Le retour de la classe affaires?
Crise oblige, les entreprises misent sur des politiques voyages restrictives dont la classe business est la première à faire les frais. Mais, si les déplacements en «tout éco» se généralisent sur les petits trajets, il reste un marché pour lequel la classe affaires n'a pas perdu la bataille, celui des long-courriers.
Je m'abonneExiste-t-il encore de bonnes raisons de voyager en classe affaires? Si l'on en croit les dernières études du secteur, cette question semble tourmenter plus d'un travel manager. Selon une enquête, réalisée fin 2010 par l'agence Egencia, 70 % des entreprises ont restreint l'accès à la classe affaires. L'étude 2010 d'Amex rappelait que parmi les leviers des acheteurs pour optimiser les coûts, la recherche du meilleur tarif disponible, le durcissement de la politique voyages et l'achat de billets peu flexibles caracolaient respectivement en première, cinquième et neuvième positions. Le glas va-t-il alors sonner pour la classe affaires? « Généralement, elle constitue une source de revenus non négligeable pour les transporteurs et symétriquement un poste de dépenses de taille pour les entreprises, qui n'ont de cesse de l'optimiser », reconnaît Eric Billaut, director supplier management and procurement chez Amex. Et pour cause, trois semaines avant la date de départ pour un Paris-New York sur Air France, il faut prévoir pas moins de 3 000 euros ( aller-retour) contre 500 euros «seulement» en économique... soit six fois moins cher!
Classe premium toute!
Premier marché touché par le déclin de la classe business: les vols courts et moyens courriers. Selon l'AFTM (Association française des travel managers), moins d'un tiers des politiques voyages autorisent la classe affaires pour ce type de trajets, les deux tiers l'accordant seulement au-delà d'un certain nombre d'heures de vol. Un critère de durée de vol extrêmement variable d'une entreprise à l'autre, toujours selon l'étude. Quelques sociétés estiment que la classe économique devient difficilement supportable au-delà de trois ou quatre heures de vol. Mais la majorité d'entre elles place la limite autour de six heures, durée stable depuis 2009. « Pour éviter une brutale migration des voyageurs d'affaires de l'avant de l'avion vers l'arrière, certaines compagnies - à l'instar d'Air France et de British Airways - ont été malignes en créant une classe intermédiaire appelée premium, à des tarifs beaucoup plus abordables », constate Yann Barbizet, directeur du cabinet Concomitance. Cette classe de réservation semble susciter l'intérêt des entreprises sur le segment court-courrier. « Après la crise, les ventes ont certes repris des couleurs sur les trois classes -affaires, premium et économique mais un décrochage reste perceptible sur la business, contrairement à la premium et à l'économique . Pour ces deux dernières, les habitudes de consommation ont repris sur les vols inférieurs à trois heures», explique Eric Billaut (Amex). Aussi, pour récupérer les parts de marché perdues par les compagnies régulières sur le segment court-courrier, certains acteurs low cost font preuve d'ingéniosité. Leur créneau? Miser sur une offre 100 % dédiée aux hommes d'affaires, comme EasyJet. Ainsi avec un billet à 117,50 euros TTC l'aller simple, ils peuvent modifier leur réservation jusqu'à deux heures avant le départ et s'enregistrer puis embarquer en priorité sur un autre vol.
Eric Billaut, Amex
« La classe affaires est une source de revenus non négligeable pour les transporteurs et un poste de dépenses de taille pour les entreprises. »
Le confort, gage d'efficacité
Reste un marché sur lequel la business class est loin d'avoir dit son dernier mot: les long-courriers. «Nos entreprises occidentales sont à la conquête de marchés hors de l'Europe, nécessitant des déplacements de plus de trois heures. Pour ce type de trajets, les politiques voyages s'avèrent plus flexibles en autorisant, in fine, la classe affaires ou premium», analyse Yann Barbizet. Selon l'agence Carlson Wagonlit Travel (CWT), les ventes de billets en business sur du long-courrier auraient augmenté entre 2009 et 2010. A l'échelle mondiale, 36 % des clients du groupe auraient voyagé en classe affaires, contre 35 % en 2009. En France, ils étaient 28 % en 2010 contre 25 % en 2009. «Même si nous n'avons pas retrouvé les niveaux de 2008, ces chiffres sont encourageants, explique Stéphane Birochau, directeur commercial grands comptes France du groupe. Et pour cause, ils prouvent que le voyage est avant tout considéré comme un investissement par les entreprises.» Autrement dit, il n'est pas judicieux de rogner sur le confort du voyageur, garant d'efficacité de celui-ci lors de rencontres clients ou fournisseurs. « Car la classe affaires fournit un service plus propice au travail, non seulement à bord, grâce à des sièges plus grands et totalement inclinables ou dotés d'un rangement pour ordinateur portable, mais aussi au sol, en permettant aux voyageurs d'accéder aux salons bien équipés et propices au travail nomades», renchérit le directeur commercial grands comptes de CWT. Une offre tout compris sur laquelle mise aussi le marché ferroviaire, comme la SNCF grâce à ses billets de première classe. «D'autant plus que celle-ci propose de nombreuses offres promotionnelles permettant aux voyageurs d'acheter leurs billets à des tarifs ultra-compétitifs», souligne Eric Billaut (Amex). L'ère du voyage en «tout éco» n'est pas (encore) pour demain.
Jean-Pierre Drioux, Axa France
Témoignage
La classe affaires est autorisée pour les vols supérieurs à six heures»
Chez Axa France, les collaborateurs peuvent voyager en classe affaires pour tous déplacements d'une durée de six heures et plus. «En deçà, la classe économique est requise», explique Jean-Pierre Drioux, travel manager au sein du groupe. Une règle qui a été mise en place bien avant la crise. «Elle n'est ni trop stricte, ni trop souple. Elle concilie surtout deux objectifs: ne pas impacter le confort et, in fine, l'efficacité du salarié sans pour autant gonfler les dépenses de l'entreprise.»
Pour le train, la première classe est autorisée pour les déplacements supérieurs à deux heures (excepté les trajets Paris-Nantes et Paris-Lyon). « Depuis la crise, nous avons introduit une règle plus drastique concernant les voyages en train, rappelle le travel manager. Ainsi, pour tous déplacements dans le cadre d'une formation, la classe économique s'impose automatiquement, et ce, quel que soit le temps de trajet. » Comment une telle mesure a-t-elle été perçue par les salariés? «Lors de l'instauration d'une règle de ce type, nous veillons à communiquer en amont auprès des salariés pour mieux susciter leur adhésion. L'exclusive réservation en classe affaires pour les longs déplacements ne doit pas être érigée en un principe dogmatique. Beaucoup de jeunes collaborateurs d'Axa privilégient des vols en classe économique afin de se garder la possibilité de visiter plus fréquemment leurs clients.» Et pour des vols Paris-New York, les collaborateurs qui le souhaitent peuvent réserver leur aller (qu'Air France opère généralement en journée) en classe premium.