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Achats / marketing, un dialogue plus constructif

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Les acheteurs interviennent de plus en plus dans l'univers du marketing. La démarche n'a pas toujours été bien vécue par les agences, voire par les responsables marketing eux-mêmes. Aujourd'hui, les relations semblent plus constructives. Tour d'horizon des bonnes pratiques avec des représentants des deux fonctions et des responsables d'agences, lors d'une table ronde organisée par la rédaction de Décision Achats.

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Le 21 février dernier, acheteurs et marketeurs ont débattu sur l'intervention croissante des achats.

@ Arnaud Olszak

Le 21 février dernier, acheteurs et marketeurs ont débattu sur l'intervention croissante des achats.

Dans beaucoup d'entreprises, les acheteurs prennent une part croissante dans les achats de marketing et de communication. Comment les agences vivent-elles cette intervention?

Philippe Ceyrac (prestataire, G2 - agence de marketing): L'intervention des achats est incontestablement positive, même si, bien entendu, quelques pratiques restent à améliorer. Tout d'abord, nous avons assisté à une profession-nalisation des appels d'offres. Par exemple, nous disposons désormais de briefs écrits, la rédaction des contrats s'est nettement améliorée, etc. D'autre part, les entreprises connaissent aujourd'hui les structures de coûts des agences, ce qui leur permet de mieux comparer les prestataires entre eux et d'évaluer leur valeur ajoutée.

Claire Lecoutier (prestataire, ETO - agence de marketing): Je suis tout à fait d'accord, même si toutes les entreprises n'ont pas le même niveau de maturité. Néanmoins, cette intervention croissante des acheteurs a permis de mieux structurer l'offre des agences. Les relations avec les acheteurs sont plus cadrées.

ALexandra Piot, American Express

«Nous avons appris à travailler ensemble.»

Et du côté des marketeurs, comment vivez-vous ce changement?

Alexandra Piot (marketeur, American Express): Selon les voeux de notre direction générale, nous commençons à collaborer avec les acheteurs, et cela se passe bien. Nous avons appris à travailler ensemble. Par exemple, les achats nous aident à référencer les prestataires susceptibles de répondre à nos besoins. En outre, je dispose d'un outil qui me permet de vérifier que les factures adressées par les agences correspondent bien aux tarifs négociés.

Damien Laurent (marketeur, Xerox): Dans notre groupe, je ne suis pas en relation directe avec les achats, qui se trouvent aux Etats-Unis. Mais leurs prescriptions sont omniprésentes. En France, nous sentons beaucoup plus le poids de la direction financière. Je pense que l'intervention des acheteurs est légitime. La vocation du marketing est de faire vendre. Acheter au meilleur prix est l'expertise des acheteurs, pas la nôtre.

Florence Poirel, SNCF

«L'intervention des achats a permis d'optimiser les budgets et d'améliorer la rédaction des contrats.»

Dans vos entreprises respectives, depuis combien de temps les acheteurs interviennent-ils dans l'univers du marketing et de la communication?

Caroline Boissy (acheteur, Société Générale): Depuis la création de la direction achats, en 2000. Nous avons fait nos preuves petit à petit, en commençant par la famille d'achats la moins sensible, celle de l'édition. Pour chaque famille, nous avons identifié les besoins et défini les processus achats correspondants. Aujourd'hui, nous intervenons de deux manières différentes: soit en établissant des référencements pour le groupe, comme le référencement marketing direct pour la direction du marketing, soit en accompagnant nos clients internes tout au long du process achats.

Florence Poirel (acheteur, SNCF): Nous avons connu sensiblement la même évolution. Auparavant, nous n'avions pas véritablement de réflexion stratégique. Le tournant est intervenu en 2003 avec la mise en place du programme Talent pour tous les achats de la SNCF. Dès lors, nous avons commencé à réfléchir sur la manière dont nous pourrions remonter très en amont dans l'expression du besoin, avec la mise en place de cahiers des charges, d'une stratégie de référencement, d'accords-cadres, etc. L'intervention des achats a permis d'optimiser les budgets et d'améliorer la rédaction des contrats, qui n'étaient pas du tout appropriés à des achats de prestations intellectuelles.

Xavier Hesse (acheteur, Cadbury Schweppes): L'intervention des achats remonte aussi aux années 2000. Lorsque nous sommes arrivés, les marketeurs se sont montrés plutôt dubitatifs. Il fallait leur prouver que notre rôle était de les aider et rester très humbles. Nous avons commencé par l'achat d'espaces publicitaires. Notre rôle était de sélectionner les agences médias, de briefer les marketeurs avant les appels d'offres et de les aider à qualifier les réponses. C'est le succès de ces premières opérations de sourcing qui a forgé notre légitimité.

Caroline Boissy, Société Générale

«L'acheteur doit être capable de montrer qu'il comprend les spécificités du marketing.»

Selon vous, les acheteurs savent-ils parler le langage des marketeurs?

Florence Poirel (acheteur, SNCF): Lorsque j'ai intégré la direction achats de la SNCF pour m'occuper des achats marketing, j'avais 20 ans d'expérience dans le secteur de la communication. Je suis donc arrivée avec une solide expertise métier, qui m'a permis de parler le langage des communicants et de créer un lien immédiat.

Caroline Boissy (acheteur, Société Générale); Il est évident que la relation se construit beaucoup plus vite lorsque les deux parties partagent une sensibilité et un vocable communs. Le communicant ou le marketeur ne perçoit pas l'acheteur comme un négociateur de boulons. Mais, au final, je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'être un ancien marketeur pour bien acheter une prestation de marketing. L'acheteur doit être capable de montrer qu'il comprend les spécificités de cet univers.

Rémy Debrant (prestataire, Trimedia- agence de relations presse): Beaucoup d'acheteurs restent tout de même focalisés sur les tarifs et ne parlent que de ça. Or, le prix ne dit pas tout pour ce type de prestation.

Il faut prendre en compte le savoir-faire de l'agence, le niveau d'expérience des consultants, etc.

Alexandra Piot (marketeur, American Express): Je ne suis pas tout à fait de cet avis. Je ne pense pas, aujourd'hui, que les acheteurs choisissent systématiquement l'offre la moins chère et qu'ils ne parlent que de prix.

Xavier Hesse (acheteur, Cadbury Schweppes):

Les acheteurs n'exercent pas une pression sur les prix par plaisir. Les directions financières leur fixent des objectifs. Elles peuvent avoir un regard très froid et attendre que chaque ligne comptable soit optimisée. C'est pourquoi je pense qu'il convient de les intégrer dans les négociations, afin que les financiers se rendent compte également que, derrière ces lignes, il y a des hommes et un savoir-faire.

Xavier Hesse, Cadbury Schweppes

«Lorsque nous sommes arrivés, les marketeurs se sont montrés plutôt dubitatifs, mais nous leur avons prouvé que nous étions là pour les aider.»

Peut-on acheter une prestation de marketing et de communication comme on achète un produit standard?

Philippe Ceyrac (prestataire, G2): Je pense qu'il ne faut pas faire d'amalgame entre des fournitures de bureau et des prestations intellectuelles où l'on achète de la valeur ajoutée.

Florence Poirel (acheteur, SNCF): Pour certaines familles d'achats comme les fournitures de bureau, l'analyse des offres porte essentiellement sur des critères financiers. Ln revanche, pour les achats de marketing, je me suis battue pendant deux ans pour que la partie financière ne représente que 40% des critères d'évaluation.

Caroline Boissy (acheteur, Société Générale): A partir du moment où les besoins sont identifiés, où les grilles de prix sont définies et mises en place, où les offres des agences sont standardisées, alors la rédaction d'un cahier des charges et la conduite d'un appel d'offres peuvent se dérouler exactement de la même façon, quelle que soit la famille d achats. Mais, pour cela, il faut que l'acheteur intervienne très en amont.

Philippe Ceyrac, G2

«Avec les acheteurs, nous avons assisté à une professionnalisation des appels d'offres.»

Que pensez-vous du recours aux enchères inversées pour acheter une prestation à forte valeur ajoutée?

Philippe Ceyrac (prestataire, G2): Nous sommes totalement contre cette pratique, que certains grands groupes ont utilisée. Ces outils conduisent à choisir le moins-disant et à acheter n'importe quoi, du moment que c'est moins cher.

Xavier Hesse (acheteur, Cadbury Schweppes): Ayant déjà vu comment fonctionnaient des enchères inversées, je pense que ce procédé est effectivement dangereux, en particulier pour des catégories dont le contenu contribue à la différenciation stratégique de marque.

Damien Laurent (marketeur, Xerox): Je suis globalement d'accord, même si je nuancerais les propos. On peut très bien imaginer utiliser les enchères inversées pour l'achat de certains produits, comme l'édition de brochures commerciales.

Caroline Boissy (acheteur, Société Générale): Nous possédons une plateforme d'e-sourcing dans laquelle figure un module d'enchères inversées. Nous ne l'utilisons pas sur ces familles d'achats. Mais rien ne nous empêche de le faire à l'avenir pour du matériel publicitaire, des calendriers commerciaux, etc.

Damien Laurent, Xerox

«Dans notre groupe, l'intervention des achats n'est pas directe et, pourtant, elle est omniprésente.»

Comment les acheteurs peuvent-ils juger de la créativité des agences?

Caroline Boissy (acheteur, Société Générale): Nous nous contentons d'analyser les structures de coûts des agences. Nous pouvons ainsi les comparer et comprendre comment chaque offre est constituée. Nous ne jugeons pas la créativité des agences en tant que telle. En revanche, nous allons mesurer le temps nécessaire à la réalisation d'un projet.

Xavier Hesse (acheteur, CadburySchweppes): Pour ma part, j'estime que la mesure du temps passé et le mode de facturation adopté ne me regardent pas. Ces derniers relèvent de la cuisine interne de l'agence. Le plus important, c'est le résultat.

Rémy Debrant (prestataire, Trimedia): En analysant la structure de coûts, je pense tout de même que la direction achats doit également s'intéresser à la valeur ajoutée de l'agence.

Rémy Debrant, Trimédia

«La capacité de l'agence à maintenir des consultants expérimentés sur le compte et dont la rémunération évolue n'est pas toujours prise en considération.»

Trouver une bonne idée peut prendre quelques minutes comme plusieurs semaines. Comment quantifier le temps passé?

Florence Poirel (acheteur, SNCF): Mon client interne, de par son expertise, est capable de valider ce temps passé. C'est vrai, toutefois, que cela repose sur la bonne foi de l'agence.

Caroline Boissy (acheteur, Société Générale): L'expérience nous a permis de standardiser les offres des agences et de connaître le temps passé pour chaque dossier.

Philippe Ceyrac (prestataire, G2): Pour moi, il faut considérer le temps passé comme un indicateur, rien de plus.

Les méthodes des acheteurs ne risquent-elles pas de brider la créativité des agences?

Caroline Boissy (acheteur, Société Générale):

En signant des contrats-cadres sur deux ans, je n'ai pas l'impression que nous tuons la créativité des agences. Les achats sont également présents pour optimiser l'ensemble du processus de création.

Florence Poirel (acheteur, SNCF): Nous organisons environ cinq événements de grande ampleur par an. Les agences référencées dans nos panels peuvent laisser libre cours à leur imagination pour remporter chaque appel d'offres. Nous avons également mis en place dans nos contrats des plans de progrès. Il s'agit de véritables débriefs. L'objectif est que ces événements se déroulent mieux l'année suivante.

Rémy Debrant (prestataire, Trimedia): Les contrats-cadres sont plutôt une bonne chose, car ils permettent à l'agence de s'inscrire dans la durée. Il n'y a pas de pression à court terme et le prestataire peut laisser libre cours à sa créativité. Malheureusement, à la fin d'un contrat, la plupart des directions achats veulent négocier les budgets à la baisse, ce qui pose problème. La capacité de l'agence à maintenir sur ce compte des consultants expérimentés, dont la rémunération évolue, n'est pas toujours prise en considération.

Claire Lecoutier, ETO

«L'intervention croissante des acheteurs a permis de mieux structurer l'offre des agences.»

Les relations entre acheteurs et agences évoluent-elles dans le bon sens?

Claire Lecoutier (prestataire, ETO); Je le pense. Toutefois, je trouve que l'on ne rencontre pas assez les acheteurs, alors que nous les avons beaucoup au téléphone.

Caroline Boissy (acheteur, Société Générale): Les acheteurs doivent davantage rencontrer les agences sur le terrain. D'ailleurs, à la Société Générale, nous les encourageons à le faire le plus régulièrement possible.

Florence Poirel (acheteur, SNCF): Il faut aussi que les agences n'hésitent pas à venir vers nous. Par exemple, je suis très peu sollicitée, alors que je suis demandeuse.

Philippe Ceyrac (prestataire, G2): Je crois que nous sommes entrés dans une relation gagnant-gagnant. Nous en sommes juste au démarrage, mais, désormais, nous arrivons à nous comprendre.

Les participants

Responsables achats: Caroline Boissy (Société Générale), Florence Poirel (SNCF) et Xavier Hesse (Cadbury Schweppes).
Responsables marketing: Alexandra Piot (American Express) et Damien Laurent (Xerox).
Responsables d'agence: Claire Lecoutier (ETO), Philippe Ceyrac (G2) et Rémy Debrant (Trimedia).

 
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Sébastien DE BOISFLEURY

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