Devoir de vigilance: quelles conséquences pour les entreprises ?
Quelles seront les conséquences pour la compétitivité des entreprises françaises de cette loi ?
La loi introduit une exigence de "mesure de vigilance raisonnable". L'enjeu est ainsi autour de l'interprétation qui sera faite, par les entreprises et par les juges qui seront amenés à trancher d'éventuels conflits, de ce qu'est une mesure de vigilance raisonnable. A priori, l'impact sera très modéré, tant les pratiques des entreprises incluent déjà des mesures visant à limiter leur impact sur l'environnement et les hommes. L'interprétation du texte restera in fine du domaine du juge auquel il reviendra d'estimer si les entreprises ont été raisonnables dans leurs diligences.
La compétitivité des entreprises françaises serait davantage affectée si seule la France introduit ces dispositions, mais le Royaume-Uni l'a déjà fait (au travers du Bribery act en 2010, du Modern Slavery Act en 2015) ainsi que plusieurs autres pays qui ont démarré des démarches analogue. Une résolution a également adoptée en avril 2015 prônant l'adoption au niveau européen de mesures visant à promouvoir les pratiques responsables dans les chaines d'approvisionnement. Nous pouvons donc raisonnablement penser que cette initiative française ne restera pas isolée à terme.
Quels dispositifs législatifs permettent un contrôle efficace des entreprises donneuses d'ordre ?
Les Etats sont souvent dépassés par l'ampleur des contrôles qu'ils devraient théoriquement mener. Imposer une obligation d'information et de transparence permet de donner aux tiers (dont la société civile) des moyens supplémentaires de faire pression et d'exercer un certain contrôle.
D'un point de vue juridique, il faut distinguer deux sources qui régissent les actions des entreprises donneuses d'ordre : les textes législatifs (le code civil par exemple qui définit le principe de responsabilité) et les textes de soft law, qui posent des principes généraux que les entreprises sont encouragés à suivre (tels les principes de Ruggie par exemple).
Les textes législatifs permettent de régler les questions de responsabilité lors d'un dommage et engage donc les entreprises (notamment l'article 1382 qui définit le "dommage causé à autrui"). Mais il existe un ensemble de situations (dommages environnementaux, dommages causés indirectement) que les textes actuels ne couvrent pas toujours directement. Le législateur a donc jugé utile de créer un cadre global permettant de répondre à ces manquements.
Cette législation aura-t-elle un pouvoir sur les sous-traitants étrangers des grandes entreprises ?
Cette législation ne donne pas de pouvoir sur les sous-traitants étrangers des grandes entreprises, car l'obligation porte sur le donneur d'ordre qui doit créer un dispositif de vigilance et sanctionnera son absence uniquement pour les entreprises françaises (ce qui inclut les filiales françaises des grandes entreprises étrangères). Il est toutefois fort probable que ce texte génère des discussions importantes avec les sous-traitants et fournisseurs étrangers des entreprises françaises ! Et il est probable également que cette obligation soit un argument utilisé par les entreprises soumises pour obtenir davantage d'informations de leurs fournisseurs et sous-traitants.
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