Système d'information - progiciels intégrés et ERP : comment faire son choix
Malgré la multiplication des outils spécialisés, les ERP, et plus globalement les progiciels de gestion intégrés servant de socle au système d'information des entreprises, restent incontournables à partir d'une certaine taille. Mais comment faire son choix, sur un marché où les acteurs et les offres pullulent ? Réponses.
Je m'abonneRares sont aujourd'hui les entreprises, à partir de quelques dizaines de salariés, à ne pas s'appuyer sur un ERP ou une solution de gestion intégrée. Ce type d'outil, qui constitue le socle du système d'information et couvre les principales fonctions (comptabilité-finances, gestion commerciale, achats, gestion de production, logistique, etc.), présente de nombreux avantages. Il assure notamment une cohérence des données, grâce à un référentiel unique et partagé, ainsi qu'une logique applicative homogène entre les fonctionnalités et une gestion centralisée des flux.
Un ERP évite également la multiplication des interfaces entre plusieurs solutions, qui peuvent être coûteuses et sujettes à problèmes, en particulier lors des montées de versions. Enfin, il propose des couches transverses, partagées par tous les utilisateurs, pour les analyses décisionnelles, mais aussi en matière de gestion de projets ou de pilotage des contrats. Et, plus globalement, de travail collaboratif.
Seulement, le marché compte plusieurs dizaines d'éditeurs (cf graphique ci-contre : le marché mondial des ERP, par éditeur. Source : Gartner, 2014). Derrière les deux acteurs historiques, SAP (Business One, ByDesign, All-in-One) et Oracle (Fusion Applications et E-Business Suite, PeopleSoft, JD Edwards), deux concurrents grignotent progressivement des parts de marchés : Infor et Microsoft. Viennent ensuite une kyrielle de poursuivants, comme Cegid, Comarch, Divalto, Epicor, Generix, IFS, Ordirope, Proginov, Qualiac, Sage, Sylob, Unit4, etc., plus ou moins spécialisés par marchés ou zones géographiques, ainsi que des nouveaux entrants ancrés dans la mouvance du cloud (Cornerstone, NetSuite, Workday). En termes de solutions, les possibilités sont encore démultipliées puisque la plupart des éditeurs ont décliné leur offre en plusieurs versions, adaptées à la taille des entreprises ou à des secteurs d'activité particuliers : distribution, industrie, services, etc. Sans oublier les ERP open source.
Face à cette profusion, comment choisir ? " Il existe aujourd'hui des critères bien identifiés, dont l'ordre ou l'importance dépend du profil de l'entreprise et de son projet, en termes d'existant, d'objectifs et de stratégie d'évolution autour de son système d'information ", explique Patrick Rahali, analyste chargé des études ERP au sein du cabinet d'expertise CXP.
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Exploitation "on-premise", cloud ou hybride
" Bien que très séduisant, un intégré 100 % SaaS reste utopique pour les moyennes et grandes entreprises "
Le premier groupe de critères concerne la solution elle-même, sur des aspects factuels, en commençant par le mode d'exploitation et la couverture fonctionnelle. " Il s'agit en fait des aspects décrits dans le cahier des charges, facilement vérifiables auprès de l'éditeur ", explique Jérémy Grégoire, responsable marketing ERP chez Divalto. Si le mode d'exploitation "on-premise" (installation sur site) reste majoritaire, de plus en plus d'entreprises s'intéressent au cloud, et plus particulièrement au SaaS (service applicatif). Ou optent pour une configuration hybride de leur ERP, permettant de garder sous contrôle les modules les plus stratégiques ou manipulant des données sensibles. " Bien que très séduisant, un intégré 100 % SaaS reste utopique pour les moyennes et grandes entreprises, qui ont souvent de fortes particularités et sont très sensibles aux aspects sécuritaires ", explique Nicolas Dalbignat, directeur des ventes chez Qualiac. Cegid a été l'un des premiers à proposer ses solutions sous forme de services, notamment à travers son offre Yourcegid. Depuis, la plupart des acteurs ERP ont franchi le pas, avec des formules allant jusqu'au mode SaaS le plus abouti, en environnement multi-instance autour d'un code source standardisé et partagé. " Même s'il répond parfois mieux aux besoins, choisir un ERP exploité de façon traditionnelle, c'est se mettre en danger à moyen terme ", explique Laurent Dechaux, vice-président applications ERP Europe de l'Ouest chez Oracle.
En ce qui concerne la couverture fonctionnelle, une question se pose : faut-il privilégier la profondeur, c'est-à-dire l'étendue des fonctionnalités, ou l'adéquation aux besoins ? " Il faut d'abord viser la juste couverture fonctionnelle, pour une taille d'entreprise ou un secteur d'activité donné, explique Jérémy Grégoire (Divalto). Mais aussi anticiper les évolutions, en fonction de la stratégie ou du contexte économique. " Le choix doit aussi tenir compte des capacités techniques de l'ERP, en termes de compatibilité avec le système existant et d'interfaçage, ainsi que de son ergonomie. Qu'il s'agisse d'une question de confort ou de simplicité d'utilisation, voire d'utilisation en situation de mobilité, elle est devenue déterminante aux yeux des entreprises pour améliorer le taux d'adoption et donc le retour sur investissement de leur projet. Le prix est d'ailleurs un autre critère majeur de sélection, plus exactement le rapport fonctionnalités/prix. " Il s'agit surtout de raisonner dans une approche en coût complet, ou TCO, pour tenir compte de l'investissement de départ (licence, déploiement, formation, etc.) mais aussi des frais récurrents en se projetant à trois ou cinq ans ", explique Patrick Rahali (CXP). " Attention à la tentation d'aller vers la solution la moins chère ", prévient toutefois Nicolas Dalbignat (Qualiac), conseillant de s'appuyer sur des retours d'expérience d'autres clients, pour des profils d'entreprise et un contexte de projet comparables.
Benchmarker est essentiel
L'avis et le niveau de satisfaction d'autres entreprises utilisatrices sont également cruciaux pour appréhender les critères moins concrets ou plus difficilement vérifiables. En matière d'accompagnement, notamment. Le fait que l'éditeur soit lui-même intégrateur de sa solution ou passe par des partenaires peut ainsi avoir son importance. " En mettant en oeuvre sa solution, l'éditeur essaiera de rester proche du standard, ce qui simplifiera les évolutions. Il sera aussi plus à l'écoute des demandes du client, pour enrichir son offre ", estime Patrick Rahali (CXP). À l'inverse, " un intégrateur tiers apporte son expertise et un ensemble de bonnes pratiques, considère Nicolas Dalbignat (Qualiac) . Il peut aussi être plus pertinent pour les opérations d'interfaçage et de reprise des données ". Dans les deux cas, pour que le déploiement se passe sans accroc, " la méthodologie de projet et la conduite du changement sont à considérer avec minutie ", tranche Jérémy Grégoire (Divalto).
Plus globalement, il faut s'intéresser au profil de l'éditeur : en termes de pérennité, à travers ses données clés (chiffre d'affaires, rentabilité, actionnariat, etc.) et sa stratégie (roadmap, choix technologiques, politique qualité, etc.), et de taille, pour instaurer un rapport de force équilibré. " Il sera plus facile d'échanger avec un éditeur ayant une connaissance du métier et une taille similaire ", assure Jérémy Grégoire.
Sa présence géographique s'avère enfin déterminante, selon le contexte de déploiement de l'ERP : à l'international, multisites ou multisociétés. Avec, in fine, toujours le même conseil : au-delà du discours marketing et de la documentation de l'éditeur, s'appuyer sur les témoignages d'autres clients, si possible hors références de l'éditeur, reste clé.
L'alternative open source
Face aux progiciels appelés "propriétaires", c'est-à-dire ceux dont le code appartient à l'éditeur, les ERP open source (ou libres) constituent une alternative à étudier. Aux côtés de Compiere et Odoo (anciennement OpenERP), les plus répandus, de nombreuses solutions cohabitent, telles Adempiere, ERP5, Neogia, OFBiz, Openbravo ou encore OpenInfo3W. " Axelor, un outil qui monte, couvre aussi de façon satisfaisante la plupart des besoins fonctionnels ", suggère Patrick Rahali, du cabinet d'expertise CXP. Au-delà d'un coût limité à la dimension service, la qualité du code est le principal avantage de l'open source. La participation d'une communauté assure en effet une grande réactivité et, parallèlement, les sociétés spécialisées veillent à la performance des produits. En revanche, ces solutions apportent moins de garanties en termes de pérennité de l'offre, de visibilité sur la roadmap et de niveaux de services en matière de maintenance. Un ERP libre nécessite enfin un suivi plus rigoureux et, donc, la présence de spécialistes au sein de l'entreprise.