Comment faites-vous pour mesurer l'empreinte carbone des produits que vous achetez ?
Magali Blaise - Le problème est qu'aujourd'hui, nous (comme la majorité des entreprises) manquons de connaissance sur la maturité carbone de nos fournisseurs, mais aussi de méthodologies de calcul des émissions CO2e des produits et services utilisés. C'est pour cette raison que les émissions du scope 3 sont calculées avec des règles imprécises à ce jour.
Donc concrètement, après avoir défini et priorisé les produits et services sur lesquels nous devons agir, c'est aux business owners avec les experts green du Groupe (ou de cabinets externes) d'identifier les méthodologies de calcul (parfois sur la base d'abaque existants) et les KPIs associés pour les activités d'Orange concernées, ainsi que de pondérer les critères RSE vs les critères financiers et techniques qui permettent d'évaluer nos fournisseurs.
Nos équipes ont déjà produit un éco-rating de l'empreinte CO2e de nos box; lancé un programme d'économie circulaire qui est aujourd'hui opérationnel sur les équipements réseaux, une méthodologie de calcul de notre activité de transport a été définie par la direction de la supply chain, etc.
En parallèle, nous faisons partie d'un écosystème de partenaires avec qui nous collaborons de longue date comme la JAC ou la GSMA, ou encore des agences de standards comme SBTi ou l'ADEME en France. Ainsi, nous travaillons avec nos pairs mais aussi des fournisseurs via des groupes de travail, pour qualifier des standards de mesure et ainsi influer sur l'ensemble du secteur.
Sylvain, les fournisseurs sont-ils aujourd'hui en capacité de reporter leurs émissions pour en donner information aux donneurs d'ordre ?
Sylvain Guyoton - Toutes les entreprises veulent aujourd'hui décarboner leur activité mais le niveau de maturité est très bas. Moins de 10% des fournisseurs sont capables de reporter leurs émissions et encore, ce sont des reportings société et pas des reportings produits... c'est pourtant ce qui est attendu par les donneurs d'ordre. Le niveau de maturité des chaînes d'approvisionnement est extrêmement bas.
Pour accompagner les fournisseurs, nous avons créé un rating spécifique qui évalue en profondeur leur maturité carbone sur un une douzaine de critères et nous donnons accès à un calculateur carbone pour que les entreprises puissent mesurer leurs scores et leurs évolutions.
Combien de fournisseurs avez-vous évalués grâce à ce module ?
Aujourd'hui, ils sont une centaine à avoir été évalué spécifiquement sur leurs émissions mais l'outil va monter en charge très rapidement - mais nous avons aussi 75 000 fournisseurs évalués sur le rating Ecovadis classique
Nathalie, diminuer son empreinte carbone, c'est aussi miser sur l'économie circulaire. Que conseillez-vous aux entreprises qui veulent investir ce sujet ?
Nathalie Paillon - Nous les orientons sur l'économie circulaire pour faire des économies d'énergies et de ressources tout de suite. C'est une solution pour agir ici et maintenant. Même si on sait très bien que les filières n'existent pas encore forcément. Celles-ci sont en train de se constituer et il faut les soutenir ! Nous invitons les entreprises à systématiser une réflexion amont sur le besoin afin d'éviter les achats inutiles. C'est la première bonne pratique pour limiter l'utilisation des ressources ! L'économie circulaire commence dès le questionnement même de l'achat.
Une fois que l'on a questionné le besoin, on peut alors s'orienter vers des produits dont l'intensité carbone est réduite : par ex, les produits issus du réemploi (on va devoir tous s'y mettre...). Dans ce cas, on élimine les émissions de la fabrication dans son bilan carbone ! On peut ensuite agir pendant l'utilisation du produit en réparant plutôt que jeter. Les filières du mobilier ou des D3E se développent fort.
Ensuite, le réflexe a développer, c'est que l'acheteur se demande ce que devient le produit en fin de vie pour favoriser l'achat de produits recyclables ou réparables. Cela a 2 vertus : tout d'abord, en sachant que être recyclé, un produit doit être éco-conçu. Ensuite, cela permet d'anticiper l'approvisionnement de la filière de recyclage recevra de la matière pour produire et ainsi se rentabiliser...(recyclage des vêtements de travail). La situation actuelle nous oblige à changer de modèle et il faut faire le maximum pour alimenter les nouveaux business models. Par le questionnement "économie circulaire", l'acheteur rend possible la deuxième vie du produit et réduit drastiquement les émissions.
Magali- En conclusion, peut-on dire que la réduction de l'empreinte carbone est, majoritairement, un sujet achats ?
Magali Blaise - Les achats ne pourront agir seuls. Ils doivent pouvoir compter sur leur écosystème interne et externe dans une démarche d'enrichissement mutuel. Au sein du Groupe il faut que tout le monde s'engage, la réussite de la mise en oeuvre des leviers opérationnels pour réduire effectivement les émissions CO2e, ne peut être que par l'engagement d'une démarche collective et solidaire.
Les achats ont leur rôle à jouer pour accompagner cette transformation : engager et faire participer nos fournisseurs, contribuer à faire des choix par rapport à l'impact carbone et engagement environnemental, agir pour une performance financière et environnementale équilibrée en faisant admettre une valorisation de émissions "achetées" dans les décisions business.
Voir le replay du webinar : la contribution des achats à la réduction de l'empreinte carbone
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