Les logiciels libres, une opportunité pour maîtriser ses dépenses
Avec leur faible coût d'acquisition et l'indépendance qu'ils offrent vis-à-vis des éditeurs, les logiciels open source se banalisent dans les entreprises, jusque dans les applications métier. Un choix dicté par un calcul sur le long terme et une souplesse accrue dans la création de projets.
Je m'abonneL'annonce a défrayé la chronique. En janvier 2007, le groupe PSA officialisait la signature d'un contrat avec Novell, l'un des leaders de l'édition de logiciels open source pour les entreprises. Le constructeur automobile se dotait de 20000 postes de travail sous Linux, pour un déploiement qui devrait se terminer à la fin 2008. Un accord conclu en plein lancement de Windows Vista par Microsoft, le fournisseur traditionnel de PSA. «Le coût total de possession est nettement inférieur à une solution Microsoft», assurait alors Christophe Therrey, directeur général de Novell.
L'open source, qui englobe les logiciels libres, est diffusé gratuitement ou à très faible coût, avec accès au code source. Seuls les services associés (support, maintenance, formation) sont commercialisés, à des tarifs légèrement supérieurs à ceux des éditeurs. Une équation économique qui bénéficie aux acheteurs. «L'open source crée une pression sur le prix des licences et des applications, ce qui réduit les coûts pour l'entreprise, même si cette dernière continue d acheter des solutions propriétaires», résume Denis Dorval, vice-président EMEA d'Alfresco, spécialiste de l'open source pour la gestion documentaire. Les solutions éditeurs afficheraient ainsi des baisses de prix de 15 à 20%. Désormais, le rapport de force acheteur-vendeur penche en faveur du premier.
A savoir
Les spécialistes les plus présents en France
- Internationaux: Red Hat, Novell, My SQL
- Nationaux: IdealX, Linagora, OpenWide, Mandriva
- Prestataires de services: Capgemini, Thaïes, Atos Origin, Bull, SQLI, Devoteam.
Source: Pierre Audoin Consultants
En bref
Quels sont les logiciels open source les plus utilisés?
Les logiciels open source les plus présents en entreprise sont le serveur d'application JBoss, les bases de données de type MySQL et Postgres, ainsi que la plateforme de développement Eclipse, selon une enquête d'Open Solution Alliance (OSA) menée auprès de 100 sociétés américaines et européennes. A cette liste, on peut ajouter Open Xchange (travail collaboratif), SugarCRM (comptabilité, CRM, ERP...) OpenOffice (bureautique), Thunderbird (messagerie professionnelle), Compiere ou OpenBravo (ERP) ou encore MySQL (base de données) et Mozilla Firefox (navigateur internet).
Un marché en forte croissance
Très dynamique en France, le marche de l' open source pèse 450 millions d'euros, avec une croissance, en valeur, de l'ordre de 80% par an, selon l'étude annuelle de Pierre Audoin Consultants. Mais il reste largement minoritaire par rapport aux solutions propriétaires. «Sur plus de 200000 logiciels open source, moins de 10% sont des solutions professionnelles destinées aux grands comptes et offrent des garanties de solidité et de pérennité», observe Didier Chaumont, directeur associé en charge de l'open source chez l'intégrateur Capgemini. Aujourd'hui, le logiciel libre serait toutefois présent, à des degrés divers, dans plus de 80% des sociétés (source: Forrester). «Cette forte pénétration s'est effectuée en deux temps, décrypte Denis Dorval. Au début, l'open source concernait les systèmes d'infrastructures, comme les messageries, les pare-feu, etc. Désormais, elle touche largement à l'applicatif» Un constat corroboré par Patrick Benichou, p-dg d'OpenWide, prestataire de services en architecture et intégration open source: «Le marché tend déplus en plus vers la gestion électronique des documents (GED) et le décisionnel.»
Le recours à l'open source ne repose pas seulement sur la volonté de réaliser des économies. «Ces logiciels doivent répondre aux besoins de la société et assurer la continuité du service, souligne Patrick Benichou. Si ces deux critères sont réunis, alors l'entreprise calcule les économies qu'elle réalise par rapporta une solution propriétaire.» Denis Dorval (Alfresco) identifie d'autres motivations. Selon lui, la plupart des clients souhaitent se réapproprier le processus et le contrôle de leur infrastructure d'information, grâce à l'accès libre au code source. «C'est notamment le cas des grands comptes, qui ont les moyens humains pour mènera bien ce chantier», précise-t-il. Patrick Benichou (OpenWide) le confirme: «Dans la partie exploitation, l'entreprise bénéficie déplus de flexibilité. En effet, dans le monde de l'open source, elle n'est pas soumise à la politique des éditeurs qui imposent parfois des coûts de migration non souhaités, par exemple en cas d'arrêt d'un support.» Enfin, l'open source offre une souplesse optimale dans les projets informatiques. «Les entreprises privilégient notamment cette option quand elles développent des projets fréquents avec des cycles de vie courts, observe Denis Dorval (Alfresco). Or, dans ce cas défigure, les solutions éditeurs traditionnelles peuvent introduire un retard car le déploiement et le développement sont plus longs et peuvent donc générer davantage de coûts associés.» Les logiciels libres développés dans les projets informatiques d'envergure supposent, en revanche, davantage de développements spécifiques. Le cas échéant, le coût total de possession doit donc s'envisager sur le long terme. Outre les dépenses liées au développement, d'autres frais sont engagés: coût de formation des gestionnaires et des utilisateurs, coût d'archivage et de reprise des données, etc.
De nouveaux interlocuteurs pour les achats
Dans une configuration open source, les intégrateurs sont désormais au centre du dispositif. «Le client nous demande de nous substituer aux fonctions traditionnelles des éditeurs, notamment la maintenance des logiciels», explique Didier Chaumont (Capgemini). Le détail de l'offre spécifique «Capgemini OS S Partners» illustre la variété des missions des intégrateurs: support et maintenance, prestations de veille technologique événementielle (liée à la vie du produit) ou stratégique (pour une gouvernance open source), prestations de formation et de monitorat, études techniques à la demande, et enfin prestations d'industrialisation pour aider le client à réaliser ses propres packagings produits.
Le succès d'acteurs comme OpenWide repose sur une double compétence d'accompagnement et d'infogéreur. «Dans la plupart des cas, nos clients nouaient pas les ressources pour assurer le support, la gestion des patchs ou l'accès aux communautés», confie son p-dg, Patrick Benichou. Selon lui, 80% de ses clients ont fait ce choix. Une donnée de bon augure. Un chiffre qui devrait croître avec la complexification des projets.
Pierre-Alexandre Goulmot, responsable des achats techniques, Canal +
Interview
«Pour un logiciel libre, la décision d'achats est très opportuniste»
Quelle est la part de logiciels ou applications open source chez Canal + et quelle est votre politique sur ce plan?
Il est difficile de répondre précisément, car nous n'avons pas de métriques pour mesurer le poids des logiciels libres dans notre système d'information. Mais nous avons intégré de nombreuses applications depuis plus de trois ans. Je serai plus précis concernant notre plateforme internet, qui comprend 70 à 80% de logiciels libres. En la matière, la décision d'achats est très opportuniste, puisque nous comparons chaque solution à l'équivalent propriétaire. Mais l'opportunisme ne néglige pas le risque. Si celui-ci est trop important, nous optons pour une solution propriétaire.
L'offre open source est-elle assez étoffée pour s'étendre aux applications plus critiques?
Oui, très clairement. L'offre est riche et comporte quelques niches de grande qualité, à l'image des solutions LAMP, qui sont un agrégat Linux, Apache, etc. Nous avons intégré des solutions open source dans certaines de nos applications critiques de type temps réel, sans appréhension particulière. Bien entendu, nous nous interrogeons au préalable sur la sécurité et la qualité du support.
Quels sont les avantages, mais également les inconvénients de l'open source?
L'adoption de l'open source repose sur trois moteurs. Le premier est économique. Clairement, c'est un contre-feu important face au monde traditionnel des éditeurs. En termes de prix, cela dépend des conditions d'accès aux logiciels commerciaux. Mais si l'on regarde les coûts, support inclus, d'un produit comme Redhat par exemple, le gain reste certain. Le deuxième moteur est une logique d'adéquation à nos besoins techniques. Sur nos applicatifs internet, les logiciels libres se révèlent efficaces et de qualité. De plus, ils sont faciles à déployer. Enfin, les solutions ont une forte richesse fonctionnelle et disposent de boîtes à outils qui procurent une grande aisance aux utilisateurs. Les inconvénients sont donc rares. Cependant, nous manquons encore de recul par rapport à l'open source. La prudence s'impose donc sur la pérennité des produits et sur la qualité du support. Mais nous sommes aujourd'hui très satisfaits de la partie intégration du logiciel. Nous avons parfois recours aux intégrateurs qui nous avaient accompagnés lors de l'implémentation et le processus est rapide.
En termes de coût total de possession, les solutions open source sont-elles réellement plus intéressantes?
Nous ne maîtrisons pas encore suffisamment le modèle économique de l'open source, mais je pense que le coût total de possession est plus intéressant que pour les logiciels propriétaires. Par exemple, le coût de déploiement de MySQL et son support sont sans commune mesure avec ses concurrents propriétaires. De plus, cela nous offre des leviers de négociation supplémentaires vis-à-vis des éditeurs traditionnels. Ils se situent moins sur le coût direct d'acquisition que sur les coûts de maintenance. Nous avons obtenu des baisses de prix intéressantes sur ce segment. Avec les acteurs de l'open source, nous négocions également mais sur la richesse et l'évolution du contenu. L'approche achats est moins celle du prix que celle de la qualité et du contenu.
La fiche
Groupe Canal +
ACTIVITE
Médias
EFFECTIF
3 700 personnes
CHIFFRE D'AFFAIRES 2006
3,63 milliards d'euros
MONTANT DES ACHATS
(hors achats de droits et redevances) 900 millions d'euros, dont 250 millions d'euros d'achats techniques (hors décodeurs)
EFFECTIF ACHATS
12 personnes