JACQUES BARRAILLER, DIRECTEUR DU SAE, SERVICE ACHATS DE L'ÉTAT: «Certains de nos process s'inspirent du privé»
Réduction des coûts, respect des normes environnementales, politique d'insertion... Le SAE milite sur tous les fronts pour réformer les achats au sein de l'administration publique centrale. Jacques Barrailler, patron de la structure, revient sur les grands chantiers passés et à venir.
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Biographie
Ingénieur de formation, diplômé de l'Ecole centrale de Paris, Jacques Barrailler est un transfuge du privé. Il était précédemment le responsable achats de différents grands groupes : Rhône Poulenc Rorer, Aventis Pharma, Péchiney ou encore Alcan. Depuis mars 2009, il est à la tête du Service des achats de l'Etat.
Vous êtes à la tête du SAE depuis environ un an et demi. Quel bilan faites-vous de votre action ?
Jacques Barrailler : La dynamique de modernisation des achats de l'Etat est très positive. Pour favoriser la professionnalisation d'une telle fonction, il a d'abord fallu lui donner les moyens d'agir. C'est pourquoi, comme prévu par le décret du 17 mars 2009, je me suis attelé à la mise en place d'une organisation structurée, via la nomination de 14 responsables ministériels achats (RMA) au sein de chaque ministère. Sans oublier la création d'un comité de pilotage, à travers lequel nous nous réunissons, chaque mois, avec les RMA, pour renforcer la dynamique de progrès des achats de l'Etat. Plus encore, nous avons créé début 2010 des postes de chefs de mission régionaux achats, placés sous l'autorité des préfets dans chacune des 22 régions françaises. Toute cette organisation confère une plus grande efficience aux achats de l'Etat. En effet, contrairement à l'agence centrale des achats dont il prend le relais, le SAE a pour objectif d'optimiser les achats dans tous les ministères et pour toutes les familles, en dépassant la simple logique de la massification.
Quels leviers avez-vous actionnés pour démontrer la valeur ajoutée du SAE en interne ?
L'un de nos chantiers les plus emblématiques réside dans l'instauration de notre programme de professionnalisation baptisé Calypso. Son objectif : mieux vendre aux principaux dirigeants de l'Etat la valeur ajoutée de notre fonction. Concrètement, il s'agit d'explorer tous les potentiels de progrès par catégorie d'achats et dans tous les ministères. Ansi, acheteurs et prescripteurs ont collaboré main dans la main, lors de sessions de travail de trois mois, pour identifier toutes les actions propres à générer 1 5 % de gains minimum. Deux vagues d'analyse ont déjà été organisées, et une troisième, consacrée spécifiquement aux prestations immobilières, est en cours ce trimestre. Pour l'heure, le potentiel de gains détectés est considérable, avec 700 millions d'euros d'économies identifiées.
Ce programme a aussi permis aux prescripteurs de mieux connaître la fonction achats...
Tout à fait. Grâce à ce travail en équipe, nous avons pu démontrer la pertinence d'une véritable réflexion stratégique en matière d'achats. Ce qui a permis d'identifier voire généraliser les bonnes pratiques qui existaient déjà. Plus encore, ce programme a permis d'optimiser la relation avec nos clients internes. Désormais, nombre de prescripteurs s'intéressent à la fonction achats. Plus encore, ils saisissent ses enjeux de progrès, en amont comme en aval du processus, bien au-delà de la simple gestion d'appels d'offres. Un challenge de taille car, rappelons-le, la moitié du potentiel achats dépend de la qualité du lien entre acheteurs et prescripteurs.
Sur quels autres chantiers avez-vous planché ?
Nous avons mis en place un indicateur commun de calcul des gains couplé à l'élaboration d'un plan d'actions annuel, fondé sur le même modèle pour tous les ministères. Il s'agit d'ailleurs du plus gros chantier sur lequel nous planchons actuellement. Le but visé est simple : que toutes les entités de l'Etat soient soumises aux mêmes objectifs. Toutes ces méthodes s'inspirent des pratiques qui existent déjà dans le secteur privé, ou plus généralement dans les entreprises et organisations les plus performantes en matière d'achats.
Au-delà de ces actions, quels sont les grands objectifs visés par le SAE sur le moyen/long terme?
La création du SAE s'inscrit dans la droite lignée de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) qui vise à réformer les achats de l'Etat à travers plusieurs objectifs, dont l'atteinte d'un milliard d'euros d'économies d'ici à 2012. Ensuite, un objectif écologique s'impose. Celui-ci se décline actuellement à travers deux chantiers emblématiques: améliorer les normes environnementales de notre parc auto et diminuer notre consommation de papier. Sans oublier un objectif d'insertion. En effet, nous souhaitons que 10 % des marchés de l'Etat, relatifs à des services (c'est-à-dire nécessitant plus de 50 % de main-d'oeuvre), intègrent des clauses d'insertion pour les personnes éloignées de l'emploi. Pour ce faire, nous nous appuyons sur divers facilitateurs, comme les maisons de l'emploi, qui nous aident à entrer en contact avec ce public. Enfin, un autre objectif ne doit pas être négligé: favoriser l'accès des PME à la commande publique.
Justement, comment comptez-vous remplir ce dernier objectif?
La situation des PME est prise en compte dès l'élaboration des stratégies achats. Les acheteurs veillent à dimensionner de façon adaptée la taille des marchés pour donner toute leur place à ces entreprises, lorsqu'elles peuvent être économiquement compétitives. Par exemple, quand nous envisageons des marchés interministériels ou nationaux importants, nous veillons en amont à étudier l'opportunité de procéder à des allotissements régionaux ou locaux, en adéquation avec le maillage de l'offre fournisseurs. Cette logique prévaut systématiquement sur certaines prestations, comme la maintenance des chaudières ou l'entretien de second oeuvre des bâtiments. Cette année, nous avons ainsi attribué le marché du nettoyage pour la Seine-Saint-Denis à une entreprise de taille intermédiaire, alors que cette prestation était gérée auparavant par un seul fournisseur pour l'ensemble de la banlieue parisienne. En revanche, sur d'autres marchés comme la téléphonie mobile ou les prestations informatiques, forts d'acteurs nationaux incontournables, nous misons sur la massification car elle se justifie totalement.
Que répondez-vous à ceux qui affirment que l'objectif du SAE consiste à massifier les achats pour réduire les coûts?
Les ministères financiers, auparavant gérés par l'Agence centrale des achats, avaient déjà cinq ans d'expérience en matière de massification. Or, depuis la création du SAE, nous n'avons que transposé cette politique aux autres ministères, sans l'étendre à d'autres types de dépenses. Nous nous sommes donc limités aux catégories «massifiables». C'est-à-dire celles où le recours à un fournisseur national peut générer des économies d'échelle. D'ailleurs, elles ne représentent que 10 % à 15% de notre volume d'achats total. Donc, pour atteindre notre objectif d'un milliard d'euros d'économies d'ici à 2012, nous devons actionner d'autres leviers: évaluation du juste besoin, éviter la surqualité, participer au progrès continu des fournisseurs, etc. Autant d'actions sur lesquelles nos acheteurs sont formés en continu. Par ailleurs, il convient de rappeler que l'Etat a longtemps surpayé des articles identiques alors qu'ils émanaient d'un seul et même fournisseur. Aussi, pour mettre un terme à ces abus, il fallait que l'Etat s'organise autrement. Et c'est ce à quoi nous nous attelons aujourd'hui.
@ ARNAUD OLSZAK
SAE
VOLUME D'ACHATS 2009
10 milliards d'euros
EFFECTIF ACHAT
60 collaborateurs