La dématérialisation surfe sur le numérique
Le document numérique ne cesse de gagner du terrain au détriment de son homologue papier. Compte tenu des gains potentiels de productivité qui en résultent, rien ne devrait arrêter la progression de la dématérialisation documentaire et ses applications devraient connaître un beau développement, notamment dans le secteur RH.
Je m'abonneMal perçue, voire qualifiée d'obscure durant de nombreuses années, la dématérialisation documentaire a progressivement gagné ses lettres de noblesse, au point de devenir incontournable depuis trois ou quatre ans au sein des grandes entreprises. Par dématérialisation, il faut comprendre la faculté de faire évoluer un processus, basé sur un document papier, vers une réalisation informatique et automatisée. «La numérisation est une condition nécessaire pour dématérialiser les processus, mais elle n'est pas suffisante. Seule l'automatisation permet de dégager de vrais gains de productivité », précise Vincent Ehrström, directeur marketing d'Itesoft. D'autre part, la dématérialisation implique aussi bien l'ensemble des flux entrants de documents (factures fournisseurs notamment) que les flux sortants, de plus en plus concernés (devis, bons de commande, bulletins de paie, etc.), avec des enjeux et des impacts importants pour l'entreprise.
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Le marché de la dématérialisation vu par Markess International: de belles perspectives
Quelle que soit la nature des documents et des flux d'information, Markess International constate dans sa dernière étude une progression inéluctable des projets de dématérialisation. Un marché qui devrait croître selon le cabinet d'études de 14 %, entre 2011 et 2013, pour passer de 3,6 milliards d'euros à 4,7 milliards d'euros. D'autre part, il est intéressant de constater que la dématérialisation tire dans son sillage d'autres projets connexes, tels que la gestion de contenus, l'archivage, la certification/sécurisation ou les projets collaboratifs. Par ailleurs, Markess met en exergue six raisons à l'origine de ce type d'investissements: obtenir une meilleure traçabilité des processus, une collaboration accrue sur le partage des documents, une réduction des délais de traitement des gains en matière de performance/compétitivité, une réduction des coûts éditiques et enfin, une mobilité accrue pour faciliter le travail à distance.
Olivier Faura, Everial
«La «démat» permet de valoriser l'information, d'en réduire le coût tout en accélérant les processus opérationnels. »
Des enjeux financiers grandissants
Les atouts de la dématérialisation des flux entrants et sortants sont rapidement mesurables puisqu'elle s'appuie sur l'extraction et le traitement des données pour ensuite alimenter des applications métiers. «La «démat» permet de valoriser l'information, d'en réduire le coût de traitement, tout en accélérant les processus opérationnels», explique Olivier Faura, directeur marketing du développement à l'international chez Everial. A la clé, un accroissement potentiel de l'activité avec un maintien de l'effectif En outre, avec la numérisation des fonds documentaires, il devient possible d'alimenter la base de connaissances de l'entreprise et d'optimiser la recherche et le partage des documents, tout en archivant et en sauvegardant le tout au format électronique, pour obtenir des gains de place substantiels.
Les économies potentielles s'accompagnent d'améliorations, puisqu'en accélérant les processus de partage de l'information, on peut améliorer la productivité. «Dans le cas de projets sur les factures fournisseurs, il est possible de diminuer par quatre le coût des traitements de ces factures», affirme Séverine Denys, responsable ingénierie solution archivage électronique chez Locarchives. Même son de cloche pour Ghislain Chaumont, p-dg de Data Syscom. «Les gains de productivité, pouvant atteindre 80 %, représentent souvent le premier argument grâce notamment, à la plus grande facilité de recherche des documents», avoue- t-il. L'automatisation, associée à la dématérialisation, entraîne de surcroît une fiabilisation des processus avec une diminution du risque d'erreurs.
Edith Boulinguez, PMU
Témoignage
«Les utilisateurs sont pleinement satisfaits, une fois qu'ils ont franchi le pas»
«L'envoi des bulletins de paie nous prenait beaucoup de temps, entre la copie adressée aux responsables d'entité et l'expédition à l'ensemble des collaborateurs, sans oublier le risque de perte des bulletins transitant par La Poste ou par coursiers», annonce Edith Boulinguez, responsable administration du personnel du PMU. Le message est clair. Fin 2010, sous l'impulsion du service RH, le spécialiste des paris sur les courses de chevaux lance une réflexion pour remettre complètement à plat sa gestion des fiches de paie, perçue comme vieillissante et chronophage. Le projet prend alors forme sur deux niveaux en janvier 2012. Un premier composé d'un bureau virtuel destiné au service RH proposé par ADP, garantissant une mise à disposition des bulletins de paie décentralisée. Le second permet l'utilisation d'un coffre-fort électronique des bulletins, en collaboration avec Digiposte. Le projet a permis un gain de temps notoire puisque le PMU affirme avoir gagné une journée et demie par mois. «Les éditions des bulletins, la préparation et la mise sous enveloppes, sans oublier les envois, désormais n'existent plus pour ceux qui ont adhéré au projet», confie Edith Boulinguez. En revanche, avec un budget global proche de 6 500 euros, les gains sont quasi nuls. Le taux d'adhésion en juillet 2012 estimé à 29 % (1 300 personnes étaient concernées sur les 1 400 que comptent le PMU), est considéré comme très satisfaisant par le service RH. L'objectif de 30 % (initialement prévu pour la fin de l'année) est presque atteint. «Convaincre les salariés réclame certes beaucoup de temps et de communication, mais les utilisateurs sont eux-mêmes pleinement satisfaits par ce service, une fois qu'ils ont franchi le pas», conclut Edith Boulinguez.
GIE PMU
ACTIVITE
Gestion de prises de paris
CA 2011
10,2 milliards d'euros
RESULTAT NET
876 millions d'euros
EFFECTIF
1 400 salariés
VOLUME D'ACHAT
NC
EFFECTIF ACHATS
21 salariés
Les applications «démat» ont le vent en poupe dans les services RH
Apparue discrètement il y a une dizaine d'années, la dématérialisation des bulletins de paie s'est longtemps résumée à une simple numérisation. Avec la modification de la loi de 2009 sur le Code du travail, qui permet désormais aux employeurs d'adresser aux salariés une version électronique de la fiche de paie, la donne a quelque peu changé. Il est cependant nécessaire de respecter deux conditions. Le salarié doit, d'une part, donner son accord de son plein gré, en toute connaissance de cause. D'autre part, la remise du bulletin de paie doit être effectuée de manière à garantir l'intégrité des données. «Seule une plateforme sécurisée peut être utilisée, ce qui exclut, par exemple, l'envoi du bulletin par e-mail», souligne André Demollière, responsable marketing dématérialisation RH chez ADP. Quant au format du bulletin numérique, même s'il n'y a pas de norme obligatoire, il est la plupart du temps remis sous un format PDF.
La dématérialisation des bulletins de paie se justifie très souvent par la volonté d'étendre à ce document RH des initiatives similaires déjà lancées dans le domaine des factures ou des bons de commande, par exemple. Une stratégie de développement durable déployée par l'entreprise peut également expliquer un tel projet car la «démat» permet une diminution notoire de la consommation de papier et une utilisation plus économe du parc d'imprimantes. Le souhait d'améliorer sa productivité peut également motiver sa mise en place, notamment pour les entreprises disposant d'un vaste réseau réparti sur le territoire français. En effet, un tel projet entraîne une baisse sensible de l'envoi des bulletins de paie avec, à la clef, une diminution de la consommation d'enveloppes et de timbres. Certes, l'utilisation d'une fiche de paie «digitale» par les salariés est freinée par leur attachement historique au bulletin papier. Pour autant, une fois l'épreuve du test passée, les nouveaux utilisateurs sont pleinement satisfaits du service. «Quand les utilisateurs sont habitués, depuis des années, à manipuler une fiche de paie papier, l'adoption d'une version numérique ne se fait pas sur un claquement de doigts. Mais elle connaît une progression intéressante, atteignant les 30 % au bout de quelques mois de production», constate André Demollière. D'ailleurs, la dématérialisation de bulletins de paie favorise l'avancement de projets similaires sur d'autres documents RH. Ainsi, contrats de travail, fiches de déclaration fiscale de revenus ou reçus pour solde de tout compte sont souvent dématérialisés par la suite.
Didier Gaspard, Tiru
Témoignage
Tiru déploie toute son énergie à dématérialiser ses factures
Filiale à 51 % du groupe EDF, producteur d'énergie verte spécialisé dans la valorisation énergétique, le groupe Tiru souhaitait notamment adapter la gestion informatique de ses factures fournisseurs outil à la croissance de son activité. Initié en 2007, le projet de dématérialisation de factures dé-marre véritablement en 2009 avec l'adoption de la solution "FreeMind for Invoices 2.2" d'Itesoft. « La rénovation de notre SI s'est effectuée par le choix concomitant de SAP pour la partie comptable, et d'Itesoft pour la partie facture entrante », souligne Didier Gaspard, responsable comptable. En mars 2012, le groupe Tiru met en place la version 2.5 d'Itesoft parallèlement à une migration sur SAP en version ECC 6. Non seulement l'effectif comptable passe de 14 personnes à 12 personnes, mais les bénéfices sont immédiats avec un gain supplémentaire de productivité comptable : 70 % des fournisseurs sont identifiés automatiquement et 75 % des données ne nécessitent plus aucune intervention manuelle. «En outre, la solution étant basée sur une architecture 100% web et mobile, le déploiement dans nos filiales est instantané», constate Didier Gaspard.
Groupe Tiru SA
ACTIVITE
Valorisation énergétique de déchets
CA 2011
205 millions d'euros
RESULTAT NET
6,5 millions d'euros
EFFECTIF
1100 salariés
VOLUME D'ACHAT
96 millions d'euros
EFFECTIF ACHATS
3 salariés + 1 prestataire
Accompagner les utilisateurs: une priorité
A l'instar de tout projet informatique, la dématérialisation documentaire implique une réflexion globale sur les objectifs à fixer. «Il convient de définir la politique d'archivage souhaitée et la manière dont l'entreprise va gérer les informations, notamment par quel processus... », précise Emmanuel Olivier, directeur général d'Esker. Ainsi, une cartographie des documents inclus dans le périmètre du projet est nécessaire. Il s'agit d'identifier le cycle de vie des documents, de poser des règles d'accès et de déterminer les services impliqués. «Il ne faut pas oublier de d é terminer un chef de projet chez le fournisseur et chez le client», poursuit Bernard Debauche, senior vice-président du marketing stratégique chez Axway Un projet de «démat» impacte les habitudes de travail, il ne faut pas sous-estimer la résistance qui peut s'opérer. En effet, il n'est pas aisé de passer d'un monde papier à un monde électronique sans heurts. Une conduite du changement s'avère, en outre, indispensable pour éviter des phénomènes soit de rejet, soit de contournement de la solution par les utilisateurs. Enfin, la manière dont le projet sera abordé doit être considérée en fonction de la culture de l'entreprise. Une approche par petites touches est souvent préférable à une méthode de type «big bang» qui chamboule le SI de l'entreprise en un temps record. Garder à l'esprit que la technologie est au service des besoins et non l'inverse. Ainsi, les projets de dématérialisation documentaire peuvent trouver un écho favorable auprès des collaborateurs. Avec l'omniprésence du numérique, autant apprendre à s'en servir à bon escient...