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Mobilité professionnelle : l'appel du secteur public

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Quête de sens. Des acheteurs du privé rejoignent le secteur public avec le désir de travailler pour l'intérêt général.

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« Dans toutes les fonctions support, il y a une quinzaine d'années, on pensait que le privé allait être le remède à tout, se souvient Tony Lourenço, dirigeant fondateur de Territoires RH, cabinet de recrutement spécialisé dans le secteur public. En d'autres termes, le secteur public s'inspoire des bonnes pratiques du secteur privé. Dans les années 2010-2015, les grandes organisations publiques se sont dotées de services achats et ont recruté des acheteurs venant du privé. Les villes moyennes leur ont ensuite emboîté le pas. « Progressivement on a quitté la logique commande publique pour une logique achats, poursuit Tony Lourenço. Aujourd'hui on recherche des acheteurs qui ont idéalement un profil public privé, un double parcours, ou des professionnels qui ont eu une carrière dans le privé et se sont formés à la commande publique.»

Des compétences acquises dans le privé

Dans le profil des acheteurs issus du privé, qu'est-ce qui intéresse tant les recruteurs publics ? «La capacité à mettre en place des process, des logiques de négociation dans le cadre des marchés publics et une meilleure définition des besoins, répond David Mérigonde, directeur exécutif chez PageGroup, en charge de la division Public & Non Profit. Il y a une complexification de l'environnement public : on recherche de plus en plus de cadres expérimentés qui vont pouvoir tenir la route face à des prestataires sur des volumes d'achats très importants. C'est un enjeu budgétaire, un besoin d'économies et d'achats plus rationnalisés. »

Il y a dix ou quinze ans, des acheteurs du privé ont osé sauter le pas vers le public. Marc Sauvage a fait partie de ces pionniers, lui qui est aujourd'hui directeur général adjoint des services de la Région Île-de-France, en charge des achats, du juridique et de l'immobilier. En janvier 2013, alors qu'il est directeur des achats de Bouygues Telecom, il choisit de devenir directeur des achats et des services juridiques de la région Centre Val-de-Loire. « J'ai rejoint le public pour contribuer à un projet d'intérêt général ambitieux porté par le président du conseil régional et le directeur général des services, témoigne-t-il. J'avais envie d'apprendre de nouvelles choses, d'enrichir mon parcours. Tout était à créer car il n'y avait pas de direction des achats. »

Ce type de mobilité professionnelle est toujours d'actualité. « Un certain nombre d'acheteurs de l'Etat viennent du secteur privé et sont très intéressés par les enjeux et les challenges du secteur public en matière d'achat, constate Nicole Mingone, cheffe du bureau des ressources humaines et des moyens généraux à la Direction des achats de l'Etat (DAE). Cela constitue pour eux une véritable découverte et leur offre de nouvelles perspectives professionnelles. » Elle relève aussi une quête de sens dans cette mobilité : « Certains profils d'acheteurs expérimentés peuvent être à la recherche de valeurs de service public. Ils ont envie de contribuer à la mise en oeuvre des politiques publiques dans le domaine des achats. Avec notamment une vraie ambition d'intégrer dans les achats de l'Etat des enjeux environnementaux et sociaux, tout en contribuant à une meilleure maîtrise des finances publiques. »

Un statut d'agent contractuel

La plupart des acheteurs du privé qui rejoignent le public sont recrutés en tant qu'agents contractuels. D'abord avec un CDD de trois ans, renouvelable une fois, puis avec un CDI. Il arrive cependant, mais cela est rare, que certains soient recrutés directement avec un contrat à durée indéterminée. Dans cette perspective, faut-il passer un concours de la fonction publique ? « Testez le secteur public en passant par un contrat et voyez si cela vous correspond, conseille Tony Lourenço. Quand le public devient une évidence pour vous, vous pouvez passer le concours. Mais ce n'est pas obligatoire. » A la Direction des achats de l'Etat, peu d'acheteurs ont passé des concours ces dernières années. « Il n'existe pas de concours d'acheteur public, précise Nicole Mingone. Les prérequis en matière de connaissances juridiques ou économiques peuvent constituer un frein pour se présenter à un concours administratif de catégorie A, catégorie dans laquelle sont recrutés les acheteurs. Toutefois, des formations sont dispensées pour aider ceux qui le souhaitent à passer ces concours. »

Autre question cruciale, celle de la rémunération. « Il y a un décalage entre le privé et le public en termes de rémunération, c'est certain. Mais il est difficile de l'analyser finement, souligne David Mérigonde. Un directeur des achats d'une collectivité de taille assez importante gagne entre 70 000 et 80 000 euros bruts, et un acheteur spécialisé fournitures, services ou travaux, avec 3 ans d'expérience, touche entre 45 000 et 55 000 euros bruts. » Pour Tony Lourenço, « la perte de salaire n'est pas obligatoire ». Le dirigeant de Territoires RH constate qu'on ne peut pas recruter un acheteur venant du privé à moins de 3500 ou 4000 euros bruts par mois.

Entrer dans l'univers de la commande publique

Rejoindre le secteur public nécessite de se former aux règles de la commande publique. Marc Sauvage se veut rassurant en la matière : « Il ne faut pas dramatiser cet aspect-là. Dans le privé aussi il y a un droit à respecter. Il suffit d'apprendre, de suivre des formations. De plus, quand on est directeur, on est entouré de spécialistes qui vous aident à monter en compétence. » Les acheteurs de l'Etat, des collectivités territoriales ou des hôpitaux bénéficient ainsi d'une large offre de formation continue en commande publique et en achat. Dès juillet 2016, la DAE a défini une stratégie de formation des acteurs de la fonction achats de l'Etat. Elle se concrétise notamment par une offre interministérielle de formations en commande publique, achat public et techniques achats.

En termes de carrière, que propose le public ? Les acheteurs peuvent bien sûr évoluer en interne au sein de leur direction achats, selon son importance. Un directeur achats est aussi susceptible d'élargir son périmètre de responsabilité et de monter dans la hiérarchie. « On n'est pas obligé de rester dans les achats, ajoute Tony Lourenço. Il est possible de devenir directeur financier, directeur général adjoint (DGA) ressources, juriste de la collectivité... » Les acheteurs publics peuventégalement évoluer en rejoignant une autre structure publique, selon différentes modalités de mobilité professionnelle.

A la Direction des achats de l'Etat, les acheteurs projet ont la possibilité de devenir des acheteurs experts chargés d'une ou plusieurs catégories d'achats. Après quelques années à la DAE, certains acheteurs experts rejoignent d'autres structures, des ministères ou des établissements publics. Ils peuvent alors y occuper des postes équivalents à des postes de chefs de bureau.

Le passage du public au privé est beaucoup moins courant, et même très marginal. La recherche d'une meilleure rémunération peut être un moteur. Mais les statuts de la fonction publique ou les préjugés agissent aussi comme des freins puissants. « C'est moins naturel, j'ai peu d'exemples dans la durée, commente Tony Lourenço. Quelques acheteurs font cette expérience puis reviennent dans le public. La qualité de vie y est meilleure pour les cadres. »

« J'ai le sentiment de contribuer à l'intérêt public » - Ameline Frebault, acheteuse travaux bâtiments, Département de Seine-et-Marne

« Ce qui m'a motivé à rejoindre le secteur public, c'est l'envie de découvrir un nouvel environnement, une structure et une hiérarchisation différentes de celles du privé. J'ai le sentiment de contribuer à l'intérêt public, en travaillant sur des sujets qui peuvent avoir un impact direct sur le quotidien des personnes. Ma direction des achats doit faire en sorte d'utiliser l'argent des contribuables à bon escient. Le fait de trouver un véritable équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie familiale a également été moteur dans ma décision de travailler dans le secteur public. J'ai été recrutée avec le statut de contractuel, pour une durée de 3 ans renouvelable. J'ai perdu en termes de rémunération, mais si on la rapporte au temps de travail tout en tenant compte de différents avantages sociaux et du nombre de jours de congés, on peut considérer que les deux situations sont équivalentes. Lorsque je suis arrivée, je n'avais pas de connaissances sur les procédures de la commande publique. Mais les formations suivies en interne et à l'extérieur, ainsi que l'accompagnement dont j'ai bénéficié, ont été un véritable atout pour m'adapter à la passation de marchés publics. »

 
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