Quel rôle pour les acheteurs dans la quête de l'innovation et dans son développement ?
Quel rôle pour l'acheteur?
Dans tout cela, quel est donc le rôle des acheteurs? "Notre rôle et de parvenir à détecter, évaluer et disséminer les innovations au sein des établissements et de travailler en réseaux pour parvenir à les développer", a souligné Charles-Edouard Escurat, directeur général adjoint au RESAH pour qui l'acheteur doit être curieux, "en veille sur le marché fournisseur, mais aussi côté utilisateurs pour percevoir les évolutions de tendances et monitorer cet ensemble." Une tâche qui demande un investissement à 100%. D'autant que "l'acheteur doit avoir du temps pour créer et entretenir une relation de confiance", a souligné Anne-Marie Palvadeau.
Pour Hubert Delatte, directeur achat innovation groupe de Faurecia, un acheteur qui fait de l'open-innovation doit y être exclusivement dédié. "A défaut, il privilégiera toujours le court terme (ses achats classiques habituels) au détriment du moyen et long terme (l'innovation). "Son rôle est de coordonner les différents services impliqué: la R&D, le marketing, les achats et l'externe. Après avoir sélectionné une idée porteuse de valeur créatrice, il doit la "vendre" au bon interlocuteur interne (expert ou chef de projet innovation...) puis l'accompagner dans la phase d'investigation plus approfondie de l'idée. Puis, si la décision est de lancer un projet de co-innovation, il doit définir en interne les éléments clés du futur partenariat de façon simple claire et précise. Comme pour tout partenariat, ces éléments sont en priorité : la définition et les objectifs du projet, puis la réponse aux questions essentielles: "qui fait quoi?", "qui paie quoi ?", "quel est le timing?" et enfin "comment partage-t-on la valeur qui sera ainsi créée?" Ce n'est qu'après la définition de ces éléments en interne qu'il peut engager la négociation avec le futur partenaire. Si les deux parties ne sont pas d'accord sur ces points, il vaut mieux arrêter immédiatement". Vient ensuite le contrat et sa signature. Celui-ci peut inclure à la fois le co-développement de l'innovation et des engagements d'achats futurs si succès technico-économique", a-t-il précisé.
Et... à quel moment mettre les juristes dans la boucle? "Avant d'aller voir les juristes, il faut bien définir, en amont, les points clés précédents", a commenté Hubert Delatte. De préciser que "L'acheteur doit dans sa démarche s'assurer que les procédures tant Achats que R&D sont respectées. Sa valeur ajoutée, en plus d'apporter des idées créatives et de les sélectionner, consiste à s'assurer, si on part en co-innovation, que tout se passera bien en confiance". Enfin, ce qui est capital, a-t-il souligné, "c'est une bonne connaissance des interlocuteurs et des produits de sa société . Il faut que l'acheteur soit capable de vendre la bonne idée innovante en interne, à la bonne personne, et rechercher un sponsor qui l'appuie dans sa démarche." Le partenaire de co-innovation , a-t-il spécifié "peut être aussi bien un grand groupe qu'une PME ou une startup, l'essentiel est la qualité de l'idée innovante créatrice de valeur pour son entreprise."
L'acheteur est ici vécu comme un fluidifiant dans le processus interne qui doit être présent au niveau du sourcing, puis conseiller, animer, acheter et suivre la relation commerciale. "L'acheteur doit suivre le contrat tout au long de son cycle de vie", a commenté Dominique Luzeaux. "Il est l'interface entre les entreprises et les équipes internes", a synthétisé Jean Bouverot.
Côté formation
Au Resah, a expliqué Charles-Edouard Escurat, les acheteurs ne sont pas objectivés sur les pépites qu'ils détectent mais sur le développement du projet. "Des parcours de formation spécifiques à l'achat d'innovation ont d'ailleurs été mis en place au RESAH". La DRH-MD, représentée par Marc Etienvre, chef du bureau des emplois, des compétences et de l'organisation, travaille actuellement avec les employeurs à cartographier les compétences et les métiers de l'achat "afin d'en identifier les tendances d'évolution, pour s'assurer que, dans 5 ans, le ministère disposera des ressources qualifiées pour conduire les achats".
Au sein de l'ESSEC, Patrice Pourchet a expliqué travailler avec ses élèves sur le management de l'innovation, "sur la façon de travailler avec les fournisseurs et les clients internes. Il faut développer l'autonomie et la transversalité de nos acheteurs: nos enjeux pédagogiques doivent intégrer l'agilité. Il faut tester et apprendre de l'échec" . Et si les jeunes sont en quête de reverse mentoring, a-t-il commenté, il va dans les deux sens. "Les anciens doivent aussi apprendre des jeunes". Le décideur doit donc savoir s'ouvrir, et "notamment aux évolutions réglementaires et à la culture du risque", a souligné Dominique Luzeaux.
Enfin, dans les formations achats délivrées à l'ESSEC, Patrice Pourchet insiste aussi beaucoup sur l'aspect "production de contenus" car l'acheteur doit apprendre à diffuser l'information. La communication dans les achats est, il et vrai, essentielle.
Travailler avec des startups
"J'ai beaucoup entendu comment travailler avec des startups", a commenté Laurent Deleville, directeur open innovation Safran, "mais pas 'pourquoi travailler avec les startups'. Or la question est primordiale. En ce qui concerne Safran, nous ne nous limitons pas à chercher l'innovation auprès de nos partenaires car nous avons tissé avec eux des liens très forts et nous avons donc des idées très proches...; nous sommes sous le même lampadaire". Traduction: il faut du sang nouveau! L'intérêt est d'apporter de la disruption. Nous sommes dans un monde très volatil et on ne sait jamais d'où l'innovation va venir. Les acheteurs d'open-innovation doivent réussir à comprendre leur environnement et la prescription interne qui est changeante... et être capable de prendre un rôle de business développeur."
Pour travailler avec les startups, le Crédit Agricole a dû adapter ses process: "lorsqu'il s'agit de travailler avec une entreprise, nous acheteurs avons un rôle de plus en plus important: celui d'évaluer les risques fournisseurs sur des aspects règlementaires et financiers", a indiqué Sylvie Robin-Romet, directrice achats groupe du Crédit Agricole. "Mais ces critères ne sont pas applicables à des startups. Nous avons donc identifié une startup, EarlyMetrics, qui évalue ces startups sur différents critères, et notamment sur la qualité du management et établit des diagnostics réévalués tous les 6 mois. Le métier est rassuré de savoir où il met les pieds et la DSI est ravie car elle ne découvre pas les projets une fois qu'ils sont déjà lancés".
Quant aux contrats, a-t-elle souligné, "ils doivent être court car le contenu évolue en permanence, mais prévoir un accord de co-construction, tout en restant exigeants sur la propriété intellectuelle et la protection des données". "Les startups n'ont qu'une peur, c'est de se faire voler leur propriété intellectuelle. Les contrats doivent être coconstruits. Il faut rassurer sur la préservation des intérêts des deux côtés." Karl Dirat, chargé d'innovation au CESCOF, a quant à lui précisé que "Travailler avec des startups n'est pas une difficulté en soi. A l'instar de la DGA, qui a mis en place des contrats "RAPID, le CESCOF propose des "partenariats d'innovation" aux startups afin de pouvoir financer des développements de produits innovants".
A noter: Yves Glaz, adjoint au chef de la Mission achats: "Nous avons monté un groupe avec le CNA pour composer des solutions clés en main pour les acheteurs. Il est important de savoir comment travaillent les startups pour comprendre comment on peut travailler ensemble."
En page 4 : les photos des deux tables rondes
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