Priorité à la sécurité des voyageurs d'affaires
Instabilité politique, actes de terrorisme, catastrophes naturelles... Les voyages à l'étranger comportent parfois des risques. Depuis quelques années, bon nombre d'entreprises ont pris conscience de l'importance de garantir la sécurité de leurs salariés lors de leurs voyages d'affaires. Une tendance qu'ont intégrée les voyagistes.
Je m'abonneRéférencement de compagnies aériennes, réservation en classe économique, préconisation du rail, etc. Les entreprises affinent de plus en plus leur politique voyages, à la recherche d'économies potentielles. Un critère échappe néanmoins à cette logique de réduction des coûts: la sécurité. Depuis le 11 septembre 2001 et la vague d'attentats qui a suivi, les entreprises ont pris conscience que même les destinations traditionnellement sûres ne l'étaient plus et que les voyageurs d'affaires pouvaient devenir une cible potentielle. «Ces attaques ont sensibilisé les entreprises à la sécurité de leurs collaborateurs mais aussi à la notion de contrôle et de gestion des destinations à risques», relève Laurence Segala, directrice des ventes de BCD Travel, une agence de voyages d'affaires.
Si outre-Atlantique, bon nombre de firmes américaines ont instauré, dès 2001, des mesures drastiques pour assurer la sécurité de leurs voyageurs d'affaires, les entreprises européennes ont mis un plus d'un an avant de prendre sérieusement en compte ce facteur. «Aux Etats-Unis, la sécurité des voyageurs d'affaires est une priorité dans la politique voyages des entreprises. En Europe, elle est encore secondaire», souligne Peter Brady, viceprésident Traveler & Transaction Services chez Carlson Wagonlit Travel. «La série d'attentats qui a touché les Etats-Unis, puis d'autres pays nous conduit à porter une attention particulière à la sécurité de nos collaborateurs, plus spécifiquement lors de leurs déplacements», témoigne ainsi Jérôme Drevon-Barreaux, travel manager de Capgemini et président européen de l'Association of Corporate Travel Executives (Acte).
En France, le phénomène gagne du terrain depuis trois ans. Afin de répondre à ce besoin, les agences de voyages proposent de nouveaux services: localisation en temps réel, cartographie des pays à risques, cellules de crise, (in)formation des collaborateurs, etc. «Le suivi des destinations à risque et la gestion de crise sont de plus en plus demandés. Jusque-là, ces services restaient optionnels», indique Laurence Segala (BCD Travel). S'inspirant des prestations fournies dans d'autres pays, les agences ont travaillé sur une offre adaptée au marché français où les voyages en avion sont moins fréquents mais les destinations plus «exotiques». «Il nous a fallu près de deux ans pour mettre sur pied notre offre», reconnaît aujourd'hui Régis Chambert, viceprésident et directeur général Europe de l'Ouest d'American Express.
PHILIPPE COULLARD, directeur achats, Otis France
Témoignage
«En cas d'incident, un e-mail nous rassure»
La sécurité des salariés est l'un des piliers de la politique d'achats de voyages d'Otis France. Après le 11 septembre 2001, «notre première réaction a été de restreindre de 20 à 30% le nombre de voyages d'affaires au profit de la visioconférence, confie Philippe Coullard, directeur achats du fabricant d'ascenseurs. Même si nous continuons de privilégier ce canal, certains métiers nous imposent, de par leurs spécificités, de voyager régulièrement.» Le compromis a donc été de veiller à la sécurité des collaborateurs lors de leurs déplacements. «Nous déployons actuellement un outil de réservation en ligne pour optimiser la gestion et le coût des voyages, ce qui nous permet également de suivre nos voyageurs. Nous avons, de ce fait, la possibilité de connaître les déplacements prévus au sein de notre structure. En cas d'incident, nous sommes contactés immédiatement par notre prestataire qui assure pour nous une veille sécuritaire.» Une fois sur place, le collaborateur est suivi en temps réel. Autre aspect cher à la société: donner la possibilité aux voyageurs d'être connectés à la vie de l'entreprise via des solutions 3 G et Blackberry. «L'idée est de rester en contact avec nos collaborateurs même s'ils sont physiquement absents de la société, indique Philippe Coullard. Ils peuvent ainsi travailler et recevoir des informations comme s'ils n'avaient pas quitté leur bureau. Et en cas d'incident, ils peuvent nous envoyer un e-mail pour nous rassurer.»
Otis France
- ACTIVITE: fabrication, installation et maintenance d'ascenseurs
- CA 2006: 1,1 milliard d'euros
- EFFECTIF: 5 800 salariés
Localiser les voyageurs en temps réel
Dans l'esprit de bon nombre de travel managers, assurer la sécurité des voyageurs revient à localiser leurs collaborateurs en toutes circonstances. «Depuis l'an dernier, nous subissons de plus en plus de pression de la part de nos clients pour obtenir le maximum d'informations», explique Régis Chambert. Une demande justifiée par les risques d'attentats mais aussi l'exposition aux catastrophes naturelles, notamment depuis le drame du tsunami en Asie du Sud en 2004. Ainsi, l'interfaçage du système d'informations de l'entreprise avec le logiciel de gestion des voyages du prestataire est l'une des opérations les plus demandés. En partageant la même base de données, la remontée des informations en cas d'incident ne prend que quelques minutes. Et les voyageurs sont localisés en temps réel. Les objectifs poursuivis sont divers. Il s'agit, par exemple, de savoir combien de collaborateurs sont à bord d'un vol, d'être averti de leur moindre déplacement sur place ou encore de les joindre à leur hôtel. Illustration avec Capgemini: «En cas de grèves ou de manifestations inattendues dans un pays, nous souhaitons contacter rapidement nos collaborateurs pour les prévenir», rapporte Jérôme Drevon-Barreaux.
Pour offrir ce niveau d'information, les agences de voyages sont en contact permanent avec certaines organisations gouvernementales, comme les ambassades ou les consulats. A cela s'ajoutent des équipes d'experts sur place qui se chargent de faire remonter les informations aux prestataires. «Les menaces sont en constante fluctuation, rappelle Laurence Segala (BCD Travel). L'évaluation des risques est donc permanente, qu'il s'agisse d'un pays où l'insécurité est constante ou d'une destination momentanément dangereuse.» Certains collaborateurs en effet se trouvent à l'étranger durant de longues périodes. Si leur point de chute n'était pas classé à risques au moment de leur départ, la situation peut évoluer dans le temps. «Nous faisons en sorte que les entreprises soient encore mieux informées», analyse Peter Brady. Pour certains observateurs, l'objectif est également de responsabiliser les collaborateurs et de leur faire prendre conscience qu'ils ne peuvent pas aller n'importe où. «Les voyageurs sont encore trop nombreux à ne pas se rendre dans les hôtels référencés par leur entreprise», déplore Peter Brady.
Laurence SegalaBCD Travel
«Les attentats du 11 septembre 2001 ont sensibilisé les entreprises au contrôle et à la gestion de destinations à risques. »
Former les collaborateurs
En règle générale, les données relatives aux voyages d'affaires peuvent être centralisées au siège social de l'entreprise. Les prestataires collectent un maximum d'informations sur les destinations où les collaborateurs ont l'habitude de voyager. Les principaux critères d'analyse portent sur le contexte politique et social de chaque pays, ainsi que sur les risques sanitaires. Un rapport est ensuite communiqué au travel manager de la société. Si besoin, une note d'information est alors adressée aux voyageurs concernés. Une for- maiion specmque peui être dispensée. C'est le cas de Capgemini qui a, depuis 2001 , classé ses destinations selon leurs risques potentiels et propose des stages à ses salariés. «Nos collaborateurs suivent des trainings relatifs à la sécurité du pays où ils doivent se rendre. En fonction des régions, la durée des trainings varie de quelques heures à une journée, précise Jérôme Drevon-Barreaux qui gère les déplacements des deux tiers des 70000 salariés du groupe. Nous avons choisi de travailler en amont, d'où l'importance que nous accordons à bien préparer nos équipes avant leur départ.»
Une démarche encore trop marginale au goût des prestataires. «Nous avons vendu sept ou huit formations de ce type cette année. En contrepartie, de plus en plus d'entreprises nous demandent de leur préparer des checklists», constate Régis Chambert. Même constat chez Carlson Wagonlit Travel. «Les sociétés ne prennent pas le temps d'informer leurs voyageurs. Aux Etats-Unis, il est inconcevable pour les entreprises de ne pas former leur personnel mobile. La France n'est pas encore prête», conclut Peter Brady.
Témoignage
«La sécurité des voyageurs passe avant la recherche d'économies»
Chez Veolia Environnement, la politique voyages s'établit en collaboration avec la direction des ressources humaines. «La sécurité des déplacements de nos collaborateurs passe avant les économies que nous envisageons de réaliser», souligne Abdelaziz Bougja, responsable des achats de voyages chez Veolia Environnement. Au total, le groupe est présent dans plus de 70 pays. Chaque année, près de 20000 collaborateurs se rendent aux quatre coins de la pianeie ou presque, iviais toutes les destinations ne se valent pas. en interne, les pays sont classés selon leur niveau de risques, et ce depuis quatre ans. Ce classement répertorie notamment les destinations interdites car trop risquées, les pays où il faut rester vigilant, ou encore les zones qui nécessitent un briefing avant de partir. «Cette liste est actualisée tous les 15 jours», précise Abdelaziz Bougja. Autre cheval de bataille de la politique voyages de l'entreprise: la santé. Pour cela, Veolia Environnement a uns cil piauc, iuujuuis en interne, une cellule médicale qui évalue la condition physique du voyageur avant son départ, vérifie que ses vaccins sont à jour et les prescrits si besoin. Enfin, depuis cinq ans, le groupe dispose d'une cellule de veille pour pouvoir réagir en temps réel. «Lorsque la guerre au Liban a éclaté, certains de nos collaborateurs se rendaient dans ce pays. Ils ont été immédiatement réorientés vers Damas, en Syrie», explique Abdelaziz Bougja.
Veolia Environnement
- ACTIVITE: Services liés à l'environnement aux industriels ou aux collectivités dans la gestion de l'eau, des déchets, de l'énergie et du transport de voyageurs
- CA 2006: 28,6 milliards d'euros
- EFFECTIF: 278597 salariés