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Le low cost s'intéresse à la clientèle affaires

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Vols régulièrement annulés, services annexes aux tarifs exorbitants... Si le low cost a longtemps constitué une alternative peu crédible pour les entreprises, certaines compagnies aériennes n'hésitent plus à employer les grands moyens pour les séduire. Décryptage.

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Des toilettes bientôt payantes dans les compagnies low cost? Loin d'être une mauvaise blague, il pourrait s'agir du prochain credo des compagnies aériennes à bas coût, à l'instar de Ryanair. Du moins à en croire son fantaisiste dirigeant, Michael O'Leary, déclarant à la BBC en février dernier, son intention de faire payer 1 livre (1,12 euro) l'usage des commodités à bord de ses avions. Si l'idée est restée pour l'heure dans les cartons, elle atteste bien de la réalité du modèle low cost: gonfler les marges en facturant les services annexes, tels que la restauration à bord ou les places près des hublots. D'après une étude menée par le cabinet américain IdeaWorks, dévoilée par Les Echos en août dernier, ce dégroupage des tarifs aurait permis à Ryanair et à Easyjet d'empocher respectivement 664 millions et 609 millions d'euros en 2009. Des revenus supplémentaires qui bondiraient constamment d'une année sur l'autre, toujours selon la même étude. Au point de devenir un véritable casse-tête pour les travels managers qui misent sur le low cost justement pour réduire les coûts. « La question de la maîtrise de ces tarif additionnels constitue un fort enjeu au sein des entreprises, car ils interviennent souvent après la réservation, rendant complexe tout contrôle de conformité de la politique voyages par les travels managers », explique Yann Barbizet, directeur associé du cabinet de conseil Concomitance. Pourtant, un nouveau service pourrait faire évoluer la donne. « Les éditeurs de GDS - Global Distribution Systems, systèmes de réservations utilisés notamment par les agences de voyages - sont sur le point de se mettre d'accord pour intégrer ces revenus complémentaires dès la réservation, afin qu'ils apparaissent à côté du prix facial du billet », confie Yann Barbizet.

Une évolution qui n'aurait pu être possible sans la volonté de certaines compagnies low cost de s'ouvrir à la clientèle business. En effet, il y a quelques années à peine, les compagnies de ce secteur refusaient de figurer dans les GDS des agences de voyages. « Ce qui compliquait le travail de réservation, en rendant impossible la comparaison des différentes offres, low cost ou pas, à partir d'un même support », explique Etienne Penaud, consultant spécialisé dans les voyages d'affaires au sein du cabinet Atlans.

Parmi les compagnies low cost ayant franchi le cap des GDS, Easyjet fait figure de pionnière alors que Ryanair campe toujours sur ses positions. « Depuis deux ans, nous apparaissons sur les GDS tels que Amadeus. En misant sur ce canal de distribution supplémentaire, nous facilitons le travail des agences de voyages qui n'ont plus à se rendre sur notre site corporate pour réserver », explique François Bacchetta, directeur général d'Easyjet France.

Une initiative riche en symboles qui illustre bien la nouvelle stratégie des compagnies low cost: cibler les particuliers aussi bien que les professionnels. « Les modes de réservation et de paiement peu pratiques des billets low cost ont longtemps constitué un frein pour les entreprises », rappelle Yann Barbizet (Concomitance). En efet, il n'est pas rare que le voyageur d'affaires doive faire l'avance sur l'achat d'un billet low cost, faute d'accord entre les compagnies et les émetteurs de cartes logées. « Nous avons signé un partenariat avec Air Plus, mais nous ne sommes toujours pas compatibles avec un panel étendu de cartes logées », reconnaît le directeur général d'Easyjet France.

Des fréquences plus importantes

Autre créneau sur lequel surfent les compagnies low cost pour mieux cibler les voyageurs d'affaires: faire décoller leurs avions des grands aéroports européens et non plus des plate-formes aéroportuaires secondaires. Un parti que devrait bientôt adopter Ryanair, dixit son dirigeant, alors qu'Easyjet s'est déjà illustré en la matière. « Depuis plusieurs années, nous misons sur un maillage particulièrement important, en reliant un nombre élevé de grandes villes européennes entre elles », affirme François Bacchetta (Easyjet). Sans oublier les efforts investis en termes de fréquence des vols. Par exemple, si la compagnie ne proposait, il y a quatre ans, qu'un vol Paris-Milan par jour, il y en existe désormais sept, en partance d'Orly et de Roissy Même stratégie concernant les lignes Paris-Madrid et Paris-Barcelone, où le nombre de vols a quadruplé en quelques années. « Nous veillons à répartir nos vols sur des plages horaires très étendues, tôt le matin et tard le soir, pour que les voyageurs d'affaires puissent faire l'aller-retour dans la journée », indique François Bacchetta (Easyjet). Pour mieux capter la clientèle affaires, nous devons également miser sur une meilleure qualité de services. » Pour cette raison, Easyjet a supprimé les limitations de poids sur les bagages cabine ou encore introduit une certaine flexibilité dans les billets, avec la possibilité de changer son vol retour sans frais, sous conditions. Autant d'éléments qui expliquent pourquoi le segment business représente plus de 20 % de la clientèle de la compagnie. Plus encore, sur des vols nationaux comme Paris-Toulouse, il caracole à 40 %. Ryanair, pour sa part, aurait affiché en 2007 un taux de passagers d'affaires de 25 %.

La crise accélère le processus

« Voyager en low cost est entré dans les moeurs au point de séduire de plus en plus de travels managers, analyse Brigitte Jakubowski, directeur du cabinet de conseil JK Associates Consulting. Même si certains voyageurs d'affaires sont encore récalcitrants à l'idée de voler avec ces compagnies, elles ne font plus l'objet de contre-indication dans les politiques voyages, la crise ayant bien entendu accéléré le processus. » Une occasion en or pour ces compagnies de redorer leur image. Et de préciser: « On leur reproche souvent d' être en retard alors que le schéma économique du low cost consiste à réduire le temps d'embarquement, et donc in fine à respecter les horaires pour ne pas payer de taxes à l'aéroport .» Des propos nuancés par Etienne Penaud (Atlans): « Ceci ils peuvent annuler fréquemment des avions, pénalisant plus lourdement encore la clientèle affaires. » Un autre argument en défaveur du low cost réside dans l'impossibilité de négocier des accords avec ces compagnies. « Nos billets étant nettement moins chers que ceux de nos concurrents, nous refusons de négocier avec les agences des tarifs préférentiels », assume le directeur général d'Easyjet France. Un inconvénient de taille qui, additionné aux autres contraintes propres au low cost, ternit le succès de ces compagnies auprès des professionnels. « D'autant que plus on se rapproche de la date de départ, moins les offres low cost sont compétitives, considère Brigitte Jakubowski (JK Associates Consulting). Dans ce cas, les travels managers ont plutôt intérêt à miser sur les billets de type low fare des compagnies régulières, à l'instar de l'offre Neo d'Air France, disponible sur les courts et moyens courriers. » Autant d'éléments qui expliquent pourquoi « les compagnies à bas coût restent encore marginales dans les politiques voyages des grandes entreprises », selon Etienne Penaud (Atlans). Une opinion partagée Yann Barbizet (Concomitance): « Le low cost, au niveau B to B, a encore du mal à décoller, notamment parce que le train reste plus accessible, voire plus compétitif que l'aérien à bas coût. » D'ailleurs, le low cost n'occupe que la treizième place parmi les moyens utilisés par les travels managers pour réduire les coûts, selon le baromètre européen des voyages d'affaires, réalisé en 2009 par American Express.

Yann Le Goff, sourcing director, Sidel Blowing & Services SA

Yann Le Goff, sourcing director, Sidel Blowing & Services SA

Témoignage - « Grâce au low cost, nous avons largement réduit nos coûts »

Comment réduire son budget voyages de 4 4 % en diminuant ses déplacements de 22 % seulement? C'est le défi qu'a relevé Sidel Blowing & Services SA, spécialiste de la fabrication de machines et d'équipements mécaniques, en privilégiant le recours aux compagnies low cost. « Depuis deux ans, nous avons décidé de réduire au maximum les vols avec des compagnies régulières pour privilégier leurs concurrentes à bas coûts, à l'instar d'Easyjet ou Ryanair », explique Yann Le G off, sourcing director (Indirect Material & Service Operations) au sein de l'entreprise. Une politique voyages plus restrictive qui joue la carte du «Best Buy». « Le principe est simple: notre agence a pour obligation de choisir l'offre la moins chère, tout en veillant qu'elle est adaptée au profil de chaque voyageur. Mécaniquement, elle privilégie donc les opérateurs low cost, même si elle peut aussi proposer des offres promotionnelles plus intéressantes émanant des compagnies régulières, ou alors nous orienter vers les tarifs négociés avec ces dernières en cas de manque de place sur les compagnies à bas coûts ou lors de réservations de dernière minute. » Profitant plein e m e n t du «yield management» (évolution des prix en fonction des taux de remplissage des avions, NDLR), l'entreprise peut ainsi réduire ses dépenses. « Nos collaborateurs voyagent essentiellement en low cost pour faire les allers-retours entre les deux sièges sociaux du groupe, situés au Havre et à Parme, en Italie », précise Yann Le Goff. Et d'ajouter: « Etant donné que ces villes sont plutôt excentrées, les compagnies low cost qui desservent les aéroports implantés en périphérie permettent à nos salariés de réduire leur trajet en voiture, une fois arrivés à destination. » Le montant des économies générées par l'entreprise via le recours au low cost (incluant les gains de productivité, c'est-à-dire les heures de travail non perdues dans les transports), est ainsi de 750 000 euros par an.


Sidel Blowing & Services SA


ACTIVITE
Fabrication de machines d'emballage d'affaires 2009
990 millions d'euros


EFFECTIF
5 151 salariés


VOLUME D'ACHATS 2009
549 millions d'euros


EFFECTIF ACHATS
26 collaborateurs

François Bacchetta, Easyjet

« Nous veillons à répartir nos vols sur des plages horaires très étendues, tôt le matin et tard le soir, pour que les voyageurs d'affaires puissent faire l'aller-retour dans la journée. »

Nicolas François, travel manager, Natixis

Nicolas François, travel manager, Natixis

Témoignage - "Les compagnies régulières offrent une meilleure qualité de service"

"Chez Natixis, nous n'imposons pas les vols low cost à nos collaborateurs, explique Nicolas François, travel manager au sein de la banque. Nous tenons aux petits détails qui assurent le confort du voyageur : flexibilité des billets, possibilité d'atterrir dans les aéroports les plus proches de nos sites, etc. Autant d'éléments qui font généralement défaut aux compagnies à bas coûts."
L'agence de voyages de Natixis propose donc généralement aux collaborateurs des offres "full flex" (sans condition de réservation, NDLR) issues d'accords négociés. Elle veille toutefois à leur soumettre, en parallèle, des billets plus économiques, qu'ils émanent ou non de compagnies low cost, "l' important étant de proposer l'offre la plus large possible". Une stratégie qui permet de répondre aux besoins particulièrement éclectiques de l'ensemble des voyageurs de Natixis. "Nous avons remarqué que 5 % de nos voyageurs misent systématiquement sur les vols les moins chers", indique Nicolas François. Et d'ajouter : "De manière plus ponctuelle, le recours aux billets à flexibilité réduite peut aussi concerner jusqu'à 50 % des collaborateurs, notamment lors de missions où les risques d'annulation sont très faibles."
Toutefois, dans un cas comme dans l'autre, l'idée n'est pas de privilégier uniquement les compagnies low cost, mais bien l'offre la plus compétitive, qu'elle émane d'Air France ou d'Easyjet "Si les vols low cost s'avèrent souvent bon marché pour des allers simples, ils sont parfois moins compétitifs que les billets restrictifs proposés par les compagnies régulières." D'autant que Natixis bénéficie avec ces dernières d'un service d'une plus grande qualité, avec davantage de réactivité. "Contrairement aux compagnies low cost, leurs concurrentes régulières instaurent avec leurs clients une relation de proximité via la mise en place d'un interlocuteur unique. Un service appréciable, notamment lors de situations complexes, comme la récente éruption du volcan islandais."


Natixis


ACTIVITE


Banque


PRODUIT NET BANCAIRE MI-2010
1,467 milliard d'euros


EFFECTIF TOTAL
22 000 collaborateurs

 
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Charles Cohen

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