Maîtriser l'assurance de son parc auto
L'assurance de sa flotte automobile peut représenter jusqu'à 20% du coût de détention des véhicules. Pourtant, les contrats d'assurance et leur couverture sont négociables sur un marché où la concurrence bat son plein. Un rôle en or pour les directions achats.
Je m'abonneChaque année, l'assurance de leur parc automobile coûte aux entreprises françaises plusieurs milliards d'euros. En 2007, le montant des sommes encaissées à ce titre par les professionnels de l'assurance s'est élevé à 3,27 milliards d'euros, selon une étude de la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA). Ce chiffre a augmenté en dépit de l'inflation des primes d'assurances: il y a cinq ans, le volume des encaissements représentait déjà 3,23 milliards d'euros. «Depuis une quinzaine d'années, les entreprises ne sont plus «sur-assurées» et ciblent de mieux en mieux leurs contrats d'assurance, en adéquation avec leurs besoins», note Bernard Roland, fondateur du cabinet de conseil BRC. Paradoxalement, ce dernier constate que «la plupart des entreprises ne négocient pas ou peu leurs contrats alors que les cotisations augmentent régulièrement de 2 à 3% par an». Cette pratique conduit à ce que les frais d'assurance atteignent jusqu'à 20% du coût de détention des véhicules dans les entreprises, selon le consultant.
Pourtant, il est tout à fait possible de négocier un contrat d'assurance plus avantageux ou, plus simplement, de faire jouer la concurrence. Un rôle surmesure pour les acheteurs mais, dans la pratique, ces derniers ne sont pas toujours impliqués. «Bien souvent, ce type de budget ne relève que de la direction juridique, indique Bernard Roland. Les directions achats ne sont pas assez présentes alors que leur savoir-faire permettrait de mieux réduire les coûts.» La collaboration avec les directions opérationnelles est d'autant plus difficile que la valeur ajoutée des acheteurs n'est pas bien perçue par celles-ci selon Lionel Ray, auteur d'un ouvrage intitulé L'assurance des flottes automobiles
Bernard Roland, BRC
«Les directions achats ne sont pas assez présentes alors que leur savoir-faire permettrait de mieux réduire les coûts.»
Plusieurs types de garantie
Le savoir-faire d'une direction achats est pourtant un avantage indéniable, à commencer par la qualification du besoin. Il est nécessaire de rappeler qu'une entreprise ne peut conclure un contrat d'assurance pour l'ensemble de sa flotte qu'à partir du moment où son parc automobile est composé d'au moins cinq véhicules. Dans le cas contraire, elle doit souscrire une police d'assurance propre à chacun. D'autre part, quelle que soit la taille du parc, une assurance responsabilité civile circulation (RCC) est obligatoire. Elle couvre uniquement les dommages causés aux autres usagers de la route. Pour réaliser des économies, un donneur d'ordres peut donc s'en tenir à cette couverture, s'il justifie depuis plusieurs années, d'un nombre de sinistres extrêmement faible. En revanche, les autres types de garantie ne sont pas obligatoires, l'entreprise est donc libre d'y souscrire ou non, en fonction de ses besoins.
La garantie des dommages accidentels, comme son nom l'indique, permet de couvrir tous les sinistres survenus de manière accidentelle: choc contre un corps fixe ou mobile, glissement sur le bas-côté de la route, tonneaux, actes de vandalisme (rayures, graffitis, etc.), attentats, événements naturels... voire certaines pannes mécaniques. Cette garantie ne doit pas être confondue avec «l'assurance tous risques» (encore appelée «dommages tous accidents» - DTA), qui couvre également le vol, l'incendie, les bris de glace ainsi que les catastrophes naturelles.
Inutile de s'assurer tous risques
Pour l'entreprise, et notamment la direction achats, le premier enjeu consiste donc à déterminer le niveau de couverture de son contrat d'assurance. «Il n'est pas toujours utile de s'assurer tous risques, affirme Lionel Ray. Les sinistres les moins courants, et ceux dont le coût d'assurance se révèle trop élevé par rapport à leur fréquence, ne nécessitent pas de souscrire une garantie spécifique. C'est le cas, par exemple, pour les bris de glace.» L'entreprise est donc invitée à s'auto-assurer. Autre exemple: le vol. Certains donneurs d'ordres équipent leurs véhicules de systèmes de géolocalisation et, par conséquent, négocient à la baisse (ou rompent) leur contrat d'assurance contre le vol.
L'unique moyen de qualifier son besoin consiste à se procurer les statistiques de sinistralité de sa société. En effet, c'est sur ces données passées que les assureurs se basent pour fixer leurs conditions. «Pourtant, peu d'entreprises disposent de statistiques fiables sur la fréquence et le coût des sinistres. Un déficit d'information qui les empêche de négocier un contrat plus avantageux», rappelle Bernard Roland (BRC). Ces informations peuvent être obtenues aisément auprès des assureurs. Elles sont, en général, établies sur la base des trois années passées. «Il est judicieux de remonter aux cinq dernières années, ce qui permet de dégager de vraies tendances», conseille Lionel Ray. On peut alors observer des données significatives, telles qu'une diminution de moitié des accidents.
Afin de réduire leur sinistralité, et donc le coût de leur assurance, de plus en plus de donneurs d'ordres misent sur la prévention des risques routiers à travers des stages de pilotage ou, plus récemment, d'éco-conduite. Les premiers permettent de corriger les mauvaises habitudes des collaborateurs et, au final, de diminuer le nombre d'accidents dans l'entreprise. Les seconds sont davantage à vocation environnementale (réduire les émissions de CO
Yves Bescond, responsable achats, Boehringer-Ingelheim France
Témoignage
«En nous assurant auprès de notre loueur, nous nous simplifions la vie!»
Le parc automobile du groupe pharmaceutique Boehringer-Ingelheim France, composé d'environ 500 véhicules, est assuré chez son propre loueur longue durée (ALD Automotive, NDLR) et non auprès d'une compagnie d'assurances. Un choix assumé par Yves Bescond, responsable achats de l'entreprise. «Non seulement nous bénéficions d'une offre attractive mais, avec un seul interlocuteur, nous nous simplifions la vie d'un point de vue administratif», explique-t-il.
Le dernier appel d'offres en la matière remonte à décembre 2007, à l'occasion du renouvellement du contrat de location longue durée. Six prestataires étaient en lice, dont le tenant, ALD Automotive. Dans le cahier des charges, la partie «services» représentait 30% du loyer. Pour négocier à la baisse sa prime d'assurance tous risques, Yves Bescond s'est alors appuyé sur un reporting extrêmement précis des sinistres de l'entreprise au cours des trois dernières années. «Nous avons démontré que nous avions de moins en moins d'accidents grâce aux différentes actions de prévention mises en oeuvre dans l'entreprise», se félicite le responsable achats. Par exemple, la sensibilisation des personnes aux risques routiers dès l'entretien d'embauche ou encore des stages de bonne conduite pour les visiteurs médicaux. «Nous réfléchissons actuellement à la mise en place de stages d'écoconduite, précise Yves Bescond. Si l'objectif de ces formations est de diminuer la consommation de carburant, celles-ci permettent également de réduire la sinistralité.»
Boehringer-Ingelheim France
ACTIVITE
Laboratoire pharmaceutique
CHIFFRE D'AFFAIRES FRANCE 2008
400 millions d'euros
EFFECTIF FRANCE
1 100 collaborateurs
VOLUME D'ACHATS FRANCE
80 millions d'euros
EFFECTIF ACHATS FRANCE
13 collaborateurs
Lors de chaque appel d'offres concernant un contrat de LLD, Berner France inclut l'assurance dans son cahier des charges.
Expérience
Berner France souscrit en même temps ses contrats de location et d'assurance
Le parc automobile de Berner France, composé d'environ 1 100 véhicules, est assuré chez trois prestataires différents. Et pour cause, les contrats d'assurance sont souscrits auprès de chaque loueur de longue durée remportant un appel d'offres portant sur la location de véhicules: ALD Automotive, General Electric et Sajaloc. «En 2002, notre taux de sinistralité ne nous permettait pas d'obtenir des conditions intéressantes auprès des compagnies d'assurance. Depuis, nous souscrivons chaque contrat d'assurance en même temps que celui de location. Comme nous travaillons avec plusieurs loueurs, nous avons aussi plusieurs contrats», explique Audrey Hurissé, gestionnaire du parc de Berner France. A l'heure où les entreprises cherchent à simplifier les procédures, cette situation ne semble pas gêner la responsable de la flotte automobile. «Chaque collaborateur connaît son loueur et sait quel numéro appeler en cas d'accident. Nous n'avons pas de problème de communication», affirme-t-elle. Grâce au renouvellement des contrats, dont certains ne durent que 24 mois, Berner France peut bénéficier de meilleures conditions, d'autant que l'entreprise cherche à réduire son taux de sinistralité. «Nos collaborateurs suivent des formations sur la sécurité routière, indique Audrey Hurissé. Nous avons aussi mis en place, en 2007, un comité de sinistralité, devant lequel sont convoqués les conducteurs ayant eu deux sinistres en 12 mois. Le but est de leur faire prendre conscience des risques encourus et de les responsabiliser.»
Berner France
ACTIVITE
Distributeur de produits de fixation, d'outillage et de consommables techniques
CHIFFRE D'AFFAIRES 2007
190 millions d'euros
EFFECTIF
1 500 collaborateurs
Ne pas oublier la gestion des sinistres
Au-delà du contrat d'assurance proprement dit, les services autour de la gestion des sinistres (aide à la rédaction d'un constat à l'amiable, mise à disposition d'un véhicule de remplacement, édition de statistiques de sinistralité tous les trimestres avec commentaires, etc.) représentent le deuxième enjeu auquel s'intéressent de plus en plus les donneurs d'ordres et plus particulièrement les directions achats. Négocier un niveau de services approprié permet à l'entreprise de se décharger de tâches chronophages et souvent coûteuses. «Le cahier des charges doit non seulement préciser le type de services que l'on souhaite autour du contrat mais également en cas de sinistre», insiste Lionel Ray. Le niveau de services est devenu un critère déterminant dans l'attribution des appels d'offres, ce que tous les prestataires ne sont pas en mesure d'apporter.
L'intervention des directions achats est d'autant plus souhaitable que le marché de l'assurance automobile se caractérise par une multitude d'acteurs. Un sourcing des plus pointilleux est donc nécessaire. Les courtiers ou, plus récemment, les bancassurances font de la concurrence aux compagnies traditionnelles, pionnières dans ce secteur. D'autre part, les loueurs de longue durée peuvent apparaître comme une alternative intéressante. «Les services des courtiers et des loueurs conviennent aux petites flottes d'une cinquantaine de véhicules, estime Edouard Rance, fondateur du cabinet de conseil ERCG. En effet, dans ce cas de figure, les entreprises ne font appel qu'à un loueur unique et souscrivent une assurance auprès de lui afin de réduire leur nombre d'interlocuteurs.»
Les conditions tarifaires proposées ne sont pas toujours avantageuses, mais la gestion des sinistres est simplifiée. En revanche, les grandes entreprises recourent généralement à plusieurs loueurs pour leur flotte. «Mieux vaut alors passer par une seule compagnie d'assurances plutôt que de maintenir autant de régimes que de loueurs, avec les différences que cela peut induire», conseille Edouard Rance.
Pour Lionel Ray, «il est inutile de lancer un appel d'offres auprès de trop de compagnies ou de courtiers, car le besoin de l'entreprise risque de ne pas être bien pris en compte». Ce dernier recommande ainsi de mettre en concurrence entre trois et cinq acteurs du marché et «de comparer ainsi des offres mieux élaborées». Au final, le parc automobile de l'entreprise aura toutes les chances d'être bien assuré.
Edouard Rance, ERCG
«Les services des courtiers et des loueurs conviennent aux petites flottes d'une cinquantaine de véhicules.»