"En travaillant les achats responsables, l'acheteur est utile et donc, reconnu"
Avez-vous le sentiment que les acheteurs adhèrent à cette démarche ? Sont-ils objectivés en ce sens?
Absolument. Prenons l'exemple du programme Must (anagramme de mutualisation, synergie et transversalité), lancé il y a deux ans, qui veut permettre d'homogénéiser les politiques d'achats entre nos différentes filiales et de fixer une stratégie commune. Prescripteurs et responsables acheteurs se retrouvent dans ce cadre pour rédiger ensemble un cahier des charges. Depuis deux ans, les équipes ont travaillé sur 24 chantiers qui représentent les 24 plus grosses catégories de nos dépenses. On vient d'ajouter un 25e chantier, à la demande des responsables achats des différentes entités : son objectif est de formaliser la politique achats RSE.
Cette année, les acheteurs ont un objectif annuel sur le volume d'affaires dédié au secteur protégé. L'objectif étant d'augmenter de 50 % ce volume d'affaire global. Le choix final du fournisseur n'est pas de la responsabilité unique des acheteurs mais ils se doivent d'essayer d'influencer les prescripteurs. Un autre objectif, individuel, cette fois, est que chaque acheteur doit, chaque année, amener ses cinq fournisseurs majeurs à être évalués sur sa politique RSE.
Vous êtes signataire de la charte relation fournisseurs responsable - qu'en attendez-vous ?
La signature ne suffit pas. Il est important que nous soyons actifs dans les différents chantiers lancés par la Médiation inter-entreprises. Cela nous permet d'avoir un benchmark, d'échanger sur les bonnes pratiques et d'améliorer celles que nous mettons en oeuvre. Sur certains points nous sommes en avance et sur d'autres, nous avons des marges de progrès, notamment sur l'insertion, il y a des entreprises plus avancées. On est plus intelligents ensemble que seul. Cela permet de se comparer, de trouver de nouvelles idées. L'étape d'après est le label. Sa conquête nous permettrait d'accélérer le déploiement de notre politique achats responsables. Le label est un levier qui permet de mobiliser davantage les énergies. Cet audit va nous permettre de vérifier notre niveau de maturité et d'avancement. Et si nous ne l'obtenons pas, nous saurons ce qu'il nous reste à parcourir.
La RSE, c'est aussi de l'économie... Comment évaluez-vous le retour sur investissement ?
Dans la démarche achat, nous ne faisons pas de différence entre les achats RSE et les autres achats. La RSE est une dimension des achats, complètement intégrée. Lorsque le service informatique doit renouveler son parc, il doit financer l'élimination de l'existant. Mieux vaut donc créer de la valeur en créant une filière de recyclage avec le secteur adapté comme nous l'avons fait. L'ESAT avec lequel nous travaillons récupère les ordinateurs, les recycle. Habituellement, la destruction ne crée pas de valeur, là il y a un aspect social - on crée des emplois pour des personnes handicapées et en complément, l'aspect environnemental est également couvert.
Et à titre personnel, qu'en retirez-vous ?
Pour moi, agir pour des achats responsables est important car la fonction achat est une fonction pas assez reconnue. C'est le poil à gratter dans l'entreprise. Travailler les achats responsables donne une compétence supplémentaire, une véritable valeur ajoutée. La RSE amène une crédibilité. L'acheteur est aussi valorisé car il se sent utile et donc, reconnu.
L'acheteur n'est plus le cost killer mais la personne qui challenge le prescripteur sur la pertinence de son besoin et le fournisseur sur la qualité de son livrable. Cette démarche est un cercle vertueux.
Le parcours de Sylvie Robin-Romet :
Diplômée de l'ESLSCA, de la London Chamber of Commerce and Industry (également titulaire d'un MBA Essec), Sylvie Robin-Romet a débuté en 1983, au Printemps. Elle a rejoint Eurodisney en 1990. En 1995, elle a été nommée directrice de la centrale d'achats d'Eurodisney. En 2000, elle a rejoint le Printemps et a été nommée directrice du marché de la maison et de la papeterie. En 2004, Sylvie Robin-Romet a été nommée présidente de Kadeos (spécialiste de la carte et du chèque-cadeau) En 2007, elle a rejoint Accor Services en tant que directrice générale Accentiv/Kadeos. En 2008, elle a rejoint Crédit Agricole Consumer Finance, filiale de Crédit Agricole SA en tant que directrice générale adjointe en charge des activités France. En 2013, elle est devenue directrice des achats pour le groupe Crédit Agricole SA.
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