Les bureaux assis-debout peinent à séduire
Largement plébiscités par les pays Scandinaves, les bureaux réglables en hauteur, plus couramment appelés bureaux assis-debout, ne rencontrent pas le même succès en France. En cause: une révolution ergonomique tardive et un prix de vente encore trop élevé.
Je m'abonneLe concept de bureaux assis-debout est né dans les pays Scandinaves il y a un peu moins de quinze ans. Le principe? Faire en sorte que le bureau puisse s'adapter à la morphologie relativement grande de la population de ces pays, en leur offrant deux positions de travail. Dans la ligne de mire des sociétés Scandinaves: préserver le capital santé de leurs salariés. C'est la raison pour laquelle ces der- nières préfèrent investir davantage pour offrir des conditions de travail optimales et, ainsi, réduire les risques de troubles musculo-squelettique. «Les employeurs nordiques n'hésitent pas prévoir un budget plus important pour offrir à leurs salariés davantage de confort. En effet, ils estiment qu'un collaborateur en bonne santé sera plus productif et que le retour sur investissement sera bénéfique pour tout le monde», analyse Laurent Prétrot, responsable de la division mobilier de Linak France, fabricant de vérins électriques.
Cette révolution culturelle a déjà séduit certains pays voisins, comme l'Allemagne, le Bénélux ou la Suisse. En revanche, elle ne semble pas rencontrer autant de succès en France, où les entreprises sont encore trop peu nombreuses à avoir adopté ce concept. Dans la majorité des cas, les sociétés étrangères disposant de bureaux en France font figure de pionnières dans ce domaine. «Bon nombre de nos clients s adressent à nous pour moderniser leur mobilier de bureau au niveau international», constate Marion Toison, directrice du marketing produits France de Haworth. Certaines sociétés françaises ont également pris conscience de l'importance du bien-être de leurs salariés dans leur management. «L'objectif est de les séduire et de les fidéliser pour éviter le turnover», affirme Laurent Prétrot (Linak). Pour d'autres, la préoccupation se focalise sur l'image de marque de l'entreprise. «Nous travaillons dans le domaine du sport et nous nous devons de mettre en avant des valeurs de dynamisme. Nous ne pouvons pas recevoir des clients ou des partenaires avec des bureaux vieux de vingt ans», illustre Patrick Mendiburu, président-directeur général d'Extens.
Rétrospectivement, les premiers utilisateurs de bureaux assis-debout ont été les artisans, les laboratoires et le personnel technique. «De fil en aiguille, le monde de l'entreprise s'est intéressé à ce type de bureaux», relate Nathalie Ménardais, responsable marketing de Sokoa. Aujourd'hui, ce mobilier est surtout utilisé par des salariés mobiles travaillant dans un espace partagé. «C'est une manière d'accueillir de façon conviviale des collaborateurs qui passent peu de temps au bureau», souligne Marina Dédéyan, directrice de Mobilitis, société spécialisée dans l'aménagement d'espace. Même si l'idée paraît séduisante, les bureaux assis-debout ont donc du mal à toucher leur coeur de cible. «Ce marché reste encore une niche qui, à moins d'un changement de mentalité radical, devrait avoir du mal à percer», estime Nathalie Ménardais (Sokoa). Un point de vue que ne partage pas Laurent Prétrot (Linak): «D'ici cinq ans, ces bureaux pourraient représenter 20 à 30% du marché du bureau en France.»
Des prix supérieurs à 1000 euros
Autre frein au développement des bureaux assis-debout: leur prix. Celui-ci est compris entre 1000 et 1100 euros pour un modèle manuel et entre 1700 et 1800 euros pour son homonyme motorisé. «Face à ces tarifs élevés, les entreprises privilégient plutôt les modèles entrée de gamme», confirme François Bures, directeur marketing de Kinnarps. Pour justifier ces prix, les fabricants prônent une évolution technologique rapide. «En l'espace de dix ans, nous avons travaillé à la réduction sonore de nos produits. Aujourd'hui, nos recherches ont abouti à un système silencieux. A l'avenir, nous travaillerons sur les interfaces électroniques pour offrir davantage d'options comme la mémorisation de position définie soit par l'utilisateur, soit par un ergothérapeute», précise Laurent Prétrot (Linak).
De son côté, Haworth planche «sur des interfaces de motorisation plus simples et plus intuitives», indique Marion Toison. Pour les fabricants, il s'agit de trouver un compromis entre développer une technologie perfectionnée et une facilité d'usage. «Si le réglage du bureau devient trop compliqué, le salarié s'en désintéresse», tranche Marion Toison. Même constat chez Kinnarps, qui développe déjà sa quatrième génération de bureaux assis-debout. «Nos modèles ont considérablement évolué, ils sont devenus plus silencieux et plus maniables. A l'origine, le moteur, relativement volumineux, était place dans les pieds du bureau. Ce système n'était pas très esthétique et faisait beaucoup de bruit, se souvient François Bures. Aujourd'hui, les moteurs sont quasi miniatures.» Des avancées technologiques encore et toujours au service du bien-être des collaborateurs.
@ KINNARPS
Les fabricants ont revu le design des bureaux assis-debout pour les rendre plus esthétiques mais aussi plus faciles d'utilisation
Docteur Patrick Lemesle, médecin rhumatologue
Expertise
«Une mauvaise position au bureau peut entraîner des problèmes médicaux»
Pour le docteur Patrick Lemesle, l'idée d'un bureau assis-debout paraît séduisante. «Rester trop longtemps dans la même position peut provoquer des contractures musculaires qui, à terme, peuvent devenir douloureuses», rappelle-t-il. Changer régulièrement de position contribue, en effet, à faire baisser la tension rachidienne qui s'exerce lors d'un stationnement trop long dans la même posture. De plus, alterner entre une position assise et debout permet de préserver ses membres inférieurs. «Un genou trop longtemps plié peut provoquer des douleurs au niveau des rotules, poursuit-il. La station debout permet alors de faire baisser la pression sur les rotules et favorise la détente musculaire.» De manière générale, il est important de limiter la surcharge de tension musculaire. Autre élément à prendre en compte: l'âge du salarié.
En effet, un jeune homme de vingt ans a davantage de capacités physiques pour rester plus longtemps debout qu'un individu de plus de quarante ans. La résistance n'est pas la même car, lorsque le corps vieillit, le sujet peut être confronté à des problèmes comme l'arthrose ou la lombalgie qui ne lui permettent pas de rester très longtemps debout. «Dans le cadre d'un mauvais environnement de travail, certains patients souffrent de lombalgie, de douleurs aux cervicales ou aux genoux, souligne Patrick Lemesle. Soit parce qu'ils ignorent les gestes et postures adaptés, notamment lorsqu'ils doivent porter de lourdes charges, soit parce qu'ils se positionnent mal devant leur écran.» Lorsque le collaborateur travaille longtemps sur ordinateur, il doit tout d'abord ajuster son écran à la bonne hauteur et éviter une station prolongée.