Les nouvelles tendances des formations achats
Les offres de formation dans les achats suivent l'évolution de la fonction qui se professionnalise. Elles doivent répondre aux exigences pointues d'acheteurs de plus en plus experts, tout en collant aux stratégies propres à chaque entreprise.
Je m'abonneLes formations pour les acheteurs sont en plein boom. L'évolution de la fonction, qui se professionnalise et se démocratise à la fois, engendre une adaptation de l'offre des organismes de formation. Ces prestataires élargissent, en effet, leurs catalogues avec de nouvelles thématiques (développement durable, achats hors production...) et segmentent leurs modules en les rendant plus spécifiques. Le but? Mieux coller aux attentes des acheteurs dont les niveaux de qualification lors de leur entrée dans la profession ne cessent d'augmenter. Les organismes, à l'instar de Cdaf Formation, de Cegos ou encore de Demos, accompagnent notamment le développement et le besoin de reconnaissance de la fonction en mettant en place des stages diplômants.
Pour les entreprises, le choix s'étend. Et les possibilités sont multiples: formations spécifiques en intra, plus transversales en inter, sur mesure par le biais des universités achats développées par des grands comptes comme Orange ou Michelin... Dès lors, reste aux sociétés à choisir, parmi cette large palette, la formule qui correspondra le mieux à leur stratégie.
Des formations de plus en plus pointues
La professionnalisation de la fonction achats pousse les organismes de formation à faire évoluer leurs catalogues: l'heure est à la certification d'une offre segmentée qui répond à un besoin croissant d'expertise.
Le marché de la formation pour les acheteurs ne cesse de se développer. «Les formations certifiantes et diplômantes se multiplient et sont particulièrement prisées, témoigne ainsi Philippe Petit, manager d'offre achats chez Cegos et auteur de Toute la fonction achats (Editions Dunod 2008). Aujourd'hui, les acheteurs ont besoin de reconnaissance professionnelle et de formalisation de leurs compétences.»
Même constat chez Demos. D'ailleurs, cet organisme de formation a prévu en 2009 plusieurs modules certifiants qui portent notamment sur le métier d'acheteur, la négociation ou les achats publics. Cdaf Formation, de son côté, privilégie les parcours diplômants. L'organisme propose ainsi des stages de trois jours. A noter: ces formations permettent d'obtenir une validation des acquis et de l'expérience (VAE) grâce à une évaluation des compétences. «Notre démarche repose sur l'addition de modules destinés à obtenir un titre certifié niveau 2 ou un diplôme universitaire Master 2», explique Guy Bulit. Le directeur du développement de Cdaf Formation réfléchit notamment à la mise en place, en 2010, d'une licence professionnelle dédiée aux achats.
Pour suivre l'évolution de la fonction, les organismes de formation doivent également prendre en compte le niveau de qualification croissant des acheteurs. «De plus en plus de nouveaux entrants dans le métier détiennent un diplôme spécialisé», estime Philippe Petit (Cegos). Résultat, les offres se segmentent «pour répondre aux besoins de ces professionnels qui deviennent de véritables experts», selon Fabrice Méne lot, consultant et cofondateur de Cropandco Training. Face à la spécialisation toujours plus poussée de certains domaines, Cegos a créé deux nouvelles formations sur les fondamentaux des achats dans un contexte international et dédiées aux acheteurs de multinationales. «Les entreprises déjà matures en achats se montrent désormais friandes de formations touchant aux prestations informatiques, au marketing et à l'immobilier», note, pour sa part, Philippe Petit (Cegos). De même, pour répondre à des besoins d'acheteurs experts, les organismes tels que Cegos, Demos ou Cdaf Formation proposent des stages hyper spécialisés courts, d'un à trois jours.
De nouvelles thématiques apparaissent
Si le développement durable est un sujet incontournable depuis deux ans, de nouvelles thématiques apparaissent, comme la vente de la fonction achats en interne. «Les acheteurs ont enfin compris l'importance d'une meilleure communication. Ils commencent à se former», assure Fabrice Ménelot (Cropandco Training). De même, «tous les programmes qui tournent autour de l'organisation des acheteurs, la gestion du temps et des priorités sont particulièrement prisés depuis peu», poursuit-il. Et d'ajouter que «la hausse du niveau des compétences des acheteurs les pousse à réduire un peu leur pré carré dans des domaines non stratégiques comme la gestion des stocks». Un constat qui a, par exemple, incité Cegos à mettre en place une formation pour les non-acheteurs sur les achats non récurrents et occasionnels.
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Ce qu'il faut savoir sur le Dif
Le droit individuel à la formation (Dif) permet aux salariés disposant d'une certaine ancienneté dans leur entreprise de bénéficier de formations professionnelles rémunérées ou indemnisées, en dehors du temps de travail ou durant celui-ci. Tout salarié en CDI présent dans l'entreprise depuis au moins un an en bénéficie. Les salariés en CDD peuvent également en profiter, sous réserve d'avoir travaillé au moins quatre mois au cours des douze derniers mois et au prorata de la durée de leur contrat. La durée des droits acquis au titre du dispositif représente 20 heures par an. Le cumul des droits peut se faire sur six ans. Au-delà, le Dif se plafonne à 120 heures.
Intra ou inter deux formules gagnantes
Tout comme le contenu des stages, le cadre de l'apprentissage joue un rôle-clé dans la bonne formation des acheteurs. Deux formules, l'intra et l'interentreprises, existent, chacune répondant à des besoins spécifiques. Explications et témoignages.
Inter ou intra-entreprises? Au moment de choisir une formation, les deux possibilités se présentent aux acheteurs. Deux modes destinés à répondre à des besoins différents. Dès lors, la prise en compte des caractéristiques de l'entreprise, de sa taille, de son effectif achats et de ses objectifs oriente la décision. «Pour l'intra, il faut avoir adopté une problématique collective et transverse, puisque le même savoir-faire doit être acquis par tous, résume Fabrice Ménelot, consultant et cofondateur de Cropandco Training. A l'inverse, l'interentreprises permet d'individualiser les compétences.»
Chez Altran, cabinet de conseil en innovation, la formation intra est privilégiée pour 2009. Sa direction achats, créée il y a deux ans, est, en effet, suffi samment importante puisqu'elle est composée de 16 personnes. «Dans le cadre de notre objectif de réduction des coûts et de maîtrise de la masse salariale, nous privilégions le recrutement de jeunes collaborateurs que nous faisons progressivement évoluer par la formation», explique Nicolas Rousseau, son directeur, qui gère un volume d'achats annuel de 350 millions d'euros. Le budget alloué à la formation des acheteurs sera d'environ 10 000 euros, «une enveloppe relativement mince», selon Nicolas Rousseau. Cette formation intra-entreprise sera ensuite complétée par le compagnonnage. «Ce choix se traduit par un travail en binôme sur certains dossiers. Un acheteur de l'entre prise, expérimenté et capable d'apporter son expertise, en épaule un autre», explique le directeur achats. Ce dernier n'exclut toutefois pas la possibilité d'opter pour des formations interentreprises l'année prochaine. «L'arrivée d'un chantier Low Cost Countries, nouveau chez nous, nécessitera sûrement des stages en inter puisque nous ne se rons pas forcément capables de former nos équipes sur ce thème», poursuit-il.
Coller à des besoins spécifiques
Au sein de la direction achats du groupe Caisse d'Epargne, l'intra est également privilégié. Avec un budget annuel de formation proche de 85 000 euros et 266 jours de formation dispensés auprès de 115 collaborateurs de la filière achats, le groupe a préféré concevoir en interne un programme sur mesure dispensé par un prestataire. «Notre module colle à nos besoins spécifiques. Il permet d'acquérir ou de mettre à jour les pratiques achats qui sont identiques pour tous nos collaborateurs», explique Corinne Brosset, directrice du département communication service client achats. Même préférence pour l'intra-entreprise du côté de Gaël Duyck, directeur achats de Pricewaterhouse Coopers, qui manage une équipe de 10 personnes. «Le contenu des stages intra est plus pertinent», assure-t-il. Une formation d'autant plus facile à mettre en place que «nos besoins sont plutôt homogènes et que, pour nous, l'intra ne coûte pas plus cher que l'inter», confirme-t-il. Le cabinet de conseil et d'audit possède ainsi un programme de formation important pour les fonctions supports, dont les achats. «Deux de nos acheteurs bénéficient d'un programme de formation continue, deux jours par semaine. Nous travaillons également avec Cdaf pour des formations sur site, portant notamment sur l'assistanat achats et les systèmes d'informations», détaille-t-il.
Si l'intra est avantageux lorsque les besoins sont homogènes, la formule est à éviter quand les besoins sont disparates. Sylvie Noel, directrice achats de la Maif, privilégie ainsi les stages inter. La compagnie d'assurances a signé plusieurs contrats-cadres avec Cegos, Demos et Comundi. «Nous sommes une petite équipe de 20 personnes qui sera entièrement formée en 2009 et nos besoins sont trop hétérogènes pour justifier de l'intra», explique-t-elle. Les thématiques sont variées: négociation achats, optimisation des relations avec les clients internes, achats de formations, de marketing et de prestations intellectuelles, développement durable, sélection et évaluation des fournisseurs, aspects juridiques, etc. «Face à des besoins aussi différents, constate-t-elle, l'inter s'impose.»
Gaël Duyck,
« Pour nous, l'intra ne coûte pas plus cher que l'inter.»
Pricewaterhouse Coopers
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La formation-action est à la mode
Plutôt que de choisir une formation théorique ou généraliste, les entreprises peuvent opter pour des formations-actions. Leur principe repose sur un cas pratique propre à l'entreprise, tel que l'optimisation des dépenses informatiques ou encore la réduction du panel fournisseur dans les achats de prestations intellectuelles. Pricewaterhouse Coopers vient ainsi de recourir aux services d'un coach du cabinet Agile Buyer pour assister ses acheteurs sur leurs problématiques quotidiennes en 2009. Les formations-actions permettent de transmettre un savoir-faire concret et d'engendrer une plus grande autonomie du salarié formé. De son côté, Cdaf Formation lancera en 2009 une dizaine de modules sur des thématiques opérationnelles (analyse des coûts, TCO...).
L'e-learning,
une alternative sérieuse au présentiel
La montée en puissance de la fonction achats s'accompagne d'un développement de formations spécifiques en e-learning. Celles-ci viennent peu à peu compléter les formules en présentiel, encore privilégiées par les entreprises.
Les formations achats poursuivent leur montée en puissance et celles dispensées en ligne ne font pas exception. «L'arrivée de formations en ligne destinées aux achats est logique car elle répond aux besoins de professionnalisation du métier», explique Fabrice Ménelot, consultant et cofondateur de Cropandco Training . Une tendance également perçue chez Cegos. «L'e-learning permet de faire et refaire une formation aisément», souligne Philippe Petit, manager d'offre achats. A partir de 2009, Cegos propose d'ailleurs 10 modules de formation achats en e-learning.
L'European Institute of Purchasing Management (EIPM), actionnaire majoritaire de Cdaf Formation depuis le printemps 2007, a également développé une dizaine de modules en e-learning. «A terme, nous souhaitons en compter 40 ou 50», explique Guy Bulit, directeur des ressources et du développement de Cdaf Formation, pour qui l'objectif est «de proposer un cursus complet dispensé à distance». Souple et pratique, la formule s'adapte aux emplois du temps souvent surchargés des acheteurs. A la Maif, la responsable de la division achats, Sylvie Noel, assure ainsi «exercer une veille très régulière sur les formations achats susceptibles d'être dispensées en e-learning».
Malgré le développement de cette formule, la formation en présentiel, fer de lance des programmes des prestataires, reste très prisée des entreprises. C'est le cas, par exemple, du groupe Caisse d'Epargne, dont l'effectif achats comporte une centaine de personnes, qui privilégient encore le présentiel. «Pour le moment, nous préférons l'interactivité et le contact offerts par le présentiel pour favoriser les échanges et discuter autour d'un thème, d'un aspect du métier ou de la formation. Les équipes se montrent attachées à cette formule», explique ainsi Corinne Brosset, directrice du département communication service client achats du groupe Caisse d'Epargne.
Dans ce contexte, les formations achats à distance vont-elles s'imposer un jour? Rien n'est moins sûr. «Elles sont davantage un complément au présentiel car, dans les achats, la relation est une composante primordiale», nuance ainsi Philippe Petit (Cegos). Pour satisfaire tous les besoins, les organismes de formation proposent désormais des packs mixtes, mêlant présentiel et à distance.
Fabrice Ménelot, Crop and co Training
« L'arrivée de l'e-learning pour les formations achats est logique car elle répond aux besoins de professionnalisation des acheteurs.»
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Les utilisateurs sont de plus en plus satisfaits
Les formations en e-learning plaisent de plus en plus aux salariés. Selon l'Observatoire Cegos publié en septembre 2008
L'université achats d'Orange renforce ses programmes
Dans le cadre de son école d'achats interne, l'opérateur de téléphonie a mis en place un partenariat avec Sciences Po afin de proposer un cursus de formation certifiant. Lequel s'ajoute à la vingtaine de modules déjà dispensés.
L'opérateur de téléphonie Orange, marque du groupe France Télécom, possède sa propre université achats. Son nom: la Sourcing University. Une entité qui propose un cursus de formation certifiant depuis septembre 2007, fruit d'un partenariat avec Sciences Po. «C'est un réel plus qui plaît à nos équipes», estime Laure Tourard, Sourcing University Manager. Dispensé à Paris, dans les locaux de la direction achats, ce cursus débute par huit jours de formation répartis sur un mois. S'en suivent trois mois d'application en interne, supervisés par un manager de la direction achats et un tuteur extérieur mandaté par Sciences Po. «Ensuite, raconte Laure Tourard, le stagiaire soutient son mémoire lors d'un grand oral.» Depuis la mise en place de ce partenariat, près de 35 personnes ont profité de cette formation. «Ce n'est qu'un début», précise la responsable.
A ce cursus certifiant, s'ajoute un catalogue de formations riche d'une vingtaine de modules spécifiques ou de perfectionnement, dispensés sur un ou deux jours, au siège parisien du groupe de téléphonie ou en local. Outsourcing, développement durable, etc., l'offre est enrichie au fur et à mesure, en fonction des besoins. «Près de 90% du contenu de ces modules est conçu par nos équipes», explique Laure Tourard. La Sourcing University compte ainsi près de 50 formateurs en interne. Mais Orange n'hésite pas pour autant à recourir à des organismes de formation. Par exemple, la conception du module «Achats de logiciels», ainsi que la définition précise de son objectif, a nécessité la collaboration d'experts extérieurs. De même, pour certains thèmes, «nous faisons parfois appel à des prestataires pour optimiser notre programme sur des compétences pointues», ajoute le manager.
Développer une méthodologie achats
Tous ces modules viennent compléter la formation initiale reçue par chaque nouvel acheteur intégrant le groupe, et ce dans onze pays différents. «Nous leur faisons suivre une formation métier, dans laquelle se glisse un focus sur le cadre légal et les aspects juridiques des achats, ou encore l'analyse des portefeuilles fournisseurs», décrit Laure Tourard . Une formation initiée en 2003 lors de l a création de la Sourcing University et qui a déjà été suivie par un millier de personnes. «L'école a été mise en place lorsque France Télécom a voulu restructurer ses achats et développer une méthodologie propre, suivie par tous les acheteurs de l'entreprise», explique la responsable. Pour Orange, l'expérience semble très réussie. «Dans un contexte où les acheteurs sont souvent perçus comme des empêcheurs de tourner en rond , la Sourcing University véhicule une image positive au sein du groupe et dynamise les équipes», estime le Sourcing University Manager. Une école d'entreprise qui combine la théorie et l'expérience terrain des intervenants, tout en adaptant la formation aux besoins spécifiques de l'équipe. «Contrairement aux formations inter ou intra, chacun contribue à la conception des supports de cours», souligne le manager. Néanmoins, Orange ne communique pas sur le coût d'une telle structure, ni sur un quelconque retour sur investissement. «Il est difficile d'évaluer le coût de la Sourcing University car nous sommes avant tout dans une démarche de capitalisation du savoir», indique Laure Tourard.
Dossier réalisé par Romain Rivière
Orange
ACTIVITE
Télécommunications
CHIFFRE D'AFFAIRES 2007
52,96 milliards d'euros
EFFECTIF
187300 collaborateurs
VOLUME D'ACHATS NC
EFFECTIF ACHATS
95 collaborateurs
Laure Tourard, Orange
« Dans un contexte où les acheteurs sont souvent perçus comme des empêcheurs de tourner en rond, la Sourcing University est un réel vecteur d'image positive.»
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L'e-learning complète la formation interne
Dans le cadre de son université achats, Orange a lancé à l'automne une newsletter destinée à développer la formation en e-learning. Déjà utilisé pour les formations génériques, l'apprentissage à distance s'invite peu à peu dans les achats. «Chaque newsletter s'accompagne d'un module de formation pratique. L'objectif, à terme, est de démocratiser l'apprentissage à distance», assure Laure Tourard, Sourcing University Manager chez Orange.
Focus La Sourcing University en chiffres
- Date de création : 2003
- 1 000 personnes formées depuis la création
- 900 stagiaires par an
-10 000 heures de formation en catalogue
- 35 personnes concernées par le cursus certi. ant, établi en partenariat avec Sciences Po depuis septembre 2007
- 50 formateurs
- 2 programmes complets pour les nouveaux arrivants
- 15 modules de perfectionnement