Enchères électroniques inversées: acheteurs et fournisseurs, n'ayez pas peur!
Quels bénéfices pour les fournisseurs?
Les enchères inversées permettent aux fournisseurs de visualiser en direct le positionnement de leur offre par rapport à celles des concurrents et, in fine, de mieux connaître leur marché. Cette pratique repose sur la transparence dans les mécanismes d'attribution, tous les fournisseurs sont donc soumis aux mêmes règles. Tous ont accès au cahier des charges et aux informations demandées par l'acheteur. À noter également que ces enchères permettent aux fournisseurs de réduire leurs coûts commerciaux et administratifs et de lever certains obstacles lors de la négociation comme la langue, la distance géographique et donc de faire des économies de déplacements.
Les clés du succès
Avant toute chose et pour que l'enchère se passe bien, l'acheteur doit être crédible en respectant scrupuleusement les règles du jeu. Car qui dit perte de crédibilité dit perte de confiance et détérioration à la fois de la relation fournisseurs et de l'image de l'entreprise (impact médiatique fort). Une analyse des risques en amont peut s'avérer utile, de même que s'assurer que les acheteurs sont bien convaincus par la démarche afin qu'ils puissent vendre cette solution en interne aux prescripteurs.
Les phases amont de l'enchère sont cruciales et doivent être préparées avec minutie par l'acheteur: étude du besoin, cahier des charges et prospection du marché. Pour Nicolas Pudda, gérant du cabinet Altaïs Conseil spécialisé dans l'excellence achat, qui a géré d'importants projets de déploiement de systèmes e-sourcing dont les reverse options de 2001 et 2006 chez Pechiney puis Alcan, si l'outil est très intéressant, il est à manier avec une grande précaution. "Avant de se lancer, l'acheteur doit bien vérifier en amont l'éligibilité du sujet: avoir un minimum de fournisseurs en compétition, s'assurer que la valeur du bien ou du service est suffisamment attractive pour stimuler la compétition entre eux." L'enchère dure généralement de 20 à 40 minutes en fonction des incréments, jusqu'à une heure s'il y a des relances. En termes de gains réalisables, ils peuvent être très importants. "La fourchette est énorme, poursuit Nicolas Pudda. Cela peut aller de 10 à 60%. Tout dépend bien sûr de la situation de départ. Nous avons même obtenu jusqu'à 80% sur des services de maintenance dans une usine à l'ouest du Canada où, depuis 25 ans, le même fournisseur était en place. Pour des raisons politiques, personne n'osait challenger ce fournisseur. C'est lui-même qui a remporté le marché en baissant ses prix de 80%!"
L'efficacité et le résultat d'une enchère inversée vont à la fois dépendre du format choisi et des paramètres fixés par l'acheteur (prix de réserve, durée de l'enchère ou encore degré de divulgation d'informations) en fonction de la nature du bien ou service en question et des fournisseurs. Pour cela, l'acheteur doit parfaitement maîtriser son marché pour adapter son enchère.
Point de vue: Karine Brisset, responsable pédagogique du master 2 d'Économie et de Gestion, spécialité e-achat et marchés, université de Bourgogne, Franche-Comté "Il y a, en France, une méconnaissance de la théorie économique des enchères"
Pourquoi en France les enchères inversées sont-elles si peu utilisées ?
Deux éléments, à mon sens, brident le développement de cette pratique en France. Tout d'abord au niveau des éditeurs de logiciels. Dans les pays anglo-saxons, ces derniers sont force de proposition vis-à-vis des acheteurs. En France, ils attendent parfois que les acheteurs aient des besoins pour concevoir des logiciels. Deuxième problème majeur: les grands masters achats en France ne forment pas les futurs acheteurs aux techniques d'enchères inversées et, surtout, ce que cela implique en matière d'analyse économique et de théorie des jeux.
Cette pratique est également très développée dans la fonction publique, notamment en Grande-Bretagne. À Londres par exemple, tous les ans, les lignes de bus sont mises en concurrence. Plusieurs lots correspondants à des chemins sont mis aux enchères et il existe des systèmes d'enchères inversées dans lesquels des modules permettent à un fournisseur de soumettre une offre pour un lot ou deux offres pour deux lots indépendants ou même faire une offre globale en regroupant les deux lots (package auction ou enchère combinatoire). En France, la possibilité de permettre les offres variables dans le cadre de l'attribution de marchés multilots a été abandonnée dans le cadre de la réforme des marchés publics. C'est très dommage car cette mesure aurait pu conduire à plus d'efficience. L'application d'une telle mesure aurait nécessité la mise en place d'algorithmes spécifiques qui s'appuient sur des systèmes électroniques mais en France, très peu d'éditeurs de logiciels s'intéressent véritablement à la question.
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