Les fournisseurs alternatifs d'énergie cherchent à convaincre
Depuis le 1er juillet 2004, les marchés de l'énergie se sont ouverts à la concurrence pour les entreprises. Aujourd'hui encore, beaucoup de questions subsistent quant à la possibilité de choisir un autre fournisseur que Gaz de France Suez et EDF. Eclairage.
Je m'abonnePlus de cinq ans après l'ouverture totale du marché non résidentiel (entreprises, grands sites industriels et administration) à la concurrence, 356 000 sites ont choisi un fournisseur alternatif en électricité et 101 000 en gaz au 31 mars 2009, contre respectivement 354 000 et 96 000 au 31 décembre 2008, selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Si l'on rapporte ces chiffres à l'ensemble du marché, seuls 7% des consommateurs non résidentiels d'électricité et 15% des clients non résidentiels du gaz ont opté pour un fournisseur alternatif parmi les 14 sociétés d'électricité et les 11 gaziers déclarés au 31 décembre 2008. Ainsi, peu d'entreprises ont fait jouer leur éligibilité, c'est-à-dire la possibilité de choisir un autre fournisseur que Gaz de France Suez ou EDF. Par comparaison, le marché résidentiel, c'est-à-dire celui des particuliers, apparaît beaucoup plus dynamique. Selon la CRE, le nombre de consommateurs résidentiels ayant souscrit une offre chez un fournisseur alternatif devrait franchir le seuil du million en électricité et celui du demi-million en ce qui concerne le gaz.
Au départ, la motivation de ces entreprises était de réaliser des économies en choisissant un nouveau fournisseur. Dans les faits, beaucoup ont été déçues, à l'image des sociétés ayant quitté le tarif régulé en électricité fixé par l'Etat. Nombre d'entre elles ont alors décidé de revenir aux prix régulés, par le biais du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (Tartam). Ce dernier permet aux consommateurs industriels et professionnels d'électricité ayant exercé leur éligibilité de revenir à un tarif réglementé, pour deux ans au maximum, et jusqu'au 1er juillet 2010 au plus tard. Le Tartam étant défini par rapport aux tarifs réglementés de l'électricité, dès que ceux-ci subissent une évolution, celle-ci s'applique automatiquement au tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché.
Les fournisseurs alternatifs misent sur le service
Cette situation ne permet pas aux fournisseurs alternatifs d'électricité de véritablement concurrencer les tarifs réglementés affichés par le fournisseur historique EDF. Pourtant, malgré ce constat, certains fournisseurs alternatifs comme Poweo proposent des offres de fourniture d'électricité potentiellement intéressantes grâce aux «compteurs bleus». Il s'agit de compteurs ayant une puissance souscrite inférieure à 36 kilovolt-ampères (kVA) et dont les prix du kilowatt-heure (kWh) peuvent I être inférieurs à ceux des tarifs réglementés de l'opérateur historique. Si les prix de l'électricité ne sont pas toujours compétitifs, les opérateurs alternatifs essayent d'apporter de nouveaux services à leurs clients. «Nous proposons aux entreprises une offre sur mesure en termes de facturation, qui consiste notamment à établir des factures mensuelles ou bimensuelles par site et par filiale», précise Philippe Sevin, directeur commercial de Poweo. Pour aller plus loin dans la relation avec ses clients, le fournisseur met à leur disposition un gestionnaire de compte dédié, en charge d'apporter un suivi personnalisé à leurs demandes (informations sur la consommation, mise en service d'un nouveau site...). Autre exemple: dans le cadre du Grenelle de l'environnement, les entreprises de plus de 500 salariés ont pour obligation d'établir, d'ici à 2011, un bilan carbone. Pour les accompagner dans cette démarche, Poweo leur propose une offre qui intègre la fourniture d'électricité et un service de mesure et de réduction de l'empreinte carbone pour faire baisser la consommation d'énergie des entreprises de 5 à 10%.
Bien déterminer son besoin en énergie
Opter pour un fournisseur alternatif doit donc être mûrement réfléchi. En amont, il est indispensable de réaliser un audit pour déterminer son besoin en énergie. «Avant de procéder à l'appel d'offres, les entreprises doivent commencer par établir une cartographie de toutes leurs machines qui utilisent de l'énergie», indique Stéphane Echardour, consultant spécialisé en énergie au sein du cabinet Expense Reduction Analysts. Une fois la consultation lancée, les donneurs d'ordres peuvent notamment négocier la puissance souscrite. Celle-ci est une caractéristique du contrat de fourniture d'électricité. Il s'agit d'une indication de puissance maximale, exprimée en kilovolt-ampères ou en kilowatt-heure, dont les dépassements seront facturés avec d'importants surcoûts. Certains contrats pour les entreprises comportent plusieurs puissances souscrites (de 1 à 8), correspondant à différentes périodes (saisons et heures). La tarification comprend alors un dénivelé de puissance permettant de déterminer le prix de l'abonnement. Le tarif jaune, par exemple, s'applique à des puissances souscrites allant de 36 kVA à 250 kVA, ce qui permet de couvrir les besoins de nombreuses entreprises. «Grâce à la négociation que nous effectuons, notamment sur la puissance souscrite, nos clients réalisent des économies qui vont de 3 à 10% sur leur budget énergie», souligne Stéphane Echardour (Expense Reduction Analysts).
Du côté des fournisseurs alternatifs de gaz, la situation est plus favorable que pour ceux de l'électricité. «Contrairement à l'électricité, la France ne produit pas de gaz et doit s'approvisionner auprès de pays étrangers. Par conséquent, il est plus facile pour les fournisseurs alternatifs de proposer des prix compétitifs aux entreprises», explique Stéphane Echardour. Un point de vue partagé par Yves Meyrueis, directeur commercial et marketing d'Altergaz: «Les tarifs que nous proposons sont moins chers que les tarifs réglementés affichés par le fournisseur historique. En effet, nous garantissons des économies d'au moins 5% en dessous du tarif réglementé». Aux entreprises d'en profiter.
Magdeleine Allaume, responsable achats généraux, groupe Bénéteau
Témoignage
«Notre fournisseur alternatif nous garantit des économies»
Depuis novembre 2008, le groupe Bénéteau, spécialisé dans la construction de bateaux de plaisance, a opté pour le fournisseur alternatif Altergaz. «Nous avons choisi de quitter l'opérateur historique avant tout pour réaliser des économies», explique Magdeleine Allaume, responsable achats généraux du groupe Bénéteau. En effet, Altergaz garantit des économies d'au moins 5% en dessous du tarif réglementé. Toutefois, le constructeur a souhaité conserver une indexation de ses tarifs de gaz sur les tarifs régulés. Ces derniers, fixés par l'Etat, ne sont pas assujettis aux cours volatils des marchés pétroliers, ce qui permet à Bénéteau de limiter sa prise de risque.
C'est à l'issue d'un appel d'offres lancé en mai 2008 que Altergaz a été sélectionné. «Nous avons retenu ce fournisseur car il présentait l'offre tarifaire la plus compétitive et était prêt à s'engager sur un contrat à long terme», précise Magdeleine Allaume. Autre argument déterminant: dans les contrats passés avec le fournisseur historique, les tarifs régulés s'accompagnent de conditions difficilement négociables. «En 2007, nous avions établi un plan d'économie d'énergie, basé sur la mise en place de bonnes pratiques, par exemple pour mieux gérer les horaires de fonctionnement du chauffage, souligne Magdeleine Allaume. Nous avions fortement diminué nos consommations, aidés en cela par un hiver peu rigoureux. Mais nos efforts n'ont pas porté tous leurs fruits: la structure des tarifs régulés impose des consommations minimales, en deçà desquelles il faut payer un complément de prix.» Et Magdeleine Allaume de conclure: «Les contrats sur les tarifs régulés sont très encadrés et limitent nos marges de manoeuvre.» Une situation qui a fini de convaincre le groupe Bénéteau de changer de fournisseur.
SPBI groupe Bénéteau
ACTIVITE
Construction de bateaux de plaisance
CHIFFRE D'AFFAIRES 2007/2008
813,9 millions d'euros
EFFECTIF GLOBAL
4 000 salariés
EFFECTIF ACHATS
17 collaborateurs