Vers une hausse du coût des complémentaires
Le coût des mutuelles est de plus en plus important dans les entreprises. Si ce dossier épineux reste, pour l'instant, l'apanage des ressources humaines et des partenaires sociaux, il pourrait tomber, à terme, dans le giron du service achats.
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Thierry Boisbouvier, Visual Info
«Le prix moyen des complémentaires santé augmente chaque année de 5 à 6%.#187;
Négociations avec les organismes de formation des salariés, achats des prestations d'intérim, appels d'offres pour choisir un cabinet de recrutement... Depuis quelques années, les services achats investissent progressivement l'univers des ressources humaines. Les acheteurs tentent ainsi de concilier recherche de qualité et meilleurs coûts, tout en apportant leur savoir-faire dans les négociations avec les prestataires. Dans l'immense chantier d'optimisation des dépenses, un autre domaine pourrait bientôt s'ouvrir à leur savoir-faire: les complémentaires santé.
Celles-ci représentent en effet un coût de plus en plus important pour les entreprises. «Ces dernières années, le prix moyen d'un contrat a augmenté annuellement de 5 à 6 %», résume Thierry Boisbouvier, p-dg de Visual Info, une société qui édite notamment le site de comparateur d'assurances kelassur.com. D'où l'intérêt de faire intervenir le service achats en la matière. En moyenne, les entreprises renégocient les contrats tous les quatre ans avec les mutuelles. Certes il s'agit d'un sujet hautement sensible en interne, sur lequel les syndicats font entendre leur voix. C'est pourquoi ce dossier est resté jusqu'ici l'apanage des directions des ressources humaines, interlocuteur traditionnel des partenaires sociaux et du comité d'entreprise, obligatoirement consulté lorsque le contrat est mis en place dans le cadre de ses activités sociales et culturelles (Loi Evin du 31 décembre 1989).
En revanche, rien n'interdit au service achats d'intervenir en support de la DRH ou de la direction générale de l'entreprise, et de rechercher le meilleur organisme assureur. Selon le Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie), il existe ainsi plus de 1 500 opérateurs différents (mutuelles, sociétés d'assurances ou institutions de prévoyances). De plus, un contrat collectif bénéficie d'un tarif de groupe négocié avec l'organisme gestionnaire, principalement en fonction du nombre de salariés dans l'entreprise. L'expérience des achats dans la pratique de la négociation peut s'avérer ici très utile, d'autant que d'autres points peuvent faire l'objet d'une concertation: délais de rem boursement, télétransmission ou non des feuilles de soins, dispense d'avance de frais, cotisations et prestations différentes selon les catégories de personnel et les situations individuelles (célibataires, mariés sans enfant, etc.)...
Aujourd'hui, la hausse du coût des mutuelles est liée à l'augmentation des dépenses de santé, avec pour conséquence soit une baisse des remboursements, soit une hausse des cotisations. Actuellement, la tendance est plutôt à la baisse des prises en charge. Les entreprises proposent donc en majorité des complémentaires à leurs salariés axées sur les frais de santé mal remboursés par la Sécurité sociale, principalement l'optique et les soins dentaires. Leur tarif n'en est que plus élevé. L'inflation des coûts pourrait donc, à terme, conduire les sociétés et les salariés à renoncer à ces prestations «haut de gamme». «Les soins de ville deviennent très onéreux. Dans le même temps, de nouveaux types de soins coûteux sont apparus et se sont généralisés, à l'image de l'homéopathie», indique Thierry Boisbouvier.
L'augmentation des coûts des complémentaires santé s'explique en outre par l'évolution des modes de remboursement des soins. «La Sécurité sociale s'oriente vers l'assurance du gros risque, comme les hospitalisations. Elle laisse au privé, autrement dit aux mutuelles, les petits risques, comme les soins de ville, l'optique etc., qui représentent une part de plus en plus importante des dépenses», analyse le p-dg de Visual Info. Selon l'enquête annuelle 2006 du Credoc, les régimes obligatoires prennent en charge environ 75% des dépenses santé, les complémentaires 12%, le solde restant à la charge des ménages.
L'attrait des complémentaires entreprises
Toujours selon cet institut, les salariés français montrent un intérêt de plus en plus prononcé pour les couvertures collectives et souhaitent même que ce type de dispositif soit favorisé à l'avenir. Si 91% d'entre eux déclarent bénéficier d'une complémentaire santé, 56% des personnes interrogées étaient couvertes par le biais de leur société. L'intérêt croissant pour ces mutuelles est corroboré par une autre statistique: les personnes qui pouvaient choisir une complémentaire santé d'entreprise facultative mais qui ont préféré opter pour une couverture individuelle sont de moins en moins nombreuses (22% en 2006 contre 31% un an plus tôt).
Qu'est ce qui explique cette tendance? Deux facteurs principaux ressortent de l'enquête du Credoc. D'abord, le coût de la mutuelle négocié par l'entreprise est plus faible que celui des complémentaires proposées aux particuliers; ensuite, l'employeur prend en charge une partie des cotisations, en général entre 40 et 50%. Dans un contexte où la hausse des dépenses va invariablement entraîner une hausse des cotisations ou une baisse des remboursements de la Sécurité sociale, une mutuelle performante devient un élément d'incentive pour attirer ou retenir un salarié. «La complémentaire est désormais un élément de choix et de comparaison entre deux entreprises, au même titre que la voiture, le téléphone de fonction ou le Ticket restaurant», relève Caria Biette, chargée de clientèle entreprises chez Generali Assurances. Des domaines où les achats n'interviennent encore que de manière confidentielle. Le cas des mutuelles de santé pourrait évoluer dans les mois à venir.