Vous évoquez les achats de plastique. Comment faites-vous coïncider plastique et RSE ?
Nous menons deux types de travaux en parallèle : le développement de nouveaux concepts et processus de fabrications afin de réduire la quantité utilisée de ces matériaux et le développement de nouveaux composés, comme par exemple les matériaux bio-sourcés. En ce sens, nous avons été un des premiers équipementiers au monde à utiliser dès 2015 du chanvre dans la fabrication de panneaux de portes ou de planches de bord, une innovation co-développée avec une coopérative agricole bourguignonne. Utiliser des matériaux bio-sourcés au sein des véhicules est une tendance forte des constructeurs qui l'intègrent à leurs stratégies d'approvisionnement. Faurecia est déjà positionné comme un partenaire très innovant dans cette évolution stratégique. Enfin, nous travaillons au sein d'écosystèmes ouverts intégrant des entreprises, des universités, des startups pour trouver de nouvelles solutions qui soient en ligne avec nos attentes, celles de nos clients et celles des consommateurs finaux. Par exemple, nous faisons partie d'un consortium "Force" qui travaille à réduire le coût et l'utilisation de la fibre de carbone à travers, notamment, le développement de nouveaux matériaux.
Est-ce compatible avec les objectifs de coûts ?
Des achats permettant de réduire l'empreinte carbone s'inscrivent totalement dans une logique de réduction des coûts. Réduire la consommation d'énergie et de matières est sans aucun doute le premier levier d'optimisation d'achat ! À cela s'ajoute le potentiel offert par les innovations produits et process dont l'équation TCO actuelle va tendre vers une équation TCO2 très vertueuse.
Comment les achats se sont-ils organisés pour accompagner la transformation de Faurecia ?
Outre les différentes actions que nous venons d'évoquer pour accompagner le groupe dans son objectif de neutralité carbone, le réservoir d'innovations disponibles chez nos fournisseurs offre un fort potentiel de développement. Le volet innovation est donc un point particulier d'attention dans la construction de nos stratégies de familles d'achats et il est mené en étroite collaboration avec nos équipes de R&D. Pour renforcer l'interaction avec ces derniers, nous avons mis en place des équipes achats dédiées à l'innovation. Leur rôle est d'assurer l'animation du processus d'innovation entre les équipes internes et les fournisseurs jusqu'à l'éventuelle contractualisation de phase de codéveloppement lorsque c'est pertinent.
Cette approche nous permet d'innover plus vite et de réduire le temps de mise sur le marché de nos solutions. Cela nous permet aussi d'avoir un meilleur équilibre dans notre chaîne de valeur. Prenons l'hydrogène : au cours des trois dernières années, nous avons investi 160 millions d'euros dans la R&D, les acquisitions notamment de propriété intellectuelle comme nous l'avons fait auprès du CEA pour la recherche sur la pile à combustible, et la création de partenariats avec d'autres entreprises comme avec Michelin autour de Symbio. En outre, la constitution d'écosystèmes permet de partager l'ensemble des actifs et constitue une opportunité de réduction capitalistique.
En complément de nos actions liées à la neutralité carbone et l'innovation, la digitalisation de nos processus constitue un vecteur de transformation important. Au cours des 18 derniers mois et concernant les achats indirects, nous avons déployé une solution unique sur tous nos sites dans le monde pour les fonctionnalités "Procure to Pay". Nous allons maintenant enrichir cette solution de nouvelles fonctionnalités type "Source to Contract" ou gestion des risques pour des achats directs. Notre objectif est d'assurer une continuité digitale dans nos processus majeurs et de développer une gestion analytique de nos données pour plus d'efficience et plus d'impact dans nos axes stratégiques.
Comment mesurez-vous la performance des achats ?
Comme je l'ai dit, les achats représentent environ 60 % de nos ventes nettes, la performance achats a donc un impact important sur le résultat économique de l'entreprise. Afin d'en garantir l'objectivité, le mode de calcul est défini en détails avec la direction financière. Les résultats sont calculés et validés par les contrôleurs de gestion de façon mensuelle. Mais la performance achats ne se limite pas aux seuls résultats financiers. Elle doit intégrer les résultats qualité des produits et services achetés, la résilience de la base fournisseurs, sa conformité RSE, sa capacité d'innovation et de réduction de l'empreinte carbone... pour n'en citer que quelques-uns.
Comment faites-vous monter vos acheteurs en compétences ?
Quelle que soit la digitalisation des processus entreprise, la performance d'une stratégie reste et restera la qualité de ses équipes. C'est pourquoi j'attache beaucoup d'importance à ce que celles-ci soient constituées de profils très variés, avec en particulier des expériences en dehors des achats pour ouvrir des perspectives différentes et développer une approche de partenaire business. À cette diversité, il faut ajouter un apprentissage permanent pour mieux appréhender les ruptures que nous vivons et garder en permanence un réservoir d'agilité. Pour ce faire, nous nous appuyons notamment sur notre université interne où nous avons bâti une académie achats constamment renforcée, non seulement sur des fondamentaux métiers, mais de plus en plus sur des compétences de développement de business et leadership. Les modes d'apprentissage sont très variées. Nous avons de nombreux MOOCs à disposition, mais aussi des formations plus innovantes, alliant des interactions académiques sur des enjeux de management avec des mises en pratique sur un sujet de transformation achats présenté en fin de parcours au top management de Faurecia.
Selon vous, à quoi ressemblera la fonction achats de demain ?
Si je devais résumer en quelques mots la situation à laquelle doivent faire face les organisations achats de demain, j'utiliserais "complexité" et "incertitude".
Les organisations achats doivent s'articuler avec agilité autour de la résilience et de la RSE ; la résilience, pour sa capacité à faire face à des environnements géopolitiques de complexité croissante et des marchés très volatils, à des attaques de cybersécurité de plus en plus sophistiquées, à des ruptures sociétales qui vont changer les paramètres de l'équation du TCO. Quant à la responsabilité sociétale des entreprises, elle peut devenir la clé de voûte des futures stratégies d'entreprise et donc, imposer des modifications profondes dans les approches d'achat et la construction des écosystèmes.
Mais, s'il reste un facteur clé intangible au coeur de la réussite d'hier, d'aujourd'hui et demain, c'est celui de la compétence des femmes et des hommes. Les équipes de Faurecia ont fait preuve ces derniers mois d'une dynamique, d'une agilité et d'une résilience inégalées. Elles ont montré toutes leurs aptitudes à réagir aux situations de crise. Je les en remercie vivement et je suis particulièrement confiante dans leur capacité à appréhender avec succès la complexité et les incertitudes que réserve l'avenir.
Bio express
Nathalie Saint-Martin a une formation d'ingénieur en électronique (Institut supérieur d'électronique de Paris). Elle a débuté sa carrière à Singapour, chez Philips, dans la production grand public, occupé ensuite diverses fonctions achats en électronique automobile chez Philips et Siemens, en France et Allemagne. Elle fut aussi directeur des programmes multimedia Siemens pour Renault-Nissan, de 2003 à 2008, Managing Director Continental Automotive Trading France pour les marchés des véhicules commerciaux, spéciaux et Aftermarket de 2008 à 2015. Nathalie Saint-Martin a également été Vice President Strategy, Sales and Portfolio, Business Unit Instrumentation and Driver HMI pour Continental en Allemagne, de 2015 à 2017 et a rejoint le groupe Faurecia fin 2017 en tant que Chief Purchasing Officer.
Fiche entreprise - Faurecia
Activité : devenu un acteur majeur de l'industrie automobile et un leader mondial dans ses quatre domaines d'activités : Seating, Interiors, Clarion Electronics et Clean Mobility. Le groupe propose aux constructeurs automobiles des solutions pour le Cockpit du Futur et la Mobilité Durable.
Chiffre d'affaires : 17,8 milliards en 2019
Nombre de salariés : 115 000
Budget achats : 11,5 milliards
équipe achats : 1 300 personnes
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