Y a-t-il des pratiques dont nous pourrions nous inspirer dans d'autres pays ?
Pas à ma connaissance. On peut rappeler que la France a été à l'initiative de la norme ISO 20400 et qu'elle dispose d'un Label reconnu qui permet à toute organisation de mesurer objectivement et rigoureusement sa maturité achats responsables, ce que ne permet pas l'ISO 20400 seule. Sans prétention aucune, je pense que les entreprises françaises et les acteurs publics n'ont pas à rougir de leurs pratiques.
Auriez-vous quelques exemples de bonnes pratiques à nous partager de la part de directions achats ? Ou au contraire des erreurs à ne pas commettre ?
Une des erreurs à éviter est la dispersion des ressources internes pour conduire son plan de progrès. La direction générale et la direction achat doivent prioriser les actions clés à même de remplir les exigences du Label notamment les critères dits "majeurs". Un autre écueil est de sous-estimer les changements à introduire et à pérenniser. Selon la taille des organisations, la "mutation" des pratiques peut s'avérer lente. Le plus important est d'avancer avec simplicité et méthode.
Parmi les bonnes pratiques figurent celle de la formation d'un médiateur interne aidant à fluidifier et apaiser les relations avec les fournisseurs, la mise en place d'indicateurs de progrès en matière d'achats responsables partagés régulièrement avec les fournisseurs, la cartographie des opportunités d'achat (et pas seulement des risques) liées aux pratiques d'achats responsables (ex : remise à plat des processus amenant à une meilleure productivité...) et on peut relever également l'accompagnement de donneurs d'ordres auprès de leurs fournisseurs pour les aider à monter en compétence "achat et achats responsables".
Quel est finalement l'impact attendu de ce Label sur l'économie ?
Ce qui est attendu de ce Label, c'est avant tout une transformation de l'ADN de la fonction achats pour faire évoluer les pratiques d'achat et agir ainsi concrètement sur l'économie réelle. Ce Label entraîne mécaniquement une plus forte solidarité économique et une plus grande confiance entre les fournisseurs et leurs donneurs d'ordre, source de business.
Et cet impact commence à se faire sentir car ces 68 labellisés représentent un peu plus de 100 Mds euros de volume d'achat annuel. Et le potentiel du Label est prodigieux au regard des 4 millions d'entreprises que comptent la France sans parler de tous les acteurs publics déterminés à conduire cette politique publique d'achats responsables.
Le sujet de la décarbonation est très présent aujourd'hui. Comment agir au niveau des achats ?
Le temps des prédications est terminé, le temps est à l'action. Les organisations cherchent à trouver le bon modèle de sélection de leurs fournisseurs pour minimiser leur impact sociétal et environnemental mais le référentiel indiscutable universel pour cela n'existe pas encore, même si le SBTi (Science Based Targets initiative) ou celui de l'ADEME sont matures. Il convient donc de faire preuve de bon sens et dans un premier temps de mesurer de manière empirique son taux de décarbonation. Pour cela, les directions achats, par leur vision holistique du sujet peuvent actionner 2 leviers. Le premier porte sur les fournisseurs (à plus forts impacts) car le SCOPE 3 impose au client de mesurer les émissions indirectes liées à la chaîne de valeur et de la réduire. Pour embarquer les fournisseurs, il faut naturellement faire preuve de pédagogie en co-construisant avec eux des indicateurs pertinents ainsi qu'un plan d'actions réaliste et ambitieux. De ces échanges ressortira une cartographie des dépenses d'achats avec leur équivalent d'émission carbone qu'il s'agira de suivre.
Le second levier se situe au niveau des produits et services vendus. Il existe de plus en plus d'outils et de simulateurs pour mesurer le bilan carbone de ces intrants mais la direction achat reste le meilleur atout de l'entreprise pour travailler dès l'amont, dès la conception du produit, avec la R&D et le service marketing pour apporter sa valeur ajoutée en matière d'analyse du cycle de vie (ACV). Cela suppose une montée en compétence des équipes achats sur la norme ISO14000.
En Bref
10 Le nombre d'engagements à tenir pour les signataires de la charte Relations fournisseurs et achats responsables (RFAR) comme assurer une relation financière responsable vis-à-vis des fournisseurs, apprécier l'ensemble des coûts et impacts du cycle de vie ou nommer un médiateur "relations fournisseurs", chargé de fluidifier les rapports internes et externes à l'entreprise.
2244 Le nombre de signataires de la Charte RFAR.
68 Le nombre d'entreprises/organismes ayant obtenu le label RFAR.
(Source : chiffres du site economie.gouv.fr au 1/09/2022)
Laurent Denoux, Responsable parcours national des achats responsables, Médiation des entreprises au sein du Ministère de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique
Biographie
Février 2019 : Chargé de mission pôle acheteurs, Chartes et Labels - Médiation des entreprises au Ministère de l'Economie et des Finances
Juin 2010 : Responsable ministériel des achats au Ministère de l'Economie et des Finances
Octobre 2004 : Chef du département des achats à la Cité des Sciences et de l'Industrie
En parallèle, plusieurs missions de coopération technique à l'étranger en conseil et formation sur l'achat, la commande publique et l'innovation.
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