Les logiciels libres ne connaissent pas la crise
Alors que la France est considérée comme le premier marché européen du logiciel libre, les entreprises et les organisations publiques sont séduites par l'éventail des fonctionnalités proposées par les éditeurs, sans parler du modèle économique très avantageux.
Je m'abonnePrès de 92 % des entreprises et des organisations publiques, quelle que soit leur taille, utilisent des logiciels libres. C'est ce qui ressort d'une étude réalisée en septembre par Markess International auprès de 160 responsables informatiques. Un chiffre qui n'étonne pas les spécialistes du secteur: la France est considérée comme le premier marché européen du logiciel libre. Markess estime que le chiffre d'affaires sur le marché B to B des logiciels et des services liés à l'open source s'est élevé à 2,18 milliards d'euros en 2009 (soit 6 % de l'ensemble du marché des logiciels et des services IT). L'organisme prévoit une croissance annuelle de 16,5 % jusqu'en 2011, pour atteindre 3 milliards d'euros. Même constat chez Pierre Audoin Consultant (Pac), qui évalue de son côté à 1,47 milliard d'euros le chiffre d'affaires 2009 du marché français du logiciel libre, en hausse de 33 %. Une croissance qui devrait se poursuivre sur le même rythme en 2010 puisque Pac prévoit une croissance de plus de 30 % cette année.
Plus surprenant pour certains, le secteur public est en avance sur le privé en la matière. «En dix ans, la plupart des grands chantiers informatiques de l'Etat se sont orientés vers l'open source, sans doute pour maîtriser les dépenses de l'argent public », explique Alexandre Zapolsky, président de la Fnill (Fédération nationale de l'industrie du logiciel libre) et patron de Linagora, éditeur du logiciel libre OBM (messagerie collaborative). Toutefois, le privé - grandes entreprises comme PME - n'est pas en reste. « Le marché de l'open source a par exemple séduit des grandes entreprises de l'aéronautique par sa capacité à mettre au point des systèmes d'information très sophistiqués grâce à une collaboration étroite entre l'éditeur et l'industriel», souligne Mathieu Poujol, consultant chez Pac.
Alexandre Zapolsky, Fnill
«En dix ans, la plupart des grands chantiers informatiques de l'Etat se sont orientés vers l'open source»
Des offres de plus en plus matures
Outre le coût, les motivations des entreprises sont désormais variées. Selon l'étude réalisée par Markess International, les organisations apprécient à la fois des offres de plus en plus matures, dotées de fonctionnalités qui répondent à leurs besoins, mais aussi l'indépendance des solutions open source ainsi que l'interopérabilité des systèmes entre eux, le retour sur investissement favorable et la faculté de mutualiser les coûts et les idées. Parmi les freins régulièrement invoqués: le besoin de s'adresser à une société SSII pour la maintenance, la souscription exigée par l'éditeur et le fait que le développement du produit repose sur une communauté.
C'est dans le domaine des infrastructures (solutions dédiées aux serveurs, plateforme de développement, sécurité) que les logiciels libres ont le plus de succès auprès des entreprises, mais les solutions applicatives progressent, selon l'étude de Markess International. Avec, en tête, les systèmes de gestion de base de données, gestion de contenu et applications collaboratives. «Les applications décisionnelles émergent, ainsi que la messagerie et la bureautique», observe Aurélie Courtadon, chargée d'études chez Markess International. Car l'open source concerne aujourd'hui l'ensemble des applications, ce qui explique aussi son succès.
Le coût des solutions est évidemment au centre des débats. « Open Office, la star actuelle en matière d'open source bureautique, propose environ 80 % des fonctionnalités disponibles dans la suite de Microsoft, mais elle est trois fois moins cher! », assure Mathieu Poujol (Pac). Ce dernier tient toutefois à nuancer: « Ce qui vaut pour les PME concerne moins les grands comptes, avec lesquels Microsoft accepte de négocier», précise -t-il. Et d'insister: «Le prix n'est pas la variable-clé. »
Marc-André Grosy, responsable de la DSI, Bibliothèque publique d'information
Témoignage « Avec l'open source, je choisis l'ouverture »
La Bibliothèque publique d'information (BPI), située au centre Pompidou de Paris, utilise le logiciel open source édité par eXo Platform pour son portail intranet. Un choix plutôt issu d'une «conviction personnelle », indique le responsable de la direction des systèmes d'information, Marc-André Grosy, que d'une consigne de son ministère de tutelle, le ministère de la Culture et de la Communication, qui en-courage en effet le recours aux logiciels libres. « Je préfère les solutions ouvertes et évolutives aux packages fermés proposés par les solutions propriétaires », précise-t-il. Un choix également « rationnel » pour le responsable de la DSI de la bibliothèque. « La communauté d'eXo est florissante, ce qui est un gage de pérennité et de dynamisme. » Autre avantage qui a retenu l'attention du cadre dirigeant : « Les différentes couches applicatives éditées par le consortium dont fait partie eXo sont interopérables. Nous dis-posons donc de systèmes pouvant communiquer entre eux sur la base de protocoles standard. » Pour Marc-André Grosy, si les briques fonctionnelles d'eXo ne sont peut-être pas les plus complètes du marché, ce critère est moins important que la capacité d'ouverture et d'innovation du produit et son interopérabilité qui facilite le travail des informaticiens.
Enfin, le coût apparaît comme un autre critère de choix guidant la BPI vers l'open source. « Mais c'est loin d'être le premier », jure le responsable informatique.
Bibliothèque publique d'information
STATUT
Etablissement public national associé au centre Pompidou
BUDGET 2009
25 millions d'euros
Un système avantageux
Le modèle économique des logiciels libres reste avantageux pour ses afcionados. Deux modes de commercialisation cohabitent. Soit les logiciels libres sont téléchargeables gratuitement sur Internet, et les entreprises souscrivent une prestation de services pour le support et la maintenance. Soit l'éditeur propose, parallèlement au téléchargement libre, une offre permettant aux entreprises d'accéder à des fonctionnalités complémentaires, ainsi qu'au support.
Autre avantage souvent mis en avant: la possibilité pour l'entreprise d'adapter le logiciel à son organisation. « Un logiciel open source est fait pour être adapté et modifié», rappelle Alexandre Zalpolsky (Fnill). «Il faut tordre le cou au mythe du client qui modifie le code», tient toutefois à rappeler Tugdual Grall, directeur marketing produit d'eXo Platform. Les utilisateurs disposent des codes sources, mais seules les suggestions de quelques contributeurs inspirés sont retenues pour alimenter la solution. La communauté est là pour veiller au dynamisme de l'éditeur et à sa capacité à enrichir le logiciel. «La taille de la communauté valide la qualité du produit et son pouvoir d'attraction, nos clients y sont très attentif», témoigne Denis Dorval, vice -président EMEA et Asie-Pacifque chez Alfresco, un éditeur de gestion de contenu. A l'usage, chaque utilisateur «peut implémenter dans le logiciel standard ses propres spécificités, le modèle est flexible et toujours innovant puisque soutenu par une communauté de développeurs», ajoute Bertrand Diard, p-dg de Talend, un éditeur de solution de data management. Quoi qu'il en soit, les entreprises et les organisations publiques sont visiblement satisfaites d'un tel mode de fonctionnement.
Mathieu Poujol, Pac
« Open Office, la star actuelle en matière d'open source bureautique, propose environ 80 % des fonctionnalités disponibles dans la suite de Microsoft, mais elle est trois fois moins cher!»