Partenariats publics-privés : quel cadre demain ?
Manuel Valls veut relancer les Partenariats Publics-Privés (PPP), en perte de vitesse en France. Qualifiés récemment de "bombes à retardement budgétaires " par le Sénat, ils font l'objet d'un rapport et d'une série de propositions visant à améliorer leur cadre juridique.
Je m'abonneManuel Valls l'a affirmé, "la France, pour retrouver la croissance et donc des emplois, doit impérativement relancer l'investissement public comme privé dans le secteur des travaux publics et de la construction". Ces contrats de partenariat public/privé (PPP) fêtent cette année leurs 10 ans. L'idée de départ : développer le financement privé d'infrastructures donnant lieu à des services publics pour lesquels les opérateurs ne pouvaient être rémunérés directement par les usagers. Contrat global, le PPP vise donc à confier à un prestataire privé la construction, la transformation, l'exploitation et la maintenance d'un ouvrage, mais aussi son financement en contrepartie d'une redevance.
Outil "exceptionnel" dérogatoire aux règles de la commande publique, son recours doit être motivé par des raisons d'urgence et de complexité, pas toujours bien appréhendées. Entre 2004 et 2012, 156 PPP ont ainsi été conclus pour un montant total de 34 milliards d'euros hors taxes, soit environ 5% du PIB.
Pour une collectivité, les avantages sont multiples car cela lui permet de ne payer qu'à partir de la livraison de l'ouvrage, de répartir le paiement dans le temps et de partager les risques avec l'opérateur privé.
Une formule séduisante mais risquée
Depuis quelques années, les chantiers "ratés" à l'instar du Pentagone de Balard ou du Tribunal de Grande Instance de Paris, ont nourri les critiques et pointés les dérives potentielles de ce type de contrat. Retards de chantier, favoritisme dans l'attribution du contrat, mauvaise visibilité quant au montant exacte de la redevance, difficulté de paiement pour certaines collectivités, etc., autant d'écueils qui ont conduit la Commission des Lois du sénat à se pencher sur le dossier PPP.
Le texte des deux rapporteurs, Hugues Portelli, sénateur UMP du Val-d'Oise et Jean-Pierre Sueur, sénateur SOC du Loiret et président de la Commission des lois, rendu public le 16 juillet dernier, qualifie ainsi les PPP de "bombes à retardement budgétaires" [http://www.senat.fr/rap/r13-733/r13-733.html]. Selon Jean-Pierre Sueur, si ces PPP "permettent aux collectivités de construire tout de suite un stade, une université, un Zénith, une salle des fêtes ou encore un équipement sportif sans débourser un centime, tels qu'ils sont faits aujourd'hui, ils présentent de très grands risques".
Car la formule, bien que séduisante sur le papier pour les collectivités, peut s'avérer dangereuse à long terme. "Nous faisons ce rapport pour envoyer un message d'alarme en disant : attention, les PPP sont un outil utile à condition que l'on prenne beaucoup de précaution et que l'on soit assuré que l'on pourra financer. Il ne faudra pas, par un usage déraisonnable de ses contrats de partenariats, envoyer aux générations futures, de grandes dettes durables".
Les auteurs pointent en effet que le système de dépenses échelonnées a favorisé des prises de risque parfois démesurées de l'Etat ou des collectivités.
13 propositions pour mieux cadrer les PPP
Des constats qui ont conduit les deux sénateurs à élaborer une liste de 13 propositions visant à améliorer le cadre juridique de ces contrats de partenariats. En tête de liste : l'indispensable travail de précision des critères de recours à un PPP et notamment les critères de "complexité" et d' "urgence" ainsi que la suppression du "critère de l'efficience économique" pour justifier ce recours.
La 4e proposition des deux rapporteurs, Hugues Portelli, sénateur UMP du Val d'Oise et Jean-Pierre Sueur, sénateur SOC du Loiret, consisterait ainsi à "réserver les contrats de partenariats à des opérations dont le coût excède un montant minimal." Une idée qui, selon le vice-président de l'Association des acheteurs publics (AAP), Alain Bénard, "peut-être intéressante car, rappelons le, le PPP doit rester un contrat dérogatoire des règles de droit commun de la commande publique", au même titre que certaines procédures de marchés publics ou de délégations de services publics.
Enfin,et afin de se prémunir contre les risques de non paiement, la 6eproposition prévoit de "renforcer les garanties de paiement des entreprises auxquelles il est fait appel par le partenaire privé pour l'exécution du contrat de partenariat".
Des PPP "Made in England"
Le "contrat de partenariat" trouve son origine dans la "Private Finance Initiative"(PFI) mis en place en Grande Bretagne en 1992. Il correspond à une "forme de partenariat public - privé qui associe un programme de marché public, dans lequel le secteur public achète des éléments d'actifs immobilisés au secteur privé, à une forme d'externalisation où les services publics sont contractuellement fournis par le secteur privé."
Ils représentent aujourd'hui entre 10 et 15% des investissements publics en Grande Bretagne. Les avantages, pour le contribuable du recours aux PFI, sont apparues très mitigées en raison du coût élevé de la redevance versée et du manque de flexibilité, ne favorisant pas une mutabilité du service public.
C'est pourquoi, depuis décembre 2012, les pouvoirs publics britanniques ont lancé une nouvelle approche du partenariat public-privé, la Private Finance 2 (PF2), afin de modifier le périmètre des contrats et de réduire la part de financement d'origine bancaire dans les fonds privés investis.
Source : Note de synthèse, Commission des lois du Sénat, juillet 2014