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Renseignements financiers, un achat à double emploi

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La gestion du risque nécessite une base de données à jour sur la situation économique et financière de ses fournisseurs. Si les achats font appel à des prestataires pour évaluer ces partenaires, ils peuvent aussi être sollicités par les services internes pour rédiger des appels d'offres.

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Du jamais vu depuis 1998. L'année dernière, les défaillances des entreprises françaises ont atteint un niveau record, avec près de 49400 sociétés en redressement ou en liquidation judiciaire. Un chiffre en hausse de 5%, comme l'a révélé la dernière étude d'Altares. Le risque potentiel de retards de paiement ou de livraison est donc en augmentation pour les clients ou fournisseurs de ces entreprises. Dans ce contexte, la gestion du risque accroît la nécessité de se procurer des renseignements économiques, financiers ou commerciaux. Il peut s'agir d'informations basiques (bilan de la société, nom du dirigeant, coordonnées...) ou, plus rarement, d'enquêtes ciblées afin de vérifier, par exemple, une rumeur de redressement judiciaire.

Si la première ressource est interne (commerciaux en relation quotidienne avec un client, etc.), il est aussi courant de recourir aux services de prestataires spécialisés. Coface, Altares, Pouey International, Kompass, pour ne citer qu'eux, sont les plus connus, mais il existe aussi une myriade de plus petits opérateurs. Des prestataires auxquels les acheteurs ont l'habitude de recourir pour la constitution et la mise à jour de leurs bases de données fournisseurs. «Les services achats sont des clients, même s ils peuvent passer par le service documentation pour acheter ce type de prestation», témoigne Eliette Frances, commerciale chez Kompass. Les entreprises sont notamment intéressées par les dernières tendances afin de contenir le risque ou d'affiner leur politique de vente ou d'achats: tension de trésorerie, perte ou enregistrement d'un privilège de la Sécurité sociale, fragilisation après la perte d'un gros client, etc. «De nombreuses sociétés nous demandent aussi des informations sur leurs concurrents», confie Bertrand Lacampagne, président du directoire de Pouey International.

@ PHOTODISC/CD

Des informations utiles pour les achats

Quand ils achètent des renseignements sur leurs fournisseurs, les acheteurs suivent une double logique. Celle de la gestion du risque, tout d'abord. Il s'agit de prévenir les ruptures dans la chaîne d'approvisionnement de l'entreprise. «La première crainte est qu'un fournisseur défaillant mette en péril la production de la société», résume Emmanuel Robert, directeur marketing d'Altares. Les services achats sont aussi dans une logique de gestion de panel. Ce point concerne aussi bien la rationalisation dudit panel que du sourcing. Les achats ciblent en priorité les fournisseurs stratégiques et ceux de moindre surface financière car plus risqués. «Les acheteurs veulent savoir de qui ils dépendent et attendent notamment une vision consolidée des liens capitalistiques entre leurs fournisseurs», explique Emmanuel Robert. Cela leur permet, ensuite, d'orienter leur sourcing: ils peuvent soit sourcer de nouveaux fournisseurs qui n'ont pas de liens capitalistiques entre eux pour ne pas créer de dépendance, soit se tourner vers d'autres partenaires, plus sains financièrement. «Désormais, les achats prennent systématiquement des informations commerciales sur les fournisseurs», constate Corinne Faisant, responsable commerciale chez Afreco.

Les acheteurs peuvent aussi être sollicités en interne, par la direction commerciale ou le service marketing. Dans ce cas de figure, un certain seuil doit être atteint pour justifier le recours aux achats. «Les appels d'offres sont rarement émis pour les marchés inférieurs à 100000 Euros», constate Emmanuel Robert (Altares). En dessous de ce seuil, les services internes gèrent généralement en direct ce type d'achats avec leurs prestataires traditionnels. Le recours aux acheteurs peut être également motivé par la volonté de faire baisser les prix d'une prestation qui peut vite enfler: entre la fourniture d'une donnée financière basique (20 Euros) et une enquête sur mesure (90 Euros pour une prestation en France), la différence est notable. «Dès qu'ils interviennent, les achats négocient systématiquement le prix», observe Eliette Frances (Kompass).

Eliette Frances, Kompass

«Dès que les achats interviennent, ils négocient systématiquement le prix des prestations.»

Des renseignements qui se «périment» vite

Pour répondre à cette demande grandissante d'informations, l'offre des prestataires s'étoffe sans cesse et va du renseignement package au sur-mesure. Quant au périmètre, il peut être mondial avec une attention particulière portée aux entreprises du Bric (Brésil, Inde et Chine). L'achat d'informations est d'autant plus utile que celles-ci se «périment» vite. Le premier semestre est, en effet, rythmé par la publication des bilans. «Certains clients travaillent parfois avec des chiffres vieux de deux ans, indique Bertrand Lacampagne (Pouey International). Il est donc nécessaire pour les entreprises de réactualiser leur base de données et de se tenir au courant des dernières tendances, dans un contexte économique et financier très volatil.»

La fraîcheur des informations est, par exemple, au coeur des préoccupations de Pierre Rebière, crédit manager chez Rhodia. «Pour prendre la meilleure décision, nous ne pouvons nous appuyer sur des données peu récentes, voire obsolètes», résume-t-il. Rhodia recourt donc parfois aux enquêtes standards d'un prestataire, «afin de disposer des données financières récentes resituées dans leur contexte, avec vérification auprès des tribunaux de commerce, etc.». Une enquête peut parfois aider à se forger un avis sur la stratégie d'une entreprise, une rumeur, et étayer les informations remontées du terrain. «Pour ces enquêtes, le délai standard est de deux jours alors que nous ne disposons pafois que de quelques heures, regrette Pierre Rebière. L'objectif est alors de récupérer des bribes d'informations, que nous conforterons dans notre décision, plutôt que d'écrire un rapport complet.»

Corinne Faisant, Afreco

«De plus en plus d'entreprises nous demandent de vérifier des rumeurs.»

Trois critères pour évaluer une enquête

En termes de critères d achats, plusieurs éléments entrent en ligne de compte. Les appels d'offres concernant les achats de base de données sont assez classiques. Le prix est souvent le premier critère de choix. Les entreprises effectuent généralement un rapide comparatif des fournisseurs. En revanche, il est plus difficile d'évaluer les prestataires d'enquêtes sur-mesure. Ce type d'étude permet d effectuer un tour d'horizon complet où apparaissent pêle-mêle: les données financières, l'âge du dirigeant, la politique commerciale, le type d'organisation, le portefeuille client, le respect des délais de livraison, etc. Selon Corinne Faisant (Afreco), la qualité d'une enquête repose sur trois facteurs. Le premier est la fraîcheur des informations. «Les clients qui ont V habitude de commander ces études savent quelles prennent du temps. Une enquête de premier niveau sur la solvabilité d'un nouveau client ou fournisseurs nécessite 72 heures en moyenne», precise-t-elle. Mieux vaut donc anticiper ce besoin et prévoir un laps de temps minimum avant de recourir au prestataire, même si certaines enquêtes peuvent parfois être bouclées en quelques heures.

Le second facteur est celui de la précision de la réponse apportée. Pour cela, la question posée doit être claire afin que le prestataire concentre ses recherches sur un domaine particulier. «Déplus en plus d'entreprises nous demandent, par exemple, de vérifier des rumeurs, mais sans donner plus d'informations», regrette Corinne Faisant (Afreco). Troisième critère: la restitution de l'enquête. Qu'elle soit papier ou web, elle doit être rédigée avec clarté et resituer les informations dans leur contexte. Sur ce point, l'organisation des prestataires peut aussi donner des indices sur la qualité de l'étude. Quelques éléments peuvent être auscultés par les achats: le niveau linguistique des enquêteurs, la sous-traitance ou non des enquêtes à l'étranger, etc.

Contrairement aux idées reçues, les destinations exotiques ne sont pas les plus problématiques en termes de recueil d'informations. «Il est parfois plus compliqué d'accéder aux informations sur les entreprises aux Etats-Unis qu'en Inde», témoigne Bertrand Lacampagne (Pouey International). Autre pays unanimement réputé difficile: l'Allemagne où, en violation de l'obligation légale, peu de sociétés publient leur bilan, préférant payer une amende. La France ou la Suède sont, en revanche, plus faciles à aborder. Dans l'Hexagone, six millions d'entreprises sont inscrites au registre du commerce. Près de 850000 d'entre elles publient leur bilan de l'année écoulée. Un chiffre considéré comme satisfaisant par les prestataires.

Franck Cazenave, Global Stratégie Purchasing manager, Bosch

Franck Cazenave, Global Stratégie Purchasing manager, Bosch

Témoignage
«Face au coût des enquêtes, nous devons choisir quels fournisseurs évaluer»

La division Châssis System Brakes de Bosch dispose d'une grande maturité en matière d'achats de renseignements économiques et financiers. En effet, depuis près de dix ans, les acheteurs ont accès à une base de données sur la santé financière de leurs fournisseurs.
Cette base contient au minimum le bilan annuel de l'entreprise. Pour disposer d'informations intéressant plus directement les achats, Bosch étoffe ces données par un rating de la solvabilité et de la solidité financière de certains fournisseurs. Pour Franck Cazenave, Global Stratégie Purchasing manager, le postulat est clair: «Dans les grands groupes comme le nôtre, ce suivi est très lourd. Il peut s'avérer aussi très cher. C'est pourquoi nous devons choisir, parmi tous nos fournisseurs, ceux que nous souhaitons évaluer.»
Plusieurs critères entrent en ligne de compte, comme la rareté des pièces fournies, le degré de dépendance technologique ou encore le nombre de fournisseurs présents sur le marché. Selon Franck Cazenave, le degré de risque est également induit par la taille du fournisseur. «Si le chiffre d'affaires de ce dernier est supérieur au nôtre, s'il est coté en Bourse et donc tenu de publier ses chiffres, les risques financiers sont très limités. En conséquence, nous demandons plutôt des renseignements sur les fournisseurs de petite taille, plus exposés à ce type de risques.»
Quand un fournisseur se trouve en difficultés financières, le suivi peut être très poussé. Les achats prennent alors la situation en main, «par exemple pour rencontrer le repreneur et s'informer sur son plan de reprise ou de continuation». Le degré d'implication des achats dépend alors du volume du chiffre d'affaires réalisé auprès de ce fournisseur. Les achats mènent également leur propre travail de veille. Par exemple, les PME et les fournisseurs avec lesquels la Division Châssis System Brakes est engagée à long terme ont l'obligation contractuelle de fournir leur bilan.


La fiche
Bosch - division Châssis System Brakes
ACTIVITE
Equipementier automobile
CHIFFRE D'AFFAIRES 2007
2,3 milliards d'euros
EFFECTIF
9500 salariés
EFFECTIF ACHATS MONDE
250
MONTANT DES ACHATS 2007
environ 1 milliard d'euros

David Lapitz, manager achats supports, Club Méditerranée

David Lapitz, manager achats supports, Club Méditerranée

Témoignage
«Nous pouvons approfondir les informations communiquées par nos fournisseurs»

Au Club Méditerranée, la direction achats et logistique gère les prestations de renseignements économiques, financiers et commerciaux pour son propre compte et celui de clients internes (informatique, RH, marketing...) présents au sein du groupe ou de ses filiales. «Ce service d'analyse de santé financière nous permet d'approfondir et de vérifier les informations communiquées par les fournisseurs, explique David Lapitz, manager achats supports chez Club Méditerranée. Nous pouvons ainsi évaluer de manière objective le risque lié à une entrée en relation ou au développement de notre chiffre d'affaires avec l'un d'eux.» Les résultats des études sont ensuite intégrés dans la définition et la mise en place de la politique achats. Il y a trois ans, Club Méditerranée a signé un contrat cadre avec Coface ORT. «Nous sommes abonnés à leurs services, c'est-à-dire que le paiement est fonction de la consommation effective», détaille le manager achats. Outre le prix, le choix de ce prestataire a été guidé par la qualité de couverture des enquêtes, l'ergonomie du site web, où sont accessibles, les résultats et les fonctionnalités proposées.


La fiche
Club Méditerranée
ACTIVITE
Tourisme
CHIFFRE D'AFFAIRES 2007
1,727 milliard d'euros
EFFECTIF
18000 salariés
MONTANT DES ACHATS 2007
1,2 milliard d'euros
EFFECTIF ACHATS ET DIRECTION LOGISTIQUE
75 personnes (monde)

 
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Florent Maillet

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