Faut-il s'attendre à une rupture des stocks ?
Oui, très certainement d'ici avril.
La chaîne d'approvisionnement (= supply chain) est la colonne vertébrale de notre économie mondialisée. Il suffit d'un problème avec l'un des maillons de la chaîne pour que le produit ait des difficultés à parvenir d'un point A à un point B, et donc du fournisseur au client. Or il faut bien comprendre que, même si de nombreux produits restent fabriqués en Europe, ils sont assemblés à partir de composants venant du monde entier... dont une partie en Chine. Et cette fois, il y a un vrai problème avec la Chine.
"Avec les pénuries de personnel liées au COVID-19, les entreprises chinoises n'ont pas pu reprendre le travail après le nouvel an chinois", souligne Emmanuel Monleau. "Depuis fin février les usines tournent au ralenti, incapables de satisfaire la demande et de livrer les clients."
Pendant quelques semaines encore, les grossistes et détaillants vont pouvoir satisfaire la demande du marché européen grâce aux marchandises expédiées AVANT le nouvel an chinois. En effet, avec en moyenne 6 semaines de délais d'acheminement, elles sont à peine en train d'arriver en Europe.
Mais en l'absence de nouvelles livraisons (rares sont les containers qui ont pris la mer depuis le mois de février) le risque d'une rupture d'approvisionnement est imminent. Les secteurs de l'ameublement et du mobilier de bureau pourraient notamment être rapidement impactés. Par la suite, ce sont d'autres pans du secteur industriel qui vont être touchés.
Ces éléments sont à nuancer car les impacts sanitaires du virus viennent ralentir la consommation et donc la demande. Les démarches de confinement vont aussi ralentir le fonctionnement des entreprises et pourraient limiter l'impact global de la pénurie.
Denrées alimentaires : quand les consommateurs créent eux-mêmes la pénurie
Connaissez-vous le "Bullwhip Effect" ? Cet "effet coup de fouet" est le résultat de l'amplification d'un petit mouvement à l'un des bouts de la chaîne qui se transforme en une grosse variation à l'autre bout. C'est exactement ce qui se passe en ce moment avec la multiplication des "achats de panique". En effet, il n'y a pas besoin de se constituer un stock de denrées alimentaires puisque ces produits sont pour la plupart fabriqués en France et en Europe. Même si avec le stade 3 de la pandémie la France se retrouvait en confinement (comme l'a été la Chine), nous mettrions des mois avant de ressentir les pénuries sur ces produits. Mais comme les consommateurs achètent en masse (augmentation de 50% du panier moyen) pour se constituer des stocks, ils enrayent la machine...
Prenons l'exemple des pâtes:
- Les distributeurs/grossistes voient leurs ventes exploser (puisque certains magasins sont pris d'assaut).
-Ils envoient donc un afflux de commandes aux producteurs pour augmenter leurs stocks.
- Les producteurs, qui ne peuvent pas fournir, commandent alors de grosses quantités de matière première, et fabriquent de façon intensive.
- Mais quand la frénésie de consommation se calme, toutes les commandes passées ne peuvent plus être annulées !
- Résultat : les marchandises sont produites, livrées et stockées ... le temps d'être écoulées. Il n'y a donc plus de nouvelles commandes et les fournisseurs se retrouvent alors avec un creux de demandes. Avec des frais fixes à payer (salaires, usines...), ils se retrouvent dans une situation financière difficile à gérer.
Lire la suite en page 3: Une crise ... mais aussi une opportunité pour inventer de nouveaux modes d'achats
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