Devoir de vigilance : la nécessité de s'adapter
Focus sur : La responsabilité sociétale, une préoccupation sans frontière
L'une des spécificités des textes relatifs au devoir de vigilance tel qu'ils sont présentés devant les parlementaires français est de porter sur des thématiques très larges, concernant aussi bien le droit social et environnemental que le droit de la concurrence. A l'étranger, la question de la responsabilité des sociétés est également prise à bras le corps, mais se focalise souvent sur des points plus précis. Les législations promulguées l'an passé au Royaume-Uni par exemple imposent de prendre des mesures pour lutter contre l'esclavage moderne et la traite d'êtres humains. Toutes les organisations ayant un chiffre d'affaires annuel dépassant 47 millions d'euros sont touchées par cette mesure. Le devoir de vigilance doit porter tant sur les activités directes de l'entreprise que sur l'ensemble de la chaîne de valeur. En 2011, le Royaume-Uni était déjà précurseur en adoptant le Bribery Act qui permet de condamner les entreprises par des sanctions financières lourdes en cas de manquement en terme de prévention de la corruption.
En attendant que le devoir de vigilance revienne devant les parlementaires, certains spécialistes du droit des affaires préconisent l'instauration d'un " droit du groupe ". En France, la notion de groupe est une réalité économique sans réalité juridique, contrairement à l'Allemagne par exemple. Dans la législation d'outre-Rhin, une société mère s'engage lorsqu'elle prend une décision qui a un impact potentiel sur l'une de ses filiales. Les conditions dans lesquelles sa responsabilité est engagée sont contractualisées en amont. Elle indique alors clairement ce qu'elle endosse en cas de faute ou d'accident impliquant la filiale.
Quand le devoir de vigilance fait débat
En janvier 2015, une première proposition de loi, présenté par Bruno Le Roux et les députés du groupe socialiste, et soutenu par le gouvernement visant à instaurer une obligation de vigilance de la part des sociétés mère ou donneuses d'ordres avait été renvoyée par l'Assemblée Nationale à une date ultérieure afin de permettre de préciser des éléments techniques et juridiques qui manquaient de clarté. Objectif de cette proposition de loi : obliger les multinationales françaises à mettre en place un plan de vigilance pour prévenir les atteintes aux droits humains et à l'environnement dans leurs filiales et sous-traitants. Le 11 février, un nouveau texte avait été déposé par le groupe socialiste de l'Assemblée Nationale qui avait été débattu en mars 2015. Il prévoyait, en autres éléments, l'instauration d'une obligation de mise en place d'un plan de vigilance pour les sociétés anonymes de plus de 5 000 salariés en France ou 10 000 salariés dans le monde, et l'établissement d'une responsabilité pour faute en cas de non-respect des obligations du plan de vigilance.Il avait été adopté le 30 mars dernier à l'Assemblée avant d'être examiné en séance plénière du Sénat le mercredi 21 octobre. Les députés avaient rejeté ce projet en première lecture, le 30 mars dernier, considérant que l'obligation de mettre en place un plan de vigilance a un champ d'application matériel et géographique imprécis et pose déjà de multiples questions pratiques. Présenté le 18 novembre au Sénat, en commission des lois, il a été retoqué.
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