Les directeurs achats à la porte du Comex
De gauche à droite : Jean Bouverot, chef de la mission achats au ministère de la Défense, Denis Martin, directeur des opérations chez Clarin, Jean-David Calvet, vice-président global procurement & sourcing d'Alcatel-Lucent et Mohamed Marfouk directeur des opérations chez LVMH
Une fonction à la lisière des états-majors
Les quatre grands intervenants, estiment avec Jean-David Calvet que, " le rôle des décideurs achats est d'agir le plus en amont possible ". Une attente qui implique d'être associé très tôt à l'élaboration de la stratégie de l'entreprise, de chacune de ses entités et de ses centres de profits. C'est loin d'être partout le cas aujourd'hui.
" La meilleure solution serait d'embarquer les directions achats dans les business unit, poursuit le vice président global procurement & sourcing d'Alcatel-Lucent : " Ainsi avons-nous récemment signé un contrat d'externalisation de notre R&D avec une société indienne, une opération très proche d'une cession d'activité, qui peut concerner les achats ".
Les interlocuteurs privilégiés du DA seraient donc aux sommets de l'organigramme. " Au comité exécutif chez Clarins, la compréhension sur le métier achats est plutôt bonne " témoigne Denis Martin. Mohamed Marfouk, pour LVMH se réjouit de ce que " la direction financière est un des grands supporters de la fonction achats, jusqu'à un certain point " et précise : " Chez nous, la direction des achats dépend de la direction des opérations ".
Une voix dissonante dans ce concert de jugements encourageants pour la montée en puissance de la fonction achats, celle de Frédéric Ludé, directeur général de Défense Environnement Services (co-entreprise formée entre Veolia et la DCNS, c'est à dire les arsenaux).
Ce dernier interpelle la direction des achats du ministère de la Défense : " Ce que je constate dans ma pratique, c'est l'atomisation de la fonction achat, encore plus forte qu'avant, avec des chevauchements de compétences ".
Thierry Bellon, délégué général aux achats chez Air France formule ce constat du " fort contrôle de la fonction financière. Je suis tenu d'expliquer au président le compte de résultat du groupe et l'impact des achats sur la performance globale ". Thierry Bellon fait partie du comité de management d'Air France, mais pas du comité exécutif. Voilà une fonction aux évolutions mouvantes, entre concentration et dispersion des pouvoirs, entre une implication forte dans le comité exécutif et un assujettissement fort à la direction financière, sans voix au chapitre quant aux décisions prises par le conseil d'administration.
Pascal Kempf, responsable des achats pour le groupe Renault-Nissan questionne l'efficacité des choix d'externalisation d'Alcatel-Lucent : " vous avez externalisé 2000 personnes en R&D. Comment pouvez-vous en recevoir les mêmes bénéfices qu'en interne ? "
Réponse de l'intéressé : " Nous n'avons externalisé que personnels dédiés aux technologies les plus anciennes, pour pouvoir nous concentrer sur les nouvelles ". Pour le patron des opérations d'Alcatel-Lucent, " si la gouvernance des fournisseurs est en général menée par les achats, les décisions finales ne relèvent pas forcément de la fonction achats ". Voilà qui résume bien toute l'ambiguïté de la position des directeurs achats.
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