle financier sur les valeurs résiduelles car la batterie représente 30 à 40 % du prix or les constructeurs constatent que celles-ci sont beaucoup plus pérennes et solides qu'ils le pensaient au début », plaide François Gatineau, président de Mobileese. D'où l'importance de bien comparer les offres des loueurs généralistes ou d'interroger un spécialiste comme Mobivolt (filiale de La Poste, première flotte de VUL électriques en France) qui soutient cette filière.