Vers une éco-contribution du mobilier en fin de vie
Bonne nouvelle pour les responsables des services généraux et les acheteurs. La gestion de la fin de vie du mobilier d'entreprise ne devrait bientôt plus constituer un casse-tête. Explications.
Je m'abonneLa plupart du temps, les bureaux, chaises et armoires qui ont fait leur temps dorment dans des caves. Autre possibilité: les entreprises demandent au vendeur du mobilier neuf de reprendre l'ancien. «Nombre de fabricants proposent ce service, car cela entre dans leur politique de développement durable. Problème: il n'y avait pas de filières structurées ni pérennes», constate Jacques Albert, président de Valdelia. Généralement, les entreprises faisaient appel aux services d'opérateurs de déchets comme Veolia, Coved ou Sita. Ceux-ci facturaient l'enlèvement du mobilier et son recyclage dans les filières de traitement du bois, du plastique ou de la ferraille, comme n'importe quel déchet industriel.
Un décret paru le 6 janvier 2012, dans la foulée du Grenelle de l'Environnement II, change la donne. Le texte stipule que le metteur sur le marché, comprenez celui qui fait entrer le meuble sur le territoire national, est déclaré responsable de la fin de vie du mobilier. Il peut donc s'agir du fabricant, s'il est sur le territoire national, du distributeur, lorsque le meuble est importé de l'étranger, ou de l'entreprise, lorsque celle-ci commande en direct à des fabricants étrangers. Le décret fixe également pour la fin de l'année 2015 un objectif de réutilisation et de recyclage de 75 % pour les déchets d'ameublement professionnel, avec obligation pour les metteurs sur le marché de déclarer auprès de l'Ademe les tonnages mis sur le marché, ainsi que les quantités collectées et traitées. Des informations que devront leur fournir les entreprises qui seront sollicitées pour mettre en place des bases de données avec les références de produits mis sur le marché, les tonnages...
Marie April, Ademe
«La responsabilité des entreprises est engagée: c'est à elles d'identifier les produits susceptibles d'être réutilisés.»
Bientôt un éco-organisme
«Pour respecter cette obligation, explique Marie April, ingénieur en charge de la filière ameublement à l'Ademe, les metteurs sur le marché ont la possibilité de s'organiser individuellement, mais ils devront récupérer 100 % de ce qu'ils ont vendu et apporter au ministère de l'Environnement la preuve qu'ils ont respecté leur engagement. Ce système individuel est très contraignant et compliqué à mettre en oeuvre car il est très difficile de prouver que vous avez récupéré tous les meubles vendus il y a 10 ou 15 ans. » C'est donc la deuxième solution prévue par le décret qui est en train de s'imposer. En l'absence de système de collecte individuelle, les metteurs sur le marché ont l'obligation d'adhérer à un éco-organisme qui héritera de l'obligation de mise en oeuvre de la collecte et du traitement de 100 % des déchets de ses adhérents, mais aussi de 100 % des tonnages mis sur le marché.
Avant même la publication du décret, 13 membres du groupement des fabricants de mobilier de bureau (Arfeo, Buronomic, Clen, Delagrave, Eurosit, Haworth, Majencia, Smire, Sokoa, Souvignet, Steelcase, Tecnitol et Ulmann) ont pris les devants en créant fi n 2011 Valdelia, une société à but non lucratif qui ambitionne d'être labellisée éco-organisme à la fin de cette année, comme le confirme Jacques Albert. « Après une première période d'expérimentation, pendant laquelle nous avons effectué un certain nombre d'enlèvements tests en Ile-de-France et dans les Pays de la Loire, nous évaluons actuellement le coût de la reprise et du retraitement des mobiliers en fi n de vie pour déterminer le mode de calcul et le montant de l'éco-contribution qui sera payée par le consommateur final. L'objectif est qu'en juillet prochain, nous répondions à toutes les clauses du cahier des charges imposées par le ministère de l'Environnement pour obtenir le statut d'éco-organisme. Ce qui devrait nous permettre de commencer à travailler fin 2012. »
Privilégier le réemploi
Si le montant de l'éco-contribution n'est pas encore connu, le principe retenu est le même que pour les éco-contributions qui existent déjà dans l'audiovisuel ou l'électroménager. A chaque achat de mobilier, l'entreprise paiera une éco-contribution qui apparaîtra visiblement sur la facture. Celle-ci financera la filière de la collecte jusqu'au traitement, en reflétant des coûts sans marge pour Valdelia et ses adhérents. Les règles détaillées pour l'enlèvement du mobilier sont, elles, en cours de détermination pour la demande d'agrément. A priori, le propriétaire devra d'abord assurer le démontage. Pour les petits volumes inférieurs à 20 m3 et 2,4 tonnes, soit environ 16 postes de travail pour le mobilier de bureaux, il devra acheminer à ses frais les meubles sur le point de collecte le plus proche du lieu de détention. Au-delà de ce seuil, Valdelia mandatera un opérateur pour venir récupérer le mobilier au pied de l'immeuble, l'acheminer dans un centre de regroupement afin d'être ensuite démantelé, traité ou revalorisé.
Car le sort réservé au mobilier usagé dépend de son état. Si le mobilier est hors d'usage, il sera alors recyclé ou valorisé énergétiquement. Si, en revanche, il est réemployable, Valdelia l'orientera, conformément au principe de la REP (responsabilité élargie des producteurs) Déchets, vers un acteur de l'économie sociale et solidaire comme Emmaüs ou les Ressourceries. La structure se charge alors de lui donner une seconde vie. Le problème étant que ces derniers travaillent essentiellement sur le mobilier domestique, et n'ont probablement pas la capacité à absorber les tonnages importants de déchets émis par les entreprises. « Sur ce point, la responsabilité des entreprises est en tout cas engagée. C'est à elles d'identifier les produits susceptibles d'être réutilisés. Ce faisant, elles respecteront la hiérarchie imposée par la directive déchets qui prévoit dans l'ordre le réemploi, la réutilisation, le recyclage et la valorisation énergétique », conclut Marie April.
@ Imprimé sur du papier recyclé.
Michel Bonte, mairie des Pavillons-sous-Bois
Expérience
Une solution deux fois moins chère
Tous les ans, la mairie des Pavillons-sous-Bois doit gérer le retraitement des bureaux, chaises et armoires en fin de vie des huit écoles de la ville. « Lorsque j'ai découvert sur Internet la création de Valdelia, commence Michel Bonte, responsable du service Environnement, je les ai contactés pour leur demander s'ils pouvaient prendre en charge l'enlèvement, les meubles à récupérer étant stockés dans les caves de deux écoles, à la mairie et à la déchetterie. » Après avoir fourni à Valdelia la liste du mobilier à enlever, soit un volume de 3,5 tonnes, un consultant de Valdelia s'est rendu sur place pour donner quelques consignes de tri et établir un devis. Quelques semaines plus tard, ce sont les équipes d'Emmaüs et des ateliers du Bocage qui sont venus enlever les encombrants afin de les trier et de les réaffecter au réemploi ou au recyclage.
« Cette solution est très intéressante, estime Michel Bonte. En plus de donner un coup de pouce aux entreprises d'insertion, elle coûte au moins deux fois moins cher que le dispositif habituel. Auparavant, nous devions louer une benne, faire appel à un collecteur privé et payer le coût du traitement. » Michel Bonte attend la mise en place de l'éco-contribution, système qui, selon lui, a fait ses preuves. « Je travaille avec d'autres éco-organismes pour les piles, les lampes... cela se passe très bien », conclut-il.