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[Tribune] Appel d'offres: 5 étapes pour tuer l'innovation à coup sûr!

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Le processus d'appel d'offres, un tue l'innovation? C'est l'avis de Martin Duval, président et COO de Bluenove group, qui dénonce une situation où les fournisseurs sont invités à surprendre le client par le prix et la performance, mais avec des solutions sans risques... et donc sans innovation!

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Étape 1- Le cahier des charges: tant pis pour la formulation du problème

La plupart des méthodes d'animation de la créativité vont généralement démarrer par une phase de compréhension, de réappropriation et de reformulation du problème par les participants pour permettre la phase suivante de génération d'idées la plus créative possible.

À l'inverse, l'appel d'offres va démarrer par une équipe projet qui va s'organiser à 3 ou 4 personnes (ou moins) pour décrire en quelques pages (parfois 2) le besoin, c'est à dire le problème à résoudre. Et la plupart du temps, cette description tend naturellement à fortement orienter et à cadrer la solution.

Déjà perdu d'avance pour permettre des interprétations autres du problème, mais poursuivons...

Étape 2 - La présélection de prestataires déjà référencés: tant pis pour les idées issues de nouveaux acteurs

Certains référencements de prestataires et accords cadres se font pour 2 ou 3 ans voire plus, pour permettre notamment aux directions achats de prénégocier des prix.

Beaucoup d'acteurs innovants, start-up et PME, peuvent naître sur de telles périodes du fait de l'accélération des nouvelles technologies et de la réduction des cycles d'innovation: dommage de ne pas trouver un moyen d'identifier et de solliciter ces nouvelles pépites. Lorsque certaines entités opérationnelles le tentent, c'est souvent "sous les radars" ou au prix d'efforts surhumains et longs pour déboucher un contrat concret.

Étape 3 - Le délai de réponse: tant pis pour la cocréation d'une solution

Une fois l'appel d'offre lancé, les répondants vont alors travailler pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois, seuls dans leur coin, certes avec quelques possibilités de poser des questions par mail lors de quelques appels organisés, pendant lesquels d'ailleurs toute nouvelle idée serait partagée avec son concurrent potentiel: les candidats s'auto-sensurent et avalent leurs "Et si...?".

Aucune possibilité de proposer de s'organiser différemment pour permettre de cocréer des approches nouvelles avec l'émetteur du besoin.

Étape 4 - La sélection et les critères: tant pis pour la dimension innovante

La plupart des critères des appels d'offres mentionnent le prix, la pertinence de la réponse, les références, etc.

Rares sont les AO qui mentionnent "la dimension innovante" et la quantifient à hauteur d'un pourcentage, par exemple 5 à 10% de l'estimation totale de la valeur de la réponse, ou encore moins en précise la notion. Avez vous déjà vu des cas d'AO ou l'on vous demande "Comment allez vous animer l'innovation pendant la durée du contrat si vous gagnez?".

Étape 5 - La négociation et l'évolution du projet: tant pis pour les idées d'amélioration continue

Une fois les finalistes "short listés" s'engage une négociation sur des critères de qualité et de prix. Les réductions de prix lors du contrat initial (-10%? -20%? -30% ?...) vont ainsi venir mettre en péril l'agilité à demander et proposer des idées d'amélioration et d'innovation incrémentale dans un second temps pendant la durée effective du contrat: le fournisseur aura tendance à facturer très cher ces "Change Request" pour tenter de rattraper la remise initiale du début du projet.

Quelles solutions pour décloisonner le processus d'appel d'offres?

En bref, dans un processus classique d'appel d'offre:

  • On limite le champ des opportunités dès la formulation du besoin
  • On ne stimule pas le processus de cocréation de solutions nouvelles
  • On ne récompense pas le critère innovation
  • On se coupe de nouveaux fournisseurs potentiels et innovants
  • On crée un contexte qui bloque la proposition d'innovation incrémentale pendant le contrat

Des dispositifs et des pistes existent pour corriger ces défauts, en voici quelques-uns, et beaucoup d'autres restent à inventer:

  • Autoriser des ateliers de "cocréation" avec les fournisseurs référencés dès les phases de formalisation du cahier des charges, en s'engageant à ne pas intégrer leurs nouvelles idées dans le cahier des charges final
  • Intégrer des critères liés à l'innovation dans l'évaluation de la proposition
  • Inciter des fournisseurs existants à intégrer dans leur proposition des parties sous-traitées ou cotraitantes avec des start-up et PME innovantes
  • Ouvrir l'appel d'offre à 2 ou 3 start-up innovantes suggérées par la direction de l'innovation
  • Demander aux prestataires comment ils animeront le processus d'innovation pendant la durée du contrat
  • Organiser et lancer des concours et appels à projets auprès de start-up, PME, écoles pour identifier et collaborer avec des acteurs non encore référencés
  • Intensifier le niveau de collaboration, et le plus en amont possible, entre la direction achats et les directions innovation et/ou digital
  • Et, bien sûr, ne pas échauder les initiatives de prestataires proactifs à proposer des nouvelles idées en les intégrant sans eux une fois proposées ou, pire, en les réintégrant dans un nouvel appel d'offres. Au contraire, créer les success stories qui racontent comment des prestataires qui l'ont fait ont été récompensés de leurs efforts et de leur esprit d'ouverture.
  • Etc.

L'auteur

Martin Duval est président et COO de Bluenove Group, société de conseil et services en open innovation créée en 2008.

>> Retrouvez les conseils de Martin Duval pour ouvrir les processus achats à l'innovation.

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