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Propreté: deux prestataires valent-ils mieux qu'un seul?

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Pour les acheteurs, la globalisation ne doit pas être un réflexe. La technique de l'allotissement, qui consiste à découper un appel d'offres en plusieurs lots et à les attribuer à des prestataires différents, peut être ainsi utilisée en matière de propreté. En particulier dans les entreprises où les établissements sont très distants géographiquement les uns des autres.

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@ ISS Propreté

Pour un certain nombre d'acheteurs, la proximité avec le prestataire est l'un des critères les plus importants lors d'un appel d'offres, tout particulièrement lors de l'achat d'une prestation de propreté. Et, plutôt que de recourir à un seul fournisseur pour l'ensemble des sites de l'entreprise, ces derniers préfèrent répartir l'appel d'offres en plusieurs lots avec, le cas échéant, plusieurs prestataires. Encore faut-il se trouver sur un marché concurrentiel. Depuis deux ans, un vent de concentrations souffle sur l'univers des services aux entreprises. Et à première vue, la propreté ne fait pas exception. L'exemple le plus parlant est sans doute le groupe ISS, dont la filiale Propreté rachète à tour de bras des prestataires locaux. Depuis le début de l'année, pas moins de quatre entreprises de propreté ont ainsi rejoint le giron d'ISS France: Prestanet, SMP (Société moderne de propreté), Morel Nettoyage en février, et plus récemment THP (Techniques hygiène et propreté), en avril dernier. Au total, ISS Propreté emploie plus de 30 000 salariés et réalise un chiffre d'affaires annuel de 543 millions d'euros. Ses équipes interviennent sur tout le territoire national. L'acquisition de THP, société basée en Alsace et en Franche-Comté, permet par exemple à ISS Propreté de renforcer sa présence dans cette région. Dans un contexte où quelques grands groupes acquièrent leurs concurrents dès que l'opportunité se présente, le critère de la proximité, cher à certains acheteurs, ne risque-t-il pas, à terme, d'être remis en cause? Pas tout à fait. Tout d'abord, le marché de la propreté reste animé par une multitude de sociétés. Selon la Fédération des entreprises de propreté (Fep), le secteur compte environ 14 800 entreprises, qui réalisent plus de 7,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires et emploient 385 400 salariés. Lors d'un appel d'offres, les acheteurs peuvent donc facilement faire jouer la concurrence et permettre à des prestataires locaux de participer. Dans la pratique, il s'avère néanmoins que 48 % du chiffre d'affaires de la profession est réalisé par les entreprises de plus de 500 salariés. Pour la Fep, ce constat souligne la bipolarité du secteur, avec d'un côté une tendance à la concentration entre les grandes et les moyennes entreprises, et de l'autre le maintien d'un important tissu, qualifié d'artisanal. En outre, le critère de proximité reste d'actualité, puisque lors d'un rachat, le personnel est repris par l'acquéreur. Il en va de même lorsqu'un prestataire perd un contrat. En effet, une particularité de la convention collective du secteur de la propreté garantit l'emploi des salariés affectés à un marché en cas de changement de prestataire. Ainsi, tous les agents de propreté sont transférés de l'entreprise qui les employait à celle qui obtient le nouveau marché.

Si les cabinets de réduction de coûts sont les chantres de la globalisation et conseillent de ne s'adresser qu'à un seul prestataire, les acheteurs peuvent également trouver leur compte en allotissant leur appel d'offres. Cette technique est par exemple utilisée par Aéroports de Paris (ADP) en matière de nettoyage. «Il n'est pas rare de voir des grandes entreprises recourir à plusieurs prestataires pour diminuer les risques sociaux», témoigne Norbert Morvan, directeur général adjoint de la division Propreté multiservice du groupe Onet. En effet, lorsqu'une entreprise s'adresse à un seul prestataire pour l'ensemble de ses sites, une grève des agents de propreté et le blocage qui s'en suit peuvent vite s'avérer problématiques. «Avec plusieurs prestataires, le donneur d'ordres bénéficie d'une plus grande souplesse et peut également faire jouer la concurrence, ajoute Norbert Morvan. Au final, cela permet de garantir, voire d'améliorer constamment la qualité de la prestation.» De même, certains sites demandent une spécialisation, en particulier dans l'industrie (agroalimentaire, nucléaire, etc.) et la santé. Dès lors, il peut être risqué pour l'acheteur de ne s'adresser qu'à un seul prestataire, même s'il prétend être multicarte.

DOMINIQUE BOULET, responsable des achats généraux, CNP Assurances.

DOMINIQUE BOULET, responsable des achats généraux, CNP Assurances.

Témoignage

«Grâce à l'allotissement, nous nous gardons le droit d'attribuer un marché à un autre fournisseur»

A la fin de l'année dernière, la CNP Assurances a complètement revu sa politique d'achats pour les prestations de propreté. Auparavant, chaque entité du groupe traitait localement avec un seul prestataire. En 2006, la direction achats a décidé de passer un appel d'offres national pour l'ensemble des sites de l'entreprise, soit près de 70000 m2 de bureaux répartis dans toute la France. Cela dit, l'appel d'offres était divisé en neuf lots, en fonction de l'importance de telle ou telle implantation régionale. Par exemple, les sites du bassin parisien, 47000 m2 au total, représentaient un lot. «Notre objectif était de recourir à un seul prestataire pour l'ensemble des sites mais, grâce à cet allotissement, nous nous gardions le droit d'attribuer un marché à un autre fournisseur», précise Dominique Boulet, responsable des achats généraux à la CNP Assurances. Au terme de l'appel d'offres, un seul fournisseur sera finalement retenu pour les neuf lots. La CNP ne souhaite pas communiquer son nom. Elle réalise ainsi une économie de 30% sur un marché estimé à un million d'euros par an.
L'absence supposée de proximité n'a pas joué. «Si nous avions dénoncé les contrats en cours à la date anniversaire, le nouveau prestataire avait l'obligation de reprendre le personnel en place sur chaque site, ce qui assurait la continuité de la prestation», explique Dominique Boulet. Idem pour le risque de blocage social en recourant à un seul fournisseur. «Etant donné que nous avons basé notre choix sur l'offre la mieux disante et non sur la moins chère, le risque nous paraissait limité. De plus, le prestataire s'est engagé sur un service minimum», indique Dominique Boulet. En revanche, la relation contractuelle a complètement changé. En effet, la CNP Assurances a profité de cet appel d'offres pour passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat. Le découpage en plusieurs lots prend ici toute son importance. «Au bout de trois rapports négatifs sur un même site, nous pouvons résilier sans indemnité le contrat et retenir un autre prestataire», avertit Dominique Boulet. La CNP préfère sans doute assurer ses arrières.

CNP Assurances

- ACTIVITE: Filiale de la Caisse des dépôts spécialisée dans l'assurance des personnes (épargne, retraite, risque/prévoyance).

- CHIFFRE D'AFFAIRES 2006: 32,56 milliards d'euros.

- EFFECTIF: 2800 personnes.

Ne pas hésiter à allotir

La technique de l'allotissement est particulièrement conseillée lorsque les différents sites de l'entreprise se situent dans des régions éloignées géographiquement. «Si les locaux se trouvent non loin les uns des autres, la mutualisation des moyens est un levier évident, note Christophe Fillon, directeur du pôle frais généraux du cabinet de conseil Lowendal group. L'entreprise s'adresse à un seul interlocuteur et la relation contractuelle s'en trouve simplifiée. En revanche, si les sites sont éclatés, il est préférable de passer un appel d'offres au niveau local et de retenir, si l'entreprise y trouve un intérêt, des prestataires différents qui auront fait jouer la carte de la proximité.» Dans le même ordre d'idées, un prestataire national n'aura pas nécessairement le même niveau de qualité dans le Nord-Pas-de-Calais qu'en Provence-Alpes- Côte-d'Azur. «Les entreprises de propreté, qui se sont développées par croissance externe, ne maîtrisent pas toujours l'ensemble des services. L'amalgame se révèle parfois difficile et les synergies peu évidentes», rappelle Christophe Fillon.

Que l'acheteur envisage de lancer un appel d'offres global ou d'utiliser la technique de l'allotissement, la rédaction du cahier des charges repose sur les mêmes principes.

JACQUELINE TATON, responsable des frais généraux, Sogefi.

JACQUELINE TATON, responsable des frais généraux, Sogefi.

Témoignage

«Il est plus difficile de négocier avec de petits fournisseurs car ils ont rapidement le couteau sous la gorge»

En France, le groupe Sogefi possède près de 14 sites différents: un siège social dans les Yvelines et des usines sur tout le territoire (Normandie, Loire-Atlantique, Bretagne, Aveyron, etc.). Il y a trois ans, lorsqu'elle prend en main le dossier propreté, Jacqueline Taton, responsable des frais généraux, constate que le groupe utilise les services de cinq prestataires différents. Afin de réaliser des économies, elle décide de lancer un appel d'offres pour l'ensemble des sites. «L'objectif était de négocier un accord-cadre national avec un seul prestataire», explique Jacqueline Taton. Donc pas d'allotissement. De ce fait, un certain nombre d'acteurs locaux se sont vu exclus de l'appel d'offres. «Il est plus difficile de négocier avec des petits fournisseurs car ils ont rapidement le couteau sous la gorge et ne sont pas multicartes, détaille Jacqueline Taton. Or, nous recherchions à la fois un prestataire européen, avec la perspective d'étendre notre accord-cadre dans les autres pays où le groupe est présent, et un spécialiste de la propreté, qui soit également capable de nous apporter d'autres services.»
Le cahier des charges s'est voulu le plus précis possible, avec une attention particulière à la politique sociale des candidats. Visiblement, le prix n'était pas une obsession. «Bien entendu, nous ne perdions pas de vue le coût de la prestation. Mais, à partir du moment où la description de notre besoin est très pointue, le prix découle tout seul. Nous savons qu'une prestation avec un prix cassé n'a qu'une durée de vie limitée.
L'objectif est de trouver le juste équilibre», conclut Jacqueline Taton. Le marché a finalement été remporté par ISS Propreté. De son côté, le groupe Sogefi a réalisé 10% d'économie sur cette famille d'achats.

Retenir le prestataire le plus clean

Dans un premier temps, l'entreprise définit son besoin. En matière de propreté, le donneur d'ordre doit ainsi fournir aux prestataires qui souhaitent participer à l'appel d'offres le descriptif des surfaces, par typologie de locaux (bureaux, usines, restaurant d'entreprise...) et par nature de sol (moquette, stratifié, béton...). Bien entendu, la superficie entre en ligne de compte, mais ce n'est pas le point le plus important pour un fournisseur. Mieux vaut se tromper de quelques m2 dans un cahier des charges que de revêtements de sols. «Plus l'acheteur parlera un langage métier, plus le prestataire sera en mesure de lui proposer une offre qui correspondra à son besoin et au résultat attendu», précise Christophe Fillon. Ensuite, le donneur d'ordres doit préciser les contraintes d'exploitation du ou des différents sites (horaires d'ouverture et de fermeture des locaux, consignes de sécurité, disponibilité des locaux pour ranger ou non le matériel, etc.).

Face à ce cahier des charges, la tendance des acheteurs est de passer aujourd'hui des contrats avec obligation de résultat, et non plus avec obligation de moyens, comme c'était le cas auparavant. Ce type de contrat est plus difficile à gérer et suppose de mettre en place des systèmes de contrôle qualité relativement importants. Pour Christophe Fillon, cette tendance est pernicieuse: «C'est une façon très optimiste de lancer des appels d'offres! Une prestation de propreté repose avant tout sur des études de faisabilité technique et humaine, et donc sur des moyens. Il est plus pertinent de s'intéresser, par exemple, aux cadences de travail mises en place par le prestataire.»

Dont acte!

Concernant enfin les critères de sélection du ou des fournisseurs, comme pour toute prestation de service, l'offre la mieux disante doit être privilégiée. Le prix n'est pas le seul critère, d'autant que la marge de négociation est relativement mince. En effet, si l'on décompose le coût d'une prestation de nettoyage, la masse salariale représente 75 % du prix de revient de la dite prestation (source Insee). L'acheteur devra se méfier d'une proposition anormalement basse. Parmi les autres critères de sélection, les références («dans la même région», précise Christophe Fillon), la démarche qualité, le respect de l'environnement, l'encadrement et enfin la capacité du prestataire à proposer et apporter de nouveaux services doivent permettre au donneur d'ordres de retenir le prestataire... le plus clean.

Norbert Morvan, Onet

«Il n'est pas rare de voir des grandes entreprises recourir à plusieurs prestataires pour diminuer les risques sociaux.»

 
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Sébastien de Boisfleury

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