Quelle est votre couverture achats et votre spend ?
La partie achats non marchands couvre un spend de plus 150 millions d'euros. La couverture achats est faible. Pour l'améliorer, je procède par blocs ; par catégories d'achats. Pour l'instant, nous nous sommes concentrés sur le marketing / communication / digital, car c'est un gros poste achats et parce qu'il y avait un enjeu de synergie à traiter rapidement. Pour déterminer la feuille de route suivante, il va falloir déterminer une cartographie robuste en termes d'enjeux économiques, et le projet One InVivo qui vient d'être lancé va nous permettre de le faire aux bornes du groupe.
Puisque vous parlez de cartographie... Avez-vous une cartographie des risques ?
Il existe une cartographie au niveau du groupe avec des risques qui ont été identifiés. La contribution des achats dans le support à la compliance va porter sur le déploiement de notre charte éthique pour adresser la compliance Sapin II. Cette charte éthique a été travaillée avec l'audit interne, puis elle a été associée à une formation en ligne pour s'assurer de la diffusion. Ensuite, c'est à chaque métier de reprendre ce socle pour l'infuser au niveau des équipes. C'est un dispositif auquel on devra faire référence dans la politique achats que nous allons mettre en place. Nous avons des outils sur lesquels s'appuyer et cela fera partie du référentiel.
La partie RGPD a été, elle, traitée au niveau juridique par le groupe et la partie sécurisation informatique est revue avec la sécurité informatique groupe. Les départements juridique et IT sont totalement intégrés dans les réflexions contractuelles.
Quels sont les risques les plus importants ? En quoi l'expérience Covid va-t-elle modifier votre relation fournisseurs ?
Nous allons nous reposer la question de la gestion des risques, du scoring et des panels fournisseurs. Des réflexions (notamment par l'activité Oufield du groupe) sont lancées sur notre sourcing, en réfléchissant sur le sourcing de proximité. Il nous faut encore une fois définir où mettre le curseur. En ce qui concerne les autres risques auxquels le groupe peut être confronté, il n'y a pas de réponse unique. Une problématique globale, toutefois, qui concerne l'ensemble des entités est tout ce qui est lié à la data, notamment lorsque l'on parle de digitalisation. Il convient de s'assurer que nos choix informatiques permettent de sécuriser notre activité. La cybersécurité est un sujet clé.
En temps normal, comment pilotez-vous la relation fournisseurs ?
Nous n'avons pas une maturité qui nous permet d'avoir une méthodologie plug&play formalisée. Nous n'avons pas de SRM formalisé sur les achats non marchands, mais lorsque nous nous doterons de ce process, nous devrons le faire en lien avec l'outil P to P. Ce sera la dernière brique. Comment qualifier les fournisseurs, comment intégrer les certifications dans l'outil, comment revoir le panel fournisseurs... autant de sujets qu'il va nous falloir traiter.
La façon dont nous pilotons nos fournisseurs dépend du fournisseur et de la maîtrise des enjeux associés. Nous avons des partenariats stratégiques qui sont affichés au niveau groupe, tel celui avec Microsoft. Et nous avons des familles d'achats beaucoup plus ouvertes sur lesquelles nous privilégions la consultation.
L'objectif est de s'inscrire dans la durée et il se traduit dans les contrats qui sont généralement sur des durées de deux ans, voire, sur certains contrats plus stratégiques, sur quatre ou cinq ans. Nous souhaitons nous inscrire dans la durée avec de vrais partenariats, tout en ne perdant pas de vue que le groupe est très dynamique, qu'il grossit par croissance externe : il faut donc pouvoir faire preuve d'agilité et de souplesse. On ne s'interdit pas pour autant de traiter des sujets en opportunités si la performance économique le justifie.
Il faut que la solution qui nous permet d'adresser économiquement les enjeux d'aujourd'hui puisse aussi accompagner les développements sur les deux ans à venir. Il faut considérer le besoin d'aujourd'hui, tout en envisageant le besoin de demain, et nos partenaires doivent pouvoir nous accompagner sur le développement. S'ils ne le font pas, il faut pouvoir suspendre le partenariat. Le travail avec les opérationnels est essentiel pour appréhender les enjeux des métiers. L'enjeu est le coût d'aujourd'hui et la négociation des prix - oui, il faut le faire pour répondre au besoin économique - mais il ne faut pas pour autant oublier l'enjeu de demain.
Êtes-vous déjà parvenue à positionner la direction achats comme un interlocuteur essentiel pour les métiers ?
Sur certains projets, les métiers viennent me voir très en amont, et sur d'autres nous sommes encore en mode pompier. Dans tous les cas, lorsque les métiers me sollicitent, je valide si je pense avoir une valeur ajoutée ou non sur le dossier. Sur certains dossiers, c'est la valeur de l'enjeu économique qui fait que le regard achats est important, et sur d'autres c'est la gestion d'un risque ou la construction d'un panel de référence pour les enjeux de demain. Nous avons ainsi très bien travaillé en binôme avec la juriste en charge de la marque et PI pour travailler un panel fournisseur qui doit lui permettre d'activer facilement son périmètre.
Lorsque ma valeur ajoutée me paraît moindre, je peux juste être conseil comme sur une proposition commerciale où je vais dire ´ voilà les points qu'il faudrait peut être revoir ª. Le métier peut ensuite agir sur ces bases.
Vous êtes plus consultée sur la dimension risque que sur la dimension économique ?
Non, certainement pas. L'enjeu économique est sur tous les métiers et nous sommes pragmatiques. Même si nous devons traiter les risques, les questions de data, travailler sur les enjeux de demain, une direction achats est là pour faire des gains économiques. Il ne faut certes pas la limiter à cela, mais éliminer les objectifs de gains n'aurait pas de sens. Trouver le best accord, c'est être au plus juste au niveau du budget, mais ne pas oublier d'intégrer le besoin business de demain et l'enjeu de la catégorie d'achats et de son écosystème.
Biographie express
Fabienne Lecuyer, qui a rejoint le Groupe InVivo en 2018 en tant que directrice des achats Biens & Services du groupe, était auparavant CPO du Club Med (2012-2018) après y avoir occupé la fonction de directrice achats Europe, Afrique, US & corporate (2004-2012). Auparavant, elle a travaillé pour Dana Incorporated sur plusieurs postes de responsable achats (2001-2004). Fabienne Lecuyer a également exercé chez Plastic Omnium (1994-1997) en tant qu'acheteur leader Systèmes Urbains, puis acheteur leader informatique groupe. Fabienne Lecuyer, qui est issue des rangs de l'Essec Business School (1992) est détentrice d'un master 2 Achats international obtenu à l'École de management de Strasbourg (1994) et d'une certification Black Belt Six Sigma.
Fiche entreprise: InVivo
Activité : InVivo, premier groupe coopératif agricole français, qui rassemble 201 coopératives adhérentes, est organisé autour de trois pôles d'activités - Agriculture (Bioline Groupe), Retail (Jardiland, Gamm vert, Delbard, Noa, Bio&Co, Frais d'ici, Neodis) et Vin (InVivo Wine).
Chiffre d'affaires : 5 milliards d'euros
nombre de salariés : 5 000 personnes
Budget achats : 150 millions d'euros (achats indirects)
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