Abandon de Notre-Dame-des-Landes : un cas d'école pour les achats publics?
Quel scénario pour la suite ? (nouvel appel d'offres, recours au tribunal des entreprises face à l'Etat, ...)
L'opération de NDDL ayant été abandonnée, il faudra procéder à la conclusion d'un nouveau contrat après une procédure de publicité et de mise en concurrence, pour le nouveau projet.
L'aménagement du contrat de concession actuel serait en effet impossible, à la fois du fait de l'article 4D de son cahier des charges qui prévoit sa résiliation automatique en cas d'abandon du projet NDDL, mais aussi en raison de la jurisprudence du Conseil d'Etat qui interdit de toute façon que des contrats conclus après une mise en concurrence puissent faire l'objet de modifications substantielles de leur objet ou de leur économie - ce qui serait le cas en l'espèce.
Il ne serait évidemment pas possible non plus de donner à la société AGO ou en pratique à Vinci des assurances de quelque nature que ce soit pour la gestion du futur projet, car celles-ci risqueraient de troubler les conditions de la future mise en concurrence.
Il serait même prudent d'indemniser la société AGO rapidement - comme le prévoit du reste le contrat de concession, qui stipule qu'un acompte de 30% doit être versé au jour de sa résiliation et le reste dans les six mois de celle-ci -, pour éviter toute liaison possible entre le désintéressement de Vinci et l'attribution du nouveau contrat.
Or la conclusion du nouveau contrat est relativement urgente, car la concession actuelle, qui devrait être résiliée assez rapidement, inclut l'exploitation des aéroports de Nantes-Atlantique et Saint-Nazaire-Montoir.
De plus, l'Etat pourrait être confronté à un contentieux portant sur la légalité de la décision de résiliation prise par l'Etat. Regrettablement, le droit à indemnisation d'AGO n'est pas contractuellement lié à l'absence de contentieux sur ce point, alors que l'annulation de la résiliation pourrait faire revivre le contrat à un moment où le concessionnaire aurait été indemnisé.
Enfin, l'Etat devra trouver un sort à l'ensemble des parcelles qu'il a expropriées pour les besoins de l'opération aujourd'hui abandonnée. Les propriétaires expropriés auront certes la faculté de racheter les terrains dans le cadre d'une opération de restitution, laquelle s'analyse comme une nouvelle vente. Cependant, ces propriétaires pourraient aussi ne pas souhaiter récupérer les terrains, au regard notamment des éventuelles dégradations causées par les occupants du site hostiles au projet. L'Etat pourrait donc se retrouver avec une importante réserve foncière qu'il pourrait avoir du mal à valoriser aux mêmes montants que ceux qu'il a acquittés lors de l'expropriation.
La mise en oeuvre du nouveau projet n'est pas acquise à ce jour : elle pourra faire l'objet de recours, de la part des riverains contre les autorisations d'urbanisme, puis de la part des candidats évincés contre le processus de choix du nouveau concessionnaire. S'agissant des premiers, ils pourraient, le cas échéant, chercher à obtenir l'indemnisation des préjudices attachés à l'aggravation des nuisances générées par le réaménagement de l'aéroport de Nantes Atlantique.
Ancien haut fonctionnaire (direction des affaires juridiques de Bercy, Conseil d'Etat, cour suprême administrative française) et universitaire, Maître Thierry Dal Farra, est avocat associé chez UGGC Avocats, où il dirige le Département de Droit public des affaires.
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