Quand les acheteurs s'invitent dans l'univers du marketing services
Parmi les achats immatériels, le marketing services représente une famille incontournable. Pourtant, peu de services achats interviennent dans cet univers complexe et souvent méconnu, de l'aveu même des agences.
Je m'abonneLa notion de marketing services est floue. Elle l'est pour les spécialistes du marketing et encore plus pour les acheteurs qui n'ont, en général, qu'une connaissance limitée de ce type de prestations. « Nous reconnaissons que la terminologie est assez vague. Nous travaillons d'ailleurs à une clarification », indique Jérôme Toucheboeuf, vice-président de la délégation marketing services de l'Association des agences conseils en communication (AACC). Conscientes que la notion de marketing services est abstraite pour les non-initiés, certaines agences cherchent, d'ailleurs, de nouvelles appellations. Chez ETO, par exemple, on parle désormais de marketing client. « Le marketing services, c'est le management de la relation client », résume ainsi Laurent Dunkelmann, directeur général d'ETO.
Multiplicité des outils et des offres
Pour schématiser, ces agences se chargent de gérer l'ensemble des relations d'une marque avec les consommateurs. « Ce qui rend notre activité difficile à cerner, c'est la multiplicité des outils que nous avons à notre disposition pour faire participer un client à la vie d'une marque », reprend Jérôme Toucheboeuf (AACC). En effet, les agences de marketing services s'appuient aussi bien sur le papier, le Web, les animations dans les points de vente, la gestion de mailing que sur des campagnes d'affichage, ou encore sur la création et le déploiement de programmes de fidélisation pour ne citer qu'eux. Mais quel que soit le canal utilisé, le marketing services répond à un seul objectif : optimiser les relations entre une marque et ses clients, ceux qui le sont déjà et ceux susceptibles de le devenir.
Les services proposés par ces agences peuvent être divisés en trois catégories. Tout d'abord, les conseils d'ordre stratégique. Il s'agit de missions définissant des recommandations multicanal pour conquérir ou fidéliser des clients. Ensuite, les prestations directement liées à la connaissance du client (via notamment la gestion des bases de données). Celles-ci doivent permettre une segmentation pertinente d'un marché et des consommateurs pour mesurer l'efficacité de la stratégie déployée. Enfin, les agences de marketing services peuvent être en charge de la réalisation et de la logistique des opérations définies lors de la phase de conseil. « Une agence de marketing services est un dispositif de mix marketing qui se veut un activateur du business, synthétise Antoine Jacquet, directeur du développement de l'agence Vaudoo. En quelques années, cette mission a considérablement évolué, gagnant en ampleur et en profondeur. »
Jusqu'à présent, les directions marketing ont toujours eu la mainmise sur le choix d'une agence de marketing services. Aujourd'hui, quelques services achats opèrent dans cette catégorie de dépenses pour optimiser le budget des directions marketing. Une intervention qui n'est pas toujours très bien vécue. Les acheteurs ont, en effet, la réputation de ne s'intéresser qu'au coût des prestations et non à la qualité. « Avant de négocier un prix, il faut réaliser une évaluation qualitative du service proposé par l'agence. Or cette estimation ne peut être effectuée que par des experts métier », estime Jérôme Toucheboeuf (AACC).
Cela dit, certaines agences reconnaissent, aujourd'hui, le rôle et l'implication des acheteurs. « Ils ont acquis une réelle maturité sur le marché des agences, précise Antoine Jacquet (Vaudoo). Et ils savent maintenant regarder au-delà du critère budgétaire. »
Laurent Dunkelmann, ETO
«Pour bien travailler, il faut pouvoir prendre du recul sur les opérations lancées. Une marque ne peut bâtir une vraie relation avec ses clients sur un one shot !»
Décomposition des coûts des agences
Chez Maaf Assurances, par exemple, un comité de pilotage rassemble trois chargés de projet marketing, un responsable du service achats et un responsable juridique. « Ce travail d'équipe est essentiel », indique Jean-Gaël Crenn, responsable des achats généraux chez Maaf Assurances. Le plus délicat consiste, bien sûr, à faire correspondre les objectifs de chaque direction. Pour le service achats, le but est de vérifier que le prix proposé par les agences, eu égard à la qualité du projet, coïncide aux standards du marché. Jean-Gaël Crenn utilise donc deux outils classiques pour un acheteur : la décomposition des coûts et une grille de notation évaluant l'offre de chaque agence de marketing services d'un point de vue qualitatif et financier. « Nous insistons pour que les agences détaillent au maximum le contenu de leurs prestations », souligne-t-il. Ainsi, il est demandé lors des appels d'offres de préciser son coût réel pour chaque poste d'un projet (rédaction, maquette, impression, diffusion, etc.). « Les agences, comme les chargés de projet en interne, redoutaient cette exigence. Finalement, l'accueil s'est révélé positif. Cela permet, en effet, de mieux cadrer le travail de chacun et de gagner du temps », se félicite le responsable achats.
Au-delà de l'aspect financier, les spécialistes du marketing services s'accordent à dire que la durée de la coopération entre l'agence et le donneur d'ordres est fondamentale. « Le choix d'une agence doit s'effectuer sur le long terme, rappelle Laurent Dunkelmann (ETO). Une marque ne peut bâtir une vraie relation avec ses clients sur un one shot ! » Ainsi, chez ETO, la durée moyenne de collaboration avec un client est de sept ans. En effet, plus la marque et l'agence travaillent ensemble, plus la relation est efficace et le retour sur investissement susceptible d'être fort. Une considération que les services achats intègrent parfaitement, comme chez Maaf Assurances. « Le rôle des achats est surtout de vérifier que les listes de prestataires et la qualité des services fournis sont toujours au rendez-vous par rapport au cahier des charges. Aux chefs de projet marketing de gérer le quotidien », témoigne Jean-Gaël Crenn. Preuve que si les rôles sont bien définis, l'intervention des achats est tout à fait légitime.
Jérôme Toucheboeuf, AACC
« Ce qui rend notre activité difficile à cerner, c 'est la multiplicité des outils que nous avons à notre disposition pour faire participer un client à la vie d'une marque. »