"L'innovation sociale donne du sens à l'acte d'achat et fait grandir la fonction"

"Faire de l'innovation sociale, c'est avant tout changer la vision de l'achat. Car cela fait grandir les enjeux portés par la fonction en donnant du sens à l'acte d'achat. C'est aussi un moyen de rendre le métier plus attractif auprès des jeunes générations qui souhaiteraient embrasser le métier d'acheteur", explique Claire Darchy, directrice du département de la performance des achats au sein de la direction des achats de l'Etat (DAE) à l'occasion d'une journée sur le thème de l'"Innovation sociale : notre meilleur investissement", mi-octobre. Un avis partagé par Martin de Neuville, vice-président de l'ADRA: "Les achats dans l'innovation sociale sont une exigence de la part des jeunes recrues".

Donner du sens à l'acte d'achat

Mais "si faire de l'innovation sociale peut être perçu comme une prise de risque, c'est avant tout une opportunité partagée pour les acheteurs publics et les acteurs de l'innovation sociale", poursuit la directrice du département de la performance des achats de la DAE. Les achats vont aider l'innovation sociale en offrant plus de visibilité et de notoriété à ces acteurs et être un levier économique en leur permettant un changement d'échelle. "Car, on sait qu'une commande d'un Ministère peut changer la donne pour ces acteurs". En parallèle, faire de l'innovation sociale contribue à la recherche de la performance de l'achat public dans ses composantes comme l'accès des PME à la commande publique, les questions environnementales... Notons que le budget 2021 intégrera un "budget vert", soit une évaluation de l'ensemble des recettes et dépenses budgétaires et fiscales au regard de leur impact sur l'environnement.

Une opportunité partagée

L'innovation sociale peut être protéiforme et se traduire dans les services, les produits. Ainsi, la SNCF a crée "La Boutique Eco", un site de dons de matériel professionnel au sein de la SNCF en 2018, en partenariat avec l'acteur Mytroc.fr, site d'échanges de biens et de services. Aujourd'hui, l'appli de la Boutique Eco sompte près de 10 000 utilisateurs. "Cette initiative était porteuse de sens et énormément de collaborateurs en interne se sont manifestés pour y participer, soit en faisant leur retour d'expérience sur l'utilisation du site, soit sous la forme d'une aide financière", souligne Anne-Sophie Nomblot, intrapreneuse en développement durable et responsable innovation et développement (SNCF Mobilité).

De même, la DAE en charge du plus gros budget européen sur le marché de la location des solutions d'impression interministériel s'est intéressée aux besoins spécifiques de ses 11 000 collaborateurs malvoyants ou non-voyants. "L'acheteur en charge du dossier a précisé les besoins bien en amont en concertation avec les collaborateurs concernés mais aussi en lien avec la Fédération des aveugles de France. En parallèle, il a fait du sourcing auprès des constructeurs pour faire évoluer les fonctionnalités. Et aujourd'hui ces nouveaux équipements font partie de l'offre mondiale des constructeurs", se félicite Malika Kessous, responsable du pôle achats responsables au sein de la DAE. Une clause d'insertion auprès des femmes en situation précaire par l'activité économique a été ajoutée en ce qui concerne l'entretien de ces équipements.

Clause d'insertion et achats responsables

Clause d'insertion, politique pour les personnes en situation de handicap ou en faveur des jeunes, lutte contre les inégalités homme/femme, finalement les enjeux portés par les achats responsables et ceux de l'innovation sociale semblent proches. "Si on part du principe que l'innovation sociale comme l'achat responsable est au service de la politique publique (lutte contre le chômage, sur le plan environnemental...), alors à ce titre, l'innovation sociale, fait partie de l'achat responsable au service de l'intérêt général. L'innovation sociale est un outil au service des acheteurs pour porter les achats responsables", conclut Malika Kessous, responsable du pôle achats responsables au sein de la DAE.

Du côté du secteur privé, "Les entreprises font aussi de l'innovation sociale mais elles appellent plutôt cela de l'inclusion avec des critères sur le handicap et l'insertion. Aujourd'hui, cela représente moins de 1% des achats dans le privé mais déjà près de 3% sont visés par les entreprises", confie, de son côté, Martin de Neuville.