L'État devra miser sur les achats d'innovation
Les achats de l'État devront désormais intégrer au minimum 2% d'achats innovants dans leurs marchés. Une bonne nouvelle pour les PME et start-up. Tel a été l'objet de la première conférence sur les achats innovants organisée le 11 avril 2013 au ministère de l'Economie et des Finances à Bercy.
Je m'abonne"Soyons aux côtés des entreprises audacieuses. Faites confiance et prenez des risques". Par ces mots, Jean-Lou Blachier, médiateur des marchés publics, exhorte les acheteurs publics présents à la première conférence sur les achats innovants à Bercy à faire preuve de davantage d'audace dans la commande publique. Cette journée consacrée à l'innovation dans les achats publics s'est déroulée le 11 avril dernier au siège du Ministère de l'Economie et des Finances à Bercy. "Nous devons aider le tissu économique des PME à innover", explique le médiateur qui cite le cas des PME "qui ont du succès à l'international mais souffrent de désamour sur le territoire national".
2% d'achats innovants
Désormais, l'Etat devra consacrer au minimum 2% à des achats d'innovation. Le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi (mesure 32) exige qu'au moins 2% de la commande publique de l'Etat, de ses opérateurs et des hôpitaux soient effectués auprès d'entreprises innovantes.Les acheteurs publics doivent aider le tissu économique français à se développer. Sur un ton qui le caractérise, Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif a de nouveau sollicité les acheteurs à "acheter patriotique". "Chaque acheteur public doit être un soldat du Made In France". De son côté, Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l'Innovation et de l'Economie numérique souhaite une stratégie plus globale pour "muscler l'Etat dans le domaine de l'innovation".
Pour ce faire, le gouvernement vient de signer vendredi 19 avril 2013 la création d'une commission " innovation 2030 " composée de20 personnalités, industriels, scientifiques, économistes et représentants de la société civile. Sa mission est de proposer au Gouvernement, d'ici à l'été, les secteurs et les technologies où la France est susceptible d'occuper des positions de leader à l'horizon 2030.
Dans cette même optique, des organismes comme Oseo et l'association Pacte PME facilitent les relations entre PME et grands donneurs d'ordre (public et privé).
Peur de la prise de risques
Dans cet achat d'innovation, certains freins demeurent. Le premier facteur est sans conteste celui de la peur de la prise de risque de la part des acheteurs publics. Jean-Lou Blachier, médiateur des marchés publics, se fait l'avocat du diable et souligne à titre d'excuse du manque d'audace des acheteurs publics leur responsabilité pénale qui perdure 3 ans après les marchés. La réflexion doit être poussée pour diminuer la responsabilité des acheteurs sur les marchés. "Il faut limiter le risque mais pas l'audace". De plus, augmenter la prise de risques passe notamment par "une simplification du processus d'achat".
"Quand vous recourez à l'innovation cela est moins cher car vous améliorez le processus et vous assurez un gain de temps", assure le médiateur des marchés publics. Il souhaite notamment créer des postes de chefs d'entreprise en province pour être ambassadeurs des marchés publics. De son côté, Jean-Marc Astorg, directeur achats du CNES souligne l'atout majeur des PME soit "la réactivité et la flexibilité". Ainsi, lors d'un projet lancé dans les années 80 sur la fabrication de sondes pour observer la comète Halley, le CNES en collaborant avec une petite PME toulousaine baptisée Erems, a réussi à faire diminuer son délai de fabrication à 3mois ½ là où des grands comptes proposaient 12 mois de délais. Moins de paperasses, de validations en interne, etc. "Dans une petite structure, le circuit de décision est plus rapide", confirme Jean-Philippe Mangeot de Trydéa, start-up spécialisée dans les solutions logicielles.
"Décrocher un marché public, un gage de crédibilité"
Pour les PME, décrocher un contrat avec un acheteur public est un véritable gage de reconnaissance. Remporter un tel marché est une véritable carte de visite pour ses futurs clients potentiels et peut lui permettre de grandir et recruter. C'est le cas notamment de Trydéa, start-up composée de deux ingénieurs. La société a conçu un logiciel en 3D pour la manipulation des armes et l'apprentissage des procédures de sécurité. Le ministère de l'Intérieur, de l'Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration a été séduit par le logiciel et a équipé les services de gendarmerie de ce dernier. "Cette commande nous a mis le pied à l'étrier", souligne Jean-Philippe Mangeot, co-fondateur de Trydea. Le ministère leur a notamment permis d'être présent sur un stand au salon Milipol, salon mondial de la sécurité intérieure des Etats. Grâce à cette meilleure visibilité, la start-up a remporté un marché pour la virtualisation du défilé du 14 juillet et a augmenté ses effectifs en interne à 8 personnes.
"Innover pour un besoin précis"
Pour décrocher des marchés, Jean-Claude Ruysschaert, de la Direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement (DRIEA) d'Ile-de-France a travaillé avec le pôle de compétitivité S2E2. "Les PME doivent avoir davantage le réflexe de s'associer pour répondre à des projets d'envergure de certains grands groupes". Si l'idée semble intéressante, Yoram Moyal, pdg de Buzcard, start-up qui a inventé la carte de visite virtuelle, explique les réticences de PME qui ont peur de "se faire voler leurs idées". Pour parer à ce risque, les entreprises innovantes doivent déposer un brevet à l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).
Attention, soulignent les patrons des PME présentes : il ne s'agit pas d'innover pour innover. Pour Jean-Philippe Mangeot de Trydéa, il s'agit de bien "identifier le projet" avant de se lancer dans l'aventure. "Il faut innover pour un besoin". Un pré-requis obligatoire pour cette start-up qui accuse une perte de 100 000 euros sur un projet sans suite d'innovation.
Pascal Otheguy, sous-directeur de la performance et de l'administration générale au Ministère de l'intérieur a mené des plans d'actions dans les domaines de l'innovation. Le service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure (STSI²) affiche un budget achats de 2,8 milliards d'euros par an et consacre 50 à 120 millions d'euros pour les achats d'innovation. Le ministère cherche à travailler avec des PME sur des sujets aussi divers que la vidéoprotection, la biométrie, la géolocalisation, les textiles intelligents, les scènes de crimes, etc... Le sous-directeur de la performance et de l'administration générale au Ministère de l'intérieur pense créer un poste de chargée de mission des achats innovants.
Un premier guide sur les achats innovants vient de paraître sur le site internet de la direction des affaires juridiques.Il est soumis à consultation publique jusqu'au 3 juin 2013.