Marier écologie et voyages d'affaires
Grenelle 2, lutte contre les émissions de CO2... La politique voyages est un outil à part entière du développement durable d'une entreprise. Passage en revue des différents leviers d'action possibles dans un contexte où les initiatives en ce sens sont encore un peu timides.
Je m'abonneL'enjeu environnemental des déplacements porte principalement sur la réduction d'émissions de CO2 qui fait l'objet de nouvelles réglementations. Suite à la loi Grenelle 2, les établissements privés employant plus de 500 personnes et les établissements publics employant plus de 250 personnes sont désormais tenus de réaliser leur bilan carbone d'ici à la fin 2012. En conséquence, les entreprises se sont attelées à réduire leur empreinte carbone en recommandant, par exemple, aux collaborateurs de préférer une visioconférence à un voyage énergivore. Un bilan carbone réalisé par le cabinet Factea Durable chez un opérateur téléphonique fait apparaître que les déplacements de ses collaborateurs représentent 18,7 % des émissions globales de CO2 de l'entreprise, 45,9 % sont émis par les services administratifs avec un pourcentage de 18 % de voyages par avion. Un autre bilan carbone fait pour un fonds d'investissement montre des émissions de CO2 de 62 % avec une proportion de 76 % en aérien. Ce type de reporting s'effectue soit via un prestataire spécialisé, soit via l'outil de réservation (OBT) de l'agence de voyages, soit via l'entreprise si elle en a un. Le calcul se fait au travers de la méthode Bilan Carbone, intégrant la nouvelle Base Carbone de l'Ademe qui fait office d'étalon de mesure. Toute entreprise ou collectivité doit y être formée et doit recevoir une habilitation, si elle souhaite la mettre en oeuvre en interne. Une fois ce calcul effectué, l'entreprise peut opter pour un programme de compensation carbone proposé par les prestataires de voyage eux-mêmes ou des organismes spécialisés. Un moyen de se donner une bonne conscience environnementale, diront certains...
Priorité au train sur les courts trajets
Autres chiffres clés de la mobilité: à distance comparable - 2 500 km -, un TGV sur le territoire français, alimenté par de l'électricité majoritairement nucléaire, et un avion de 100 à 180 sièges (type Airbus A320), vont respectivement émettre 9 kg et 592 kg équivalent CO2. Une différence considérable qui peut amener l'entreprise à imposer systématiquement à ses collaborateurs la solution ferroviaire, dès lors que la destination se trouve à moins de trois heures de trajet. De leur côté, les agences de voyages offrent le choix: «Notre portail de réservation permet au client de voir sur toutes les propositions qui lui sont faites quel taux de CO2 est émis en fonction du mode de transport», remarque Claudine Labbe, directrice voyages d'affaires chez Préférence, réseau de 14 agences adhérentes du groupe Selectour. Un affichage qui, rappelons-le, sera obligatoire pour tous les prestataires de transports d'ici au 31 décembre 2013. Mais, poursuit-elle, «même si la demande de voyages orientés développement durable ne fait pas encore partie des critères de choix de ma clientèle professionnelle, j'incite à la dématérialisation des billets et des factures et propose des fournisseurs éco-responsables: voitures électriques pour les loueurs, avions moins consommateurs de kérosène pour les compagnies aériennes, etc.»
Nécessité d'une norme dans l'hôtellerie
Côté hôtellerie, l'Ecolabel européen, certification volontaire délivrée par l'Afnor, témoigne principalement de l'engagement de l'établissement hôtelier dans une politique de développement durable (limitation de la consommation d'énergie, d'eau et de déchets, recours aux énergies renouvelables, volonté d'éliminer des substances dangereuses pour l'environnement). Au 10 juillet 2012, ils n'étaient que 162 établissements titulaires. C'est trop peu pour Ziad Minkara, directeur général et cofondateur de CDS Groupe, spécialisé dans la réservation d'hôtellerie d'affaires. CDS Groupe a mis en place une charte du développement durable et solidaire au sein de son activité (www.cdsgroupe.com/fr/pages/chartecds) et propose des grilles d'évaluation de l'engagement de chaque hôtel qui peuvent être utilisées par les acheteurs et incluses dans les appels d'offres. «La limite de ce système, déplore-t-il, est qu'il repose sur du déclaratif et qu'il n'existe pas d'organisme déclaré sur les hôtels apte à délivrer une certification. Une véritable norme doit être élaborée pour l'hôtellerie au niveau institutionnel avec des acteurs comme Afnor ou l'Ademe.» Réglementer l'offre d'hôtellerie verte représente une gageure dans notre pays qui compte 60 % d'hôtels indépendants, lesquels sont «très demandés par la clientèle d'affaires», d'après Ziad Minkara.
Rouler vert, c'est possible
La plupart des loueurs de voitures disposent d'une gamme de véhicules hybrides et 100 % électriques comme Hertz avec la Nissan Leaf à 110 euros TTC pour 250 km/jour ou Avis avec son offre à 35 euros la demi-journée et 75 euros la journée sur l'axe Paris-Marseille, en partenariat avec la SNCF. Europcar estime aller plus loin avec une politique ambitieuse visant à l'abandon définitif du véhicule particulier. «La solution Autoliberté, identique pour les particuliers et les entreprises, permet au client d'utiliser le véhicule à un tarif garanti et fixe. Il peut mesurer son budget déplacement et sa consommation de CO2 affichée sur les factures», explique Emmanuel Nedelec, directeur commercial et marketing d'Europcar. Ce service représenterait une économie moyenne de 1 000 euros par an et inclut des voitures «vertes». Coût mensuel: 25 euros (pour 10 à 48 jours/an en moyenne) ou 50 euros (de 49 à 364 jours/an) puis 22 euros ou 30 euros la journée en fonction de l'abonnement choisi. Avantages: se rendre à une réunion en Smart et partir en vacances en Scénic, restituer la voiture dans n'importe quelle agence et être assuré d'une disponibilité systématique du véhicule s'il est réservé 24 heures à l'avance. «Ce sont des avantages client pour ceux qui sont prêts à nous suivre dans le développement durable», certifie Emmanuel Nedelec.
Jean-Louis Haie, manager chez Factea Durable (conseil en développement durable)
Avis d'expert: «Mentionner ses exigences dans le cahier des charges et lors de la négociation du contrat»
Si l'offre de voyages «responsables» commence à s'organiser, reste à convaincre les voyageurs d'affaires d'adopter un comportement idoine. «Il n'est pas facile de changer les règles d'une politique voyage dans un contexte où les collaborateurs ont l'habitude d'un certain confort voire de prestige», remarque Jean-Louis Haie, manager chez Factea Durable, entreprise spécialisée dans le conseil en développement durable. Il préconise de définir une politique de voyage en ce sens, voire de mener une opération de conduite de changement portant sur deux points précis. «Il s'agit d'une part pour l'acheteur de mentionner ses exigences dans le cahier des charges et, au moment de négocier le contrat, d'exiger des services orientés développement durable avec les prestataires comme les agences ou de définir un plan de progrès en discutant des améliorations possibles.» Par exemple, il demande aux prestataires de ses clients de s'engager à recenser les hôtels labellisés Ecolabel européen et La Clé Verte, présentant des garanties «vertes» fiables. «L'investissement réalisé par ce type d hôtels gérant leur consommation d'eau et d'énergie et leurs déchets, s'avérant rentable, cela n'entraîne généralement pas de surcoût», précise Jean-Louis Haie. Deuxième angle d'attaque: «Sensibiliser les voyageurs par une communication positive et créative mais efficace. Même si le bilan carbone de chaque voyage est affiché, cela n'empêche pas de faire de la pédagogie ou de mettre en place des concours internes visant à récompenser les collaborateurs vertueux plutôt que de sanctionner les mauvais élèves.»