[Avis d'expert] Les freelances ne sont pas des achats comme les autres !
Les freelances sont considérés comme des achats... or ils ne peuvent pas être traités comme des fournisseurs quelconques: nous pourrions imaginer la création de processus différenciés pour les freelances afin de faciliter la collaboration et permettre une meilleure expérience dans l'entreprise.
Je m'abonneIl est parfois difficile en tant que freelance démarrant une mission dans une nouvelle entreprise, d'identifier les bons interlocuteurs. L'entreprise elle-même a souvent autant de mal à s'y retrouver que le freelance, tant ce dernier bouscule les processus établis. Les indépendants sont à cheval sur au moins trois départements bien distincts qui n'ont pas pour habitude de communiquer entre eux : les achats, les ressources humaines et les équipes opérationnelles. Plus l'entreprise est cloisonnée, plus le bouleversement est grand.
Les freelances bouleversent-ils les grands groupes ?
Tout d'abord, les freelances sont considérés comme des achats. Dans la comptabilité d'une entreprise, ils entrent dans la case "achat et charge externe" et non "charge du personnel", contrairement aux employés. Un freelance est un prestataire externe, un fournisseur qui rend un service au même titre qu'une société de 5, 50 ou 1000 personnes. Du point de vue historique également il y a une logique à ce que les freelances soient du ressort des achats. Cela vient des grandes entreprises de staffing qui, au siècle dernier, fournissaient du personnel pour des tâches peu stratégiques ne nécessitant pas de qualification spécifique. Les entreprises n'avaient alors pas besoin que le département des ressources humaines s'implique dans le recrutement, cette tâche était externalisée auprès de grandes agences de staffing. Celles-ci fournissaient à l'entreprise le personnel dont elles avaient besoin, le temps d'une mission courte et cette main d'oeuvre, généralement précaire, était comptabilisée comme une charge externe.
Aujourd'hui cela pose problème car les freelances, s'intégrant au sein d'équipes hybrides, sont de plus en plus nombreux dans les entreprises, et les tâches qui leur sont confiées sont de plus en plus stratégiques. Or ils ne peuvent pas être traités comme des fournisseurs quelconques. Ils ne disposent pas d'un fond de trésorerie, d'un service juridique et d'un service comptable leur permettant d'assumer des paiements à 45 jours et de remplir des formulaires d'inscription au registre des fournisseurs de 15 pages.
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Le service des ressources humaines, lui, a souvent peur de la requalification du contrat du freelance en un contrat de salarié, c'est pourquoi ils n'intègrent pas les freelances à la culture de l'entreprise. Pourtant les freelances sont bien des ressources humaines et si l'on conçoit la relation avec l'entreprise à moyen ou long terme ils doivent bien être au contact de la culture d'entreprise. Par ailleurs, la presque totalité des freelances ayant fait le choix de l'indépendance, il y a très peu de chances qu'ils demandent une requalification de leurs contrats.
Ensuite, les freelances s'intègrent dans les différentes équipes et leur quotidien dépend de la capacité du chef de projet à collaborer efficacement avec ces indépendants. Malheureusement, ils ne sont pas toujours à l'aise avec une collaboration fondée plus sur la réalisation d'objectifs que sur le présentéisme.
Ces bouleversements découlent directement de la transformation du travail. L'entreprise devient un hub de compétences et les travailleurs n'ont plus un statut unique. Il est alors essentiel que les rôles de chacun soient bien définis et s'adaptent à ces bouleversements.
La solution : décloisonnement et collaboration
S'ils ne peuvent être les interlocuteurs principaux des freelances au sein de l'entreprise, difficile d'imaginer se passer des achats. Ils restent garants de la sécurité, de la maîtrise des coûts et de la contractualisation. En revanche, nous pourrions imaginer la création de processus différenciés pour les freelances afin de faciliter la collaboration et permettre une meilleure expérience dans l'entreprise.
Le premier enjeu serait de réduire les délais de paiement pour que le freelance soit payé comptant, dès la fin de sa mission. Le service des achats pourrait penser à un nouveau processus simplifié d'inscription au registre des fournisseurs, un document synthétique de deux pages maximum qui soit simple à comprendre et serait donc mieux accepté au sein de la communauté freelance.
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Enfin, le service des achats pourrait définir un interlocuteur unique qui soit directement la référence des freelances pour toutes les problématiques liées à l'inscription, au paiement et à la signature d'accords de confidentialité : l'ensemble des documents administratifs.
Le service des ressources humaines ne doit et ne peut pas être exclu de la gestion des freelances. S'il ne gère pas les aspects administratifs, il peut alors concentrer ses actions sur la culture d'entreprise. Dans une logique d'entreprise étendue, le service des ressources humaines doit s'habituer à traiter avec une main-d'oeuvre de plus en plus mixte. Ce devrait être le premier service à saisir l'enjeu d'adaptation de l'entreprise afin de pouvoir diffuser les bonnes pratiques de collaborations avec les freelances auprès des différents chefs de projets.
Concrètement, le service des ressources humaines est responsable de la définition des processus d'onboarding, d'offboarding, de l'inclusion des freelances aux temps forts de l'entreprise et de la formation des chefs de projets à la collaboration avec ces nouveaux travailleurs. C'est également au service des ressources humaines de créer et d'animer le vivier de talents de l'entreprise, de garder une trace des différentes collaborations passées, et de garder le contact avec d'anciens freelances. De nombreux Freelance Management System (FMS) permettent de gérer la collaboration de A à Z. C'est également au service des ressources humaines de connaître les différents viviers de talents externes à l'entreprise : plateformes, agents de freelances, communautés afin de les solliciter efficacement lorsque les chefs de projets font remonter des besoins.
Les RH sont à la fois les architectes du changement en étant leaders de la transformation de l'entreprise et une fonction support, présente pour épauler les chefs de projets dans leur quotidien. En revanche, les RH ne sont pas en lien directement avec les freelances, c'est le chef du projet au sein duquel le freelance s'intègre qui reste l'interlocuteur principal.
L'essentiel pour une grande entreprise est de parvenir à une meilleure collaboration entre les différents services, bien souvent trop cloisonnés. Tout l'enjeu est d'arriver à bien répartir les rôles de chacun afin d'améliorer l'expérience du freelance dans l'entreprise et, in fine, d'être plus attractif auprès des meilleurs talents.
Le terme de Chief Freelance Officer a fait son apparition dans le vocabulaire mais peu de personnes en portent encore le titre. En revanche, dans toutes les entreprises qui ont intégré les freelances avec succès, une personne en assure la fonction. Un rôle qui mobilise des compétences pluridisciplinaires et qui n'est pas forcément rattaché à un service en particulier.
Si l'entreprise ne se dote pas d'un Freelance Management System et souhaite externaliser la gestion des freelances, les plateformes sont là pour les accompagner. Aux Etats-Unis, Upwork a par exemple mis en place un programme spécialement dédié. A travers Upwork for Enterprise, la plateforme gère le sourcing, l'onboarding, la conformité légale ainsi que le paiement du freelance pour le compte de l'entreprise.
Par Charles Thomas, co-fondateur et président de Comet
Comet travaille avec plus de 80% des entreprises du CAC 40 et plus de 1000 clients. A partir du brief recueilli, la plateforme se charge d'identifier les bons profils auprès d'une communauté sélective, sécurise la prestation d'un point de vue légal et permet même d'utiliser les contrats cadres et CGV de l'entreprise. Ensuite, Comet se positionne en tant que tiers de confiance entre le freelance et l'entreprise, émet une facture unique en fin de mois, peu importe le nombre de freelances avec lesquels l'entreprise a collaboré, et paye le freelance dès la fin de la mission.