DossierL'éolien : des achats qui ont le vent en poupe
Monter ou investir dans un parc éolien garantit des retombées économiques sur le territoire pour les collectivités. Dans le secteur privé, les entreprises se contentent d'y investir. Mais la remise en question du prix de rachat de l'électricité issue de l'éolien perturbe quelque peu le débat.

Sommaire
- Des collectivités publiques de plus en plus séduites
- De multiples retombées économiques territoriales
- Accueillir un parc éolien ou l'exploiter ?
- Exploitation : quel statut choisir ?
- Une procédure très longue
- Un tarif de rachat juteux remis en cause
- L'éolien : une manne touristique ?
- [Cas pratique] Le groupe Allianz mise sur les énergies renouvelables
- [Cas pratique] Grâce à son parc éolien, Montdidier aide ses habitants à maîtriser leur consommation d'énergie
1 Des collectivités publiques de plus en plus séduites
En 2012, selon France Énergie Éolienne (FEE), l'association des professionnels de la filière énergie éolienne en France, le parc éolien sur l'Hexagone a produit plus de 14,9 TWh d'électricité, soit l'équivalent de la consommation domestique (chauffage compris) de près de 7 millions de personnes. Cette production représente 3,1 % de la consommation intérieure d'électricité en France. À titre de comparaison, en 2011, ce taux s'élevait à 26 % au Danemark, à 16 % en Espagne et à 11 % en Allemagne.
Malgré ce retard flagrant, de nombreux acteurs publics se sont déjà lancés dans l'aventure de l'éolien. Les raisons ? La mise en place ou la dynamisation de leur politique RSE et de l'emploi local, mais également l'assurance de réaliser des gains financiers.
2 De multiples retombées économiques territoriales
" De façon générale, les collectivités s'intéressent de plus en plus à des projets territoriaux dans lesquels elles peuvent investir ", explique Patrick Bessière, le gérant d'Abo Wind, qui développe et assure la maîtrise d'oeuvre de parcs éoliens. Le constat est identique du côté de FEE : " Pour la plupart des collectivités, s'engager dans l'éolien constitue une opération rentable, car l'électricité produite par une éolienne est supérieure à la consommation de la commune ", souligne Sonia Lioret, sa déléguée générale.
Certaines grandes entreprises mondiales investissent dans les énergies renouvelables. Ainsi, en juin dernier, Google a signé son premier accord en fourniture énergétique en Europe avec O2, une entreprise suédoise. Cet accord consiste en l'achat, pour dix ans, de l'électricité produite par 24 éoliennes en Laponie suédoise. Cette énergie sera utilisée pour son centre de traitement de données suédois. Sa mise en service est prévue en 2015. Et l'assureur allemand Allianz, qui prend en charge le financement du projet, en deviendra alors propriétaire. De même, Ikea, le géant suédois de l'ameublement, a acheté trois parcs éoliens en 2010, qui couvrent la consommation énergétique d'une vingtaine de ses magasins. " Dans une logique RSE, s'intéresser aux énergies vertes a du sens, confirme Luc Agopian, senior director en charge du conseil en performance achats et BFR chez Lowendalmasaï. Et dans une logique de réduction de l'impact environnemental de l'entreprise, la direction des achats ne pourrait sourcer que de l'électricité issue d'énergies renouvelables. "
De nombreux acteurs publics investissent de plus en plus dans l'éolien. Avec deux gains à la clé : la dynamisation de l'emploi local, d'une part, et l'assurance de réaliser des gains financiers, d'autre part.
3 Accueillir un parc éolien ou l'exploiter ?
Selon le Club des collectivités locales éoliennes (Cléo), sur les quinze premières années d'exploitation d'un parc éolien, l'achat des machines représente 34 % du budget total, les charges d'exploitation 29 % et les charges financières 12 %, pour un résultat net généralement positif (entre 5 et 10 %).
Il existe aujourd'hui, pour les collectivités, deux façons d'investir dans les énergies renouvelables telles que le vent. Elles peuvent se contenter d'accueillir le projet sur leur sol en touchant simplement les recettes fiscales liées au foncier, ou bien s'imposer en véritable chef de projet du parc et " créer des emplois locaux grâce aux centres de maintenance ", explique la déléguée générale de FEE. Ainsi, dans le cadre de l'accueil d'un parc éolien, environ 4 à 8 % de son économie reste sur le territoire, selon l'Association nationale des collectivités, des associations et des entreprises pour la gestion des déchets, de l'énergie et des réseaux de chaleur (Amorce).
Lire aussi : Sept innovations repérées au SETA 2025
Les recettes fiscales liées à l'accueil d'un parc éolien sur son territoire sont nombreuses. La loi de finances de 2010 a supprimé la taxe professionnelle dans l'éolien et l'a remplacée par l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (Ifer), la contribution foncière des entreprises (CFE) et la contribution économique territoriale (CET). Selon la porte-parole de FEE, pour un parc de six machines de 2 MW chacune, les recettes fiscales représentent en moyenne 124 884 euros pour l'ensemble des collectivités locales (région, département et communes), dont 81 600 euros sont attribués au bloc communal. Sachant que la répartition des recettes fiscales dépend du type de montage choisi par la ou les collectivités.
4 Exploitation : quel statut choisir ?
Dans les rares cas où la collectivité est elle-même opératrice du projet et étudie, investit et exploite le parc en direct ou par le biais d'entreprises spécialisées, des régies peuvent être montées.
La plupart des collectivités se contentent d'exploiter un parc après son montage par un opérateur privé qui supporte les risques de l'investissement, ou le rachètent clés en main. "L'engagement est plus facile en fin de projet qu'au début ", confirme Patrick Bessière (Abo Wind). Selon l'Ademe, le montant de l'investissement d'un équipement éolien est compris entre 1 300 et 1 600 euros/kW installé. Tandis que la simple exploitation d'un parc " coûte près de 7000 euros/MW chaque année ", explique Sonia Lioret (FEE). Un coût compensé par les recettes fiscales issues du rachat de l'électricité par l'État.
Une collectivité qui souhaite seulement investir dans un parc éolien dispose de deux options : elle peut monter une société d'économie mixte (SEM) ou une société coopérative d'intérêt collectif (SCIC). Toutes deux ont un statut de société commerciale de type SA ou SARL. Selon les représentants de Cléo, la valeur ajoutée de la SEM réside dans le fait que les dividendes restent sur le territoire. De plus, les investissements peuvent être portés par le secteur privé. Dans une SCIC, la collectivité n'est pas décisionnaire et ne peut apporter plus de 20 % du capital de départ. Des particuliers, associations, entreprises ou artisans peuvent prendre part à la société. Enfin, le versement de dividendes est plafonné et n'est pas systématique, et la SCIC a l'obligation de réinvestir 57,5 % des bénéfices dans son objet.
Les collectivités peuvent investir de deux façons dans les énergies renouvelables. Soit accueillir un projet éolien sur son sol en touchant les recettes fiscales liées au foncier, soit s'imposer en véritable chef de projet du parc. Avantages et inconvénients.
5 Une procédure très longue
Il n'existe pas de minimum de surface prérequise pour monter un parc éolien. Contrairement aux idées reçues, " l'installation requiert peu d'emprise au sol, affirme Sonia Lioret (FEE). Et cela n'implique pas la suppression des activités existantes comme l'exploitation des surfaces agricoles. " En d'autres termes, un parc éolien n'engendre pas de problématiques de superficie.
En revanche, l'aspect administratif s'apparente à une jungle. La multiplicité des autorisations à obtenir peut décourager et allonger le délai d'installation d'un parc. À titre d'exemple, pour des études réalisées dès 2003 pour la ville de Montdidier, le parc éolien n'a été livré qu'en... 2010, après sept ans de travaux et d'attente d'autorisations. " Aujourd'hui, il faut six à huit ans pour monter un parc éolien en France, quand deux à quatre ans suffisent en Allemagne ", souligne la déléguée générale de FEE. Un véritable parcours du combattant donc, qui peut encore "s'agrémenter" de procédures susceptibles d'être déposées au tribunal administratif.
Sans compter les actions des farouches opposants à l'éolien. " Si le taux de recours dans l'immobilier est de 2 à 3 %, le taux dans l'éolien grimpe jusqu'à 40 %, voire 100 % dans certaines régions ", précise Patrick Bessière, le gérant d'Abo Wind. Il est nécessaire d'obtenir un permis de construire, qui dépend de l'agrément de nombreux organismes (Dreal, Météo France, Aviation civile, ministère de la Défense, etc.), d'études d'impacts sur la faune, le bruit et la santé, et d'une enquête publique ; une autorisation de produire de l'électricité doit aussi être délivrée par le ministre de l'Énergie. Enfin, pour bénéficier de l'obligation d'achat de la part de l'État, une demande de certificat est à soumettre au préfet.
Monter un parc éolien est une démarche qui demande du temps. Quelles sont les procédures à respecter et les autorisations à avoir pour monter un parc éolien? Marche à suivre.
6 Un tarif de rachat juteux remis en cause
Produire de l'électricité grâce à l'éolien est rentable pour une collectivité, vu le prix actuel du rachat par les grands acteurs d'énergie de l'État tel EDF. Afin de développer la filière éolienne en France, l'État a mis en place depuis 2000 un dispositif des plus incitatifs : l'obligation d'achat. De ce fait, les distributeurs d'électricité sont contraints d'acheter l'électricité produite à partir de l'énergie éolienne aux exploitants tels que les collectivités, à un tarif d'achat fixé par arrêté : " Un tarif qui sécurise les investissements ", souligne Patrick Bessière (Abo Wind). Ainsi, le géant EDF est désormais tenu de racheter l'électricité produite par les éoliennes en France au prix de 82 euros MWh, c'est-à-dire à un tarif supérieur à celui du marché.Dans le détail, pour les éoliennes terrestres, les contrats sont souscrits pour quinze ans, avec un tarif de 8,2 centimes d'euros/kWh pendant dix ans, puis entre 2,8 et 8,2 centimes d'euros/kWh pendant cinq ans selon les sites. En ce qui concerne l'éolien en mer, les contrats sont souscrits pour vingt ans, avec un tarif fixé à 13 centimes d'euros/kWh pendant dix ans, puis entre 3 et 13 centimes d'euros/kWh durant les dix années suivantes, selon les sites. Or, le 19 décembre 2013, à la suite de la saisie du Conseil d'État français, lui-même saisi par une association anti-éolien, la Cour de justice européenne (CJE) a donné un coup d'arrêt temporaire au secteur. La CJE considère dorénavant que les tarifs de rachat de l'électricité d'origine éolienne constituent " une intervention au moyen de ressources d'État ". Des mesures concrètes pourraient donc intervenir dans les prochains mois.
Afin de développer l'éolien en France, l'État a mis en place l'obligation d'achat, qui contraint les distributeurs à acheter l'électricité produite à partir d'éoliennes à un tarif fixé par arrêté. Un dispositif très avantageux pour les collectivités en passe d'être remis en cause.
7 L'éolien : une manne touristique ?
Organiser des circuits autour de ses éoliennes et développer ainsi un véritable business autour de cette énergie verte. Tel est le pari l'office de tourisme du Pays de Saint-Seine, en Bourgogne. Après l'inauguration de son parc en 2009, la communauté de communes du Pays de Saint-Seine a souhaité valoriser son parc en mettant en place quatre sentiers de randonnée (deux en VTT et deux pédestres). Une mascotte, baptisée "Zéole", a même été créée pour l'occasion, et l'office de tourisme organise des visites commentées.
" Grâce à ce projet touristique, nous avons pu attirer les groupes scolaires, population que nous avions du mal à toucher auparavant ", explique Gaëlle Bourhis, responsable communication et développement touristique de la communauté de communes de Forêts, Seine et Suzon. Si cette dernière accueille 4000 visiteurs en été, le parc éolien en séduit, lui, près de 7000 : presque le double !
Côté retombées économiques, la communauté de communes perçoit près de 1000 euros de revenus annuels issus du prix des visites guidées. Et le projet fait des émules dans les communes avoisinantes.
Réaliser un projet touristique dans l'univers de l'éolien, c'est le pari de certaines communes ou régions, à l'image de l'office de tourisme du Pays de Saint-Seine en Bourgogne.
8 [Cas pratique] Le groupe Allianz mise sur les énergies renouvelables
En 2013, Allianz Capital Partners, plateforme du groupe Allianz spécialisée dans les investissements alternatifs, a engagé pour le compte des différentes compagnies d'assurances du groupe Allianz plus de 400 millions d'euros dans les énergies renouvelables, en réalisant l'acquisition de neuf parcs éoliens sur quatre marchés européens. En France, Allianz a financé cinq fermes éoliennes au cours de l'année, ce qui porte à plus de 1,75 billion d'euros les investissements du groupe dans les énergies renouvelables. Ces dernières représentent une part croissante des investissements alternatifs depuis 2005.
" Ces investissements consomment peu de capital ; ils sont donc très intéressants en matière de rendement ajusté du risque, explique Martine Legendre Kaloustian, responsable des investissements long terme chez Allianz France. En effet, ces placements génèrent des dividendes attractifs liés à un cash-flow positif permanent. Un phénomène qui s'explique par la passation de contrats long terme avec les producteurs d'énergie (typiquement EDF en France), selon des tarifs régulés et liés à l'inflation. De plus, ces actifs sont amortis sur 20 à 25 ans. " Enfin, le caractère "vert" de ce type d'investissement renforce son attractivité.
Neuf parcs éoliens sur quatre marchés européens. Tel est l'investissement réalisé par Allianz. Une opération très rentable, selon Martine Legendre Kaloustian, responsable des investissements long terme chez Allianz France.
9 [Cas pratique] Grâce à son parc éolien, Montdidier aide ses habitants à maîtriser leur consommation d'énergie
La ville de Montdidier, en Picardie, est connue pour avoir accueilli le premier parc éolien public français en 2010. " Grâce aux recettes de notre parc éolien dit du "moulin à cheval", nous aidons les particuliers à maîtriser leur consommation d'énergie. Nous leur versons des aides directes pour s'équiper en vélos électriques, en poêles à granulés ou encore en panneaux solaires. Dans ce souci de politique énergétique, nous aidons également les habitants à isoler leur foyer, ce qui permet de solliciter davantage les artisans et donc de participer à la pérennité des emplois locaux ", énumère Catherine Quignon-Le Tyrant, maire de Montdidier. La ville est le siège de la communauté de communes du canton de Montdidier, située dans la Somme.
Toujours grâce au parc, la mairie a baissé le tarif des cantines scolaires et introduit des circuits courts dans leur approvisionnement. Il aura fallu sept ans pour que ce parc de quatre éoliennes, d'une puissance de 8 MW, produise 19 GWh par an et représente 53 % des consommations annuelles de la ville. Les bénéfices de la revente d'électricité reviennent à la régie communale de Montdidier, qui a assuré la maîtrise d'ouvrage et l'exploitation du parc (fourniture et acheminement de l'électricité vers la ville). Un tiers des bénéfices sont utilisés pour l'effacement des réseaux électriques situés dans le périmètre des monuments historiques et pour l'amélioration de la qualité des réseaux de distribution haute et basse tension. Un autre tiers participe au financement de l'opération Montdidier, ville pilote "Maîtrise de l'énergie" (aides aux installations performantes de chauffage et de production d'eau chaude) et le dernier tiers revient à l'amélioration thermique des bâtiments communaux.
Quand les énergies vertes prennent le virage du social. Tel est la politique de la commune de Montdidier. Aides pour l'achat de vélos électriques, de panneaux solaires, baisse des tarifs des cantines scolaires... Autant d'actions rendues possibles grâce aux recettes de son parc éolien.
Sur le même thème
Voir tous les articles Achats publics