La Cour des comptes épingle la mauvaise gestion des achats publics
Le dernier rapport de la Cour des comptes épingle la mauvaise gestion de nombreuses collectivités et entreprises publiques ou opérateurs de l'État. Les achats de maintenance du ministère de la Défense ou encore les dépenses de communication de la SNCF sont mis à l'amende. Explications.
Je m'abonneDes dépenses faramineuses non justifiées, des gains d’économies non exploités… La Cour des comptes vient de rendre son verdict le mardi 12 février 2013. Didier Migaud, premier président, Jean-Marie Bertrand, rapporteur général et les présidents de chambre y passent au crible les dépenses de nombreux services publics.
Un potentiel de 300 millions d’euros d’économies au Ministère de la Défense
Selon ce rapport, le Ministère de la Défense, premier acheteur de l’État pourrait réaliser des économies de l’ordre de 10 % soit de près de 300 millions d’euros s’il optimisait ses achats de maintenance. Des achats de maintenance qui représentent plus de 3 milliards d’euros par an. Un coût de la maintenance de plus en plus élevé en raison de l’obsolescence de certains matériels et des équipements de nouvelle génération.
La Cour estime que des économies importantes peuvent être obtenues en exerçant une pression plus importante sur des fournisseurs qui sont relativement peu nombreux, mais qui interviennent fréquemment en situation de monopole. Ces marchés ont également pour caractéristique d’être passés fréquemment selon des procédures négociées sans mise en concurrence et pour des durées longues. La Cour a ainsi constaté des réductions de prix de 25 % à 50 % des coûts de la maintenance dans les situations - assez rares – où la maturation des technologies employées a permis de passer d’une situation de monopole à une mise en concurrence réelle.
Mieux anticiper en amont la négociation
De plus, les moyens humains ne sont pas suffisants. Et la Cour estime également que l’État n’utilise pas suffisamment les pouvoirs d’enquête sur les coûts de revient des entreprises-fournisseurs que lui permet le code des marchés publics et négocie trop tardivement.
Pour y parvenir, la Cour recommande de renforcer et professionnaliser les effectifs d’acheteurs des structures des armées chargées de la maintenance ou renforcer, au sein du ministère, les mécanismes de contrôle ou de contre-expertise sur les acheteurs afin d’éviter une concentration excessive des fonctions. Mais également d’anticiper dès l’acquisition des équipements, une partie de la négociation avec les industriels fournisseurs sur les coûts de maintenance prévisionnels futurs.
Dans un droit de réponse, le ministère de la Défense : « partage l’appréciation de la Cour sur la nécessaire professionnalisation des acheteurs. » tout en signalant la politique de réduction des effectifs dans la fonction publique dont pâtit également le Mindef.
Le ministère de la défense s’est déjà engagé à économiser 400 millions d’euros entre 2009 et 2014 pour ses achats de biens et services courants. Des objectifs de cette nature devraient être définis pour les achats qualifiés d’achats métiers comme les achats d’équipements (véhicules, aéronefs, navires, systèmes d’armes), ou les achats de prestations de maintenance des équipements.
Des actions de communication ruineuses à la SNCF
Enfin, la (très) mauvaise gestion des dépenses de communication de la SNCF est pointée du doigt. La Cour a contrôlé la régularité, l’efficience et l’efficacité des dépenses de communication externe et interne de l’établissement public entre 2000 et 2011. L’examen des dépenses de communication interne et externe effectué par la Cour a porté sur la communication corporate, commerciale et RH. Il convient de noter que 3 directeurs de la communication se sont succédé au cours de la période contrôlée par la Cour.
Le recours excessif aux marchés négociés, sans mise en concurrence, constitue « le point le plus préoccupant ». Ainsi, sur les 41 marchés de communication les plus importants contrôlés par la Cour, seuls 29 d’entre eux ont été négociés sans mise en concurrence, soit 71 % de l’échantillon. Ce qui représente un montant de 106,1 millions d’euros depuis 2007. La SNCF a avancé des excuses d’urgence impérieuse, de spécificité technique (marché ne pouvant être confié qu’à une entreprise déterminée) ou encore de secret des affaires pour justifier ces exceptions à la règle de mise en concurrence.
Selon l’organisme, la fonction de communication de la SNCF souffre d’un mauvais pilotage budgétaire et de manque de suivi des dépenses engagées. Jointes à une insuffisance d’anticipation, ces défaillances ont entrainé des dépassements budgétaires moyens de 17 % depuis la mise en place du nouveau système comptable en 2007. En dépit des intentions affichées depuis 2009, l’établissement n’est pas parvenu à réduire le coût de cette activité qui s’élève en moyenne à 210 millions d’euros par an sur les 5 dernières années.
Un plan d’actions mis en œuvre à l’issue du rapport
Au final, la Cour a émis des recommandations comme la formalisation de la stratégie pluriannuelle de communication, la détailler dans un plan d’action avec l’objectif d’en encadrer les coûts et la présenter au conseil d’administration ; une démarche de gestion de projet pour chaque opération en incluant les aspects budgétaires, etc.
La ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a tenu à rappeler que « la plupart des faits relevés sont antérieurs à la prise de fonction, en mars 2010, de l'actuel directeur de la communication, qui a procédé à une réorganisation de la fonction communication de l'entreprise afin d'en améliorer l'efficience ».
La SNCF a inscrit à l’ordre du jour de la réunion de son conseil d’administration du 20 décembre 2012 un point relatif à la politique de communication, notamment pour évoquer les suites à donner aux observations de la Cour. Ainsi, le président de la SNCF a ainsi édité un plan d’actions. A savoir un contrôle spécifique des engagements, au-delà de 500 000 euros, en matière de communication, assuré par un comité d'engagement dédié, ainsi qu'une procédure particulière d'autorisation pour le lancement des projets non prévus au budget et décidés en cours d'année.
Mais également un suivi spécifique pour les grands projets supérieurs à 1 million d’euros ou encore l'institution d'un tableau de bord synthétique pour un suivi mensuel des dépenses et engagements. En matière de marchés, la généralisation du recours au système de préqualification prévu par le décret du 20 octobre 2005 est prévue ainsi que la mise en place systématique d'accords-cadres pour les prestations les plus courantes.