La communication, levier de performance des achats
Longtemps négligée par les acheteurs, la communication contribue pourtant à promouvoir la fonction en interne comme en externe. A condition de respecter certaines bonnes pratiques. Eclairage.
Je m'abonneQui sont vraiment les acheteurs? A quoi servent-ils? Ne sont-ils pas de simples cost killers? Encore aujourd'hui, nombre de services achats doivent faire face aux préjugés ou à la méconnaissance des prescripteurs internes, voire des fournisseurs, vis-à-vis de leur fonction. Une situation à laquelle certains groupes tentent de remédier. Comme la SNCF qui emploie les grands moyens pour valoriser son service achats en interne comme en externe. Son credo? Miser sur la communication. « Newsletters, articles dans les médias internes du groupe, flash infos, mise en place d'un Intranet: nous avons déployé tout un panel d'outils pour mieux vendre notre fonction achats », explique Laurence Rascagnères, directrice déléguée pilotage et communication. De plus, la compagnie ferroviaire organise chaque année une convention en présence de ses plus gros prescripteurs: « Cela nous permet de partager et promouvoir en interne notre stratégie achats. Nous avons aussi créé un portail fournisseurs pour communiquer avec eux », ajoute Laurence Rascagnères. Ces actions sont menées par un service communication 100 % dédié à la direction achats. En effet, éclaté dans toute la France, le service achats du groupe est composé de plus de 1 000 personnes. « La SNCF a privilégié la création d'un service communication spécifique aux achats plutôt que de recourir au département communication », explique la responsable. Une organisation qui semble avoir fait ses preuves: « En communiquant sur des chantiers emblématiques comme la sous-traitance avec le secteur protégé et en usant d'un langage marketing auprès des clients internes, nous avons favorisé la reconnaissance du service achats de la SNCF et augmenté son périmètre d'action », renchérit la directrice communication.
Une profession encore peu communicante
De plus en plus de directions achats planchent ainsi sur divers dispositifs de communication propres à valoriser leur fonction. Une grande première pour une profession encore peu encline à communiquer et souvent critiquée pour cela. « Négociation, évaluation du besoin, sourcing... ce ne sont pas les compétences techniques des acheteurs qui font généralement défaut mais leur capacité à bâtir un plan de communication. Sur ce point, ils restent souvent moins performants », rappelle Fabrice Ménelot, président de Crop and co, un cabinet de conseil spécialisé dans les achats. Mais pourquoi les acheteurs sont-ils si peu à l'aise pour vendre leurs idées? « Quand on communique, on s'expose. Or beaucoup d'acheteurs ne sont pas prêts à prendre ces risques. Très souvent, ils n'ont d'ailleurs pas été formés pour ça, considère le fondateur du cabinet. Et si certains montrent une réelle aptitude à communiquer, ils ne disposent généralement pas de l'expertise suffisante en interne pour établir une démarche de communication cohérente. » Car la mise à disposition d'un service de communication intégré aux achats reste l'apanage des très grands groupes. Pour les autres, le manque d'outils et de méthode pour communiquer reste patent. Du coup, les acheteurs ne savent pas comment procéder: faut-il rédiger un communiqué de presse, organiser un groupe de travail...? Le fou peut être total.
Aussi, l'autre alternative consiste à s'appuyer sur le service communication du groupe. Une piste souvent exploitée par les équipes achats plus mûres, comme celle de Point S, réseau de centres automobiles. «En instaurant la centralisation des achats en 2008, nos acheteurs ont largement gagné en crédibilité, aussi bien auprès de notre service communication et marketing avec lequel ils travaillent main dans la main, qu'auprès des fournisseurs», témoigne Christophe Rollet, directeur général.
Toutefois, si la professionnalisation des achats constitue un prérequis indispensable à la reconnaissance de la fonction, comment garantir une bonne collaboration entre acheteurs et communicants? «Les acheteurs doivent savoir laisser les communicants être force de proposition afin que leur expertise joue à plein», explique Fabrice Ménelot (Crop and co). Sans oublier d'établir avant toute chose les objectifs attendus de la stratégie de communication. « Communiquer pour communiquer ne sert absolument à rien. Il faut que cela s'inscrive dans une vraie stratégie établie en amont par le service achats: optimiser la gestion de la relation fournisseurs, valoriser la fonction en interne, etc. »
Laurence Rascagnères, SNCF
En communiquant sur des chantiers emblématiques comme la sous-traitance avec le secteur protégé, nous avons favorisé la reconnaissance du service achats de l'entreprise»
Corinne Brosset, directrice communication au sein du GIE achats, BPCE
Témoignage
« Montrer à nos clients internes la valeur ajoutée des achats
Promouvoir la fonction achats auprès des sociétés du groupe BPCE, tel est le challenge de Corinne Brosset, directrice communication au sein du GIE achats: «BPCE est un groupe bancaire mutualiste où chaque entreprise dispose d'une autonomie de gestion. Aussi, la création, il y a trois ans, d'un GIE dédié aux achats a permis à la fonction de davantage s'imposer en interne.» Ainsi, Corinne Brosset a pu implémenter un dispositif de communication à la fois écrit et oral. «A travers un processus de communication s' inspirant des techniques de marketing et de vente, nous montrons aux clients internes que la vraie valeur ajoutée des achats dépasse largement le strict cadre du cost killing. » Parmi les opérations phares mises en place, un webzine interne trimestriel. «Via ce support, nous voulions surtout communiquer auprès des prescripteurs. Un pari réussi puisque parmi les 900 abonnés, trois quarts sont des clients internes», se réjouit Corinne Brosset.
Assistée de deux collaborateurs, la directrice communication a aussi en charge l'animation de la filière achats. «Nous organisons régulièrement des groupes de travail entre acheteurs et directions métiers afin qu'ils puissent mieux collaborer ensemble. ».
Pour optimiser cette relation, un Intranet achats a été lancé en 2008. Acheteurs comme prescripteurs peuvent y trouver des informations essentielles: base fournisseurs, contrats... .
«Pour mesurer l'impact de toutes ces actions, nous organisons chaque année avec la direction qualité du groupe un baromètre de satisfaction clients. Au final, nous sommes plutôt satisfaits des résultats obtenus», indique Corinne Brosset. .
Mais si les achats s'imposent comme une fonction transversale à l'écoute et au service de ses clients internes, il reste encore du chemin à parcourir pour favoriser une totale reconnaissance de la fonction. «Pour atteindre cet objectif, je travaille main dans la main avec les acheteurs car leur implication reste plus que jamais indispensable. »
BPCE
ACTIVITE
Banque.
PRODUIT NET BANCAIRE.
2009 21,2 milliards d'euros.
EFFECTIF.
127 000 salariés.
VOLUME D'ACHATS 2009.
2,8 milliards d'euros.
EFFECTIF ACHATS.
120 collaborateurs
Lancement d'une convention fournisseurs
Plus encore, chaque opération de communication doit répondre à une finalité précise. Une convention fournisseurs par exemple peut viser divers objectifs: remercier des partenaires stratégiques, exiger des offres plus innovantes... «Les acheteurs doivent clairement réfléchir en amont aux messages qu'ils veulent faire passer et choisir le moment le plus judicieux pour organiser un tel événement », indique Fabrice Ménelot. Et si le lancement d'une convention fournisseurs peut constituer un bon outil de communication externe, la mise en place d'un journal interne s'avère efficace pour vendre la fonction achats auprès des prescripteurs. «Au lieu de mettre en avant le discours du directeur achats, les acheteurs peuvent profiter de ce support pour faire parler leurs clients internes afin qu'ils montrent la valeur ajoutée générée par leur collaboration avec les achats», conseille le président de Crop and co.
Potentiellement efficace, la communication dite documentaire journal interne, newsletter, communiqué de presse - serait toutefois insuffisante, selon Olivier Wajnsztok, directeur associé du cabinet Agile-Buyer, spécialisé dans les achats opérationnels. « S'appuyer sur un service communication ne constitue qu'une partie de la solution. Car en tant que responsables de la marque achats de l'entreprise, les acheteurs doivent développer leur propre profil de communicant. » Autrement dit, travailler sur leur aptitude personnelle à convaincre, à vendre des idées et à les synthétiser pour qu'elles soient compréhensibles. «Exit l'acheteur Excel caché derrière son ordinateur, il doit désormais apprendre à séduire les prescripteurs en étant plus attrayant dans son discours», affirme Olivier Wajnsztok. Une tâche qui doit incomber à l'ensemble d'un service achats. « C'est toute l'équipe qui doit s'impliquer à 100 %, aussi bien lors du lancement d'une opération de communication que lors de moments informels avec les clients internes: rencontre dans un ascenseur, déjeuner au restaurant collectif, etc. »
Les acheteurs doivent donc miser sur tous les moyens de communication propres à favoriser la connaissance et la reconnaissance de leur fonction. Un levier d'action qui leur permettra également de gagner en performance. « Longtemps sous-estimée par les acheteurs, la communication constitue un outil stratégique à des niveaux très divers: élargir le périmètre d'action des achats, mieux faire adhérer les clients internes à la stratégie achats de l'entreprise, optimiser la relation fournisseurs ou encore favoriser les recrutements en interne», conclut Olivier Wajnsztok. Sans oublier un dernier avantage: favoriser la cohésion des équipes achats en les rendant plus fières du métier qu'elles font.
Fabrice Ménelot, Crop and co
«Communiquer pour communiquer ne sert absolument à rien. Il faut que cela s'inscrive dans une vraie stratégie établie en amont par le service achats. »
Frédéric Thielen, directeur achats, Saft
Témoignage -
«Notre communication est particulièrement réglementée »
Alors que la communication devient un nouvel axe pour beaucoup de services achats, certains ont l'obligation de garder secrètes certaines informations. « Nous ne communiquons pas hors du circuit réglementaire sur certains sujets sensibles, explique Frédéric Thielen, directeur achats de Saft, spécialiste des batteries. Ainsi, nous ne divulguons pas le montant d'économies moyen généré par notre direction car il peut recouvrir des situations très différentes suivant nos lignes de produits. » Autre thème sensible : la couverture financière des matières premières. « Nous restons vigilants sur ce sujet en laissant à la direction de la communication du groupe la tâche de dévoiler les informations appropriées. » Une communication également sous surveillance pour ce qui concerne les opérations de croissance inter-ne. « Par exemple, le groupe a lancé l'année dernière la construction d'une nouvelle usine aux Etats-Unis. Même si notre direction a participé en amont à cette initiative, nous n'avons pu communiquer librement sur ce sujet. Il a fallu attendre que la communication externe soit d'abord effectuée au travers d'un communiqué de presse. »
Saft
ACTIVITE
Conception et fabrication de batteries
CHIFFRE D'AFFAIRES 2009
560 millions d'euros
EFFECTIF
3 830 salariés
VOLUME D'ACHATS 2009
280 millions d'euros
EFFECTIF ACHATS
55 collaborateurs